Prier 15 jours avec Antoine Chevrier : 15 – Marie Boisson

Publié le par Michel Durand

Prier 15 jours avec Antoine Chevrier : 15 – Marie Boisson

Marie Boisson (1836-1902)

 

« Je n’ai qu’une vraie fille, c’est Sœur Marie ». (Antoine Chevrier)

 

On pourra être étonné que ce parcours de quinze jours avec le fondateur d’une œuvre de formation et de réunion de « prêtres selon l’Évangile », s’achève avec une séquence consacrée à une femme : Marie Boisson. Mais l’évocation de la figure de celle qui fut la première sœur du Prado et la supérieure de la communauté, nous rappellera que, pour Antoine Chevrier, la vocation à devenir un « véritable disciple » n’est pas réservée à ceux qui ont été appelés au sacerdoce ministériel. Marie Boisson, de surcroît, a été pour Antoine Chevrier un soutien de tous les instants à partir du moment où elle a décidé de le rejoindre.

Antoine Chevrier et Marie Boisson avaient dix ans de différence. Elle n’a pas encore vingt- deux ans, ce jour de janvier 1858, quand elle se rend à la Cité de l’Enfant-Jésus dont Antoine est alors l’aumônier. Au Procès de canonisation du Père Chevrier, elle a raconté comment les choses s’étaient passées :

« C’était pendant que le Père était à la Cité que j’ai fait sa connaissance ; c’était le 13 janvier 1858. J’en avais entendu parler par une jeune personne qui avait beaucoup de vénération pour lui, et j’allais me confesser à lui (je n’ai pas eu d’autre directeur jusqu’à sa mort). Je voulais alors entrer chez les Petites Sœurs des Pauvres, et le Père m’avait promis de m’y présenter, lorsqu’une demoiselle (Amélie) Visignat que j’avais rencontrée à la Cité m’annonça qu’elle entrait à la Cité pour s’occuper des Premières Communions. Elle me déclara qu’elle n’y rentrerait qu’avec moi. Je lui promis tout de suite, et le 15 août j’allais me présenter au Père Chevrier. Il me répondit : « Nous verrons dans trois mois ». Sur les instances de Mademoiselle Visignat, nous entrâmes l’une et l’autre à la Cité le premier vendredi de septembre 1858 ».

Marie Boisson était la fille d’un restaurateur des Pentes de la Croix-Rousse à Lyon. Très jeune, elle perd ses parents et est élevée par une tante qui la forme avec soin au travail et à la vie chrétienne. Elle deviendra ouvrière en soie. C’est une jeune fille au caractère déterminé et audacieux. A la Cité de l’Enfant-Jésus de Camille Rambaud, elle se dévoue de toutes ses forces aux filles qui sont là et dont elle est capable de comprendre les détresses. Et quand il apparaît que l’œuvre de la première Communion ne peut se développer correctement dans cette Cité de logements sociaux, Marie choisit d’en sortir avec Amélie Visignat et Pierre Louat. Comme le Père Chevrier hésite à la laisser partir, elle ne craint pas d’aller solliciter la permission de l’archevêque de Lyon ! Bientôt, elle sera aux côtés d’Antoine pour faire grandir, à Fourvière d’abord puis à la Guillotière ensuite, l’œuvre de la première Communion.

Malgré les conditions difficiles d’existence au Prado, la réputation de sainteté d’Antoine Chevrier lui vaut de recevoir régulièrement des demandes pour venir travailler avec lui, et tout d’abord des demandes de jeunes femmes. Certaines de ces personnes ne restent pas longtemps, mais d’autres témoignent d’une vraie vocation au service des plus pauvres. Pour ces auxiliaires féminines, le Père Chevrier va être ainsi amené à chercher une structure et une formation : ce sera le Tiers-Ordre de Saint-François. Le 2 février 1862, Marie Boisson est reçue tertiaire sous le nom de Marie-Angèle et devient, ainsi, la « première sœur » du Prado.

 

Témoin des grandes misères de la Guillotière, le Père Chevrier était convaincu que le Seigneur appelait autant des femmes que des hommes à le servir parmi les pauvres. Et tout en étant d’abord soucieux d’établir une œuvre de formation de prêtres séculiers décidés à vivre la pauvreté, il s’est investi également dans la formation de femmes-disciples. Son désir n’était pas tant de créer une congrégation féminine de plus, mais de répondre à des besoins qui se présentaient. En 1872, soucieux de voir surgir non seulement des catéchistes (comme au Prado), mais aussi des femmes allant visiter les malades pauvres, il écrit : « Je voudrais établir des sœurs appelées Petites Servantes des Pauvres. Leur but serait de servir réellement les pauvres. On en établirait dans les différents quartiers de la ville (...). Elles habiteraient, deux ou trois ensemble, un rez-de-chaussée comprenant deux pièces (...), l’une pour recevoir les pauvres pendant la journée, l’autre pour elles-mêmes, servant de cuisine et de dortoir. Leur fonction seraient d’aller, partout où besoin serait, soigner les malades, faire le ménage, laver le linge des pauvres, garder les enfants des pauvres qui vont travailler, ensevelir les morts, faire en un mot tout ce qui est utile aux pauvres du quartier. Le soir, on ferait la prière en public, dans la première salle, aux enfants et aux autres personnes, et on lirait un chapitre du catéchisme, et une prière du soir ».

Les Petites Servantes des Pauvres existeront quelques années sous ce nom. Mais l’ensemble des Sœurs du Prado a su correspondre finalement (et continue de le faire ! Les sœurs sont aujourd’hui quelque trois cents dans le monde) à ce « rêve » d’Antoine Chevrier, et Sœur Marie a été pour beaucoup dans sa réalisation. Cette femme a donné toute sa vie aux enfants pauvres, et elle s’est montrée également totalement disponible pour ses sœurs. Avec Antoine et les autres résidents du Prado, elle a partagé le pain noir de la pauvreté mais aussi le bonheur de la vie selon l’Évangile. Elle s’est occupée de la préparation des filles à la première Communion, s’est souciée avec les autres sœurs de la vie des garçons inscrits à l’école cléricale, a suivi le Père Chevrier à la paroisse du Moulin-à-Vent et participé ainsi à son ministère paroissial. A la demande d’Antoine, elle partira trois ans à Limonest pour un essai « d’œuvre des handicapés mentaux », une tentative de faire le catéchisme à des enfants handicapés avec des moyens adaptés.

Après la mort du Père Chevrier, Sœur Marie va vivre dans la maison qui avait été achetée pour les sœurs à la Guillotière, dans une petite pièce située sous le toit. Elle partagera cet espace minuscule avec Etiennette, une jeune fille épileptique. On y gelait l’hiver ; on y brûlait l’été.

Toute son existence au Prado, Sœur Marie a mené une vie volontairement effacée, cachée parmi les enfants et les sœurs, faisant chaque jour ce qu’elle avait à faire : s’occuper des filles, avoir le souci des sœurs, laver le linge, le raccommoder, faire la cuisine, le ménage, soigner les malades... Après sa mort, une de ses sœurs, Sœur Antoine, pourra déclarer : « L’esprit de foi dominait tellement Sœur Marie qu’il rejaillissait sur son entourage. (...). Travailler sous sa direction était facile. Mes années de vie religieuse passées avec elle ont été imprégnées de telles joies que dans l’intime de mes prières je ne pouvais exprimer à Dieu d’autres sentiments que celui de la plus profonde gratitude ».

 

 

Texte à méditer : Matthieu 25, 31-40

 

« Quand le Fils de l’homme viendra dans sa gloire,

et tous les anges avec lui, alors il siégera sur son trône de gloire. Toutes les nations seront rassemblées devant lui ;

il séparera les hommes les uns des autres,

comme le berger sépare les brebis des boucs :

il placera les brebis à sa droite, et les boucs à gauche.

Alors le Roi dira à ceux qui seront à sa droite :

“Venez, les bénis de mon Père,

recevez en héritage le Royaume préparé pour vous depuis la fondation du monde.

Car j’avais faim, et vous m’avez donné à manger ;

j’avais soif, et vous m’avez donné à boire ;

j’étais un étranger, et vous m’avez accueilli ;

j’étais nu, et vous m’avez habillé ;

j’étais malade, et vous m’avez visité ;

j’étais en prison, et vous êtes venus jusqu’à moi !”

Alors les justes lui répondront :

“Seigneur, quand est-ce que nous t’avons vu... ?

tu avais donc faim, et nous t’avons nourri ? tu avais soif, et nous t’avons donné à boire ?

tu étais un étranger, et nous t’avons accueilli ? tu étais nu, et nous t’avons habillé ?

tu étais malade ou en prison... Quand sommes-nous venus jusqu’à toi ?”

Et le Roi leur répondra :

“Amen, je vous le dis : chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait.” »

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