Présent, Dieu nous promeut. Il attend de nous que nous exploitions les capacités qu’il nous a données et il a rempli l’univers de ressources
Je prépare la journée au centre spirituel Saint-André à Limonest pour le Prado de Lyon et la région. Il y a deux fois moins d’inscrits que d’habitude. J’imagine que le 13 novembre n’est pas une date adéquate. Effectivement, avec le 11 novembre 2022, il y a la possibilité de trois jours de visite hors de chez soi. Un pont confortable.
J’ai rédigé plusieurs textes pour cette journée. Lequel convient le mieux ? Lequel répondra aux attentes des présents ? Lequel est assurément dans la ligne de la proposition : Présence - Quelle présence aux réalités du monde ? À moi-même, aux autres ? À Dieu ?
Je livre en ce lieu ce que j’ai rédigé aujourd’hui pour le §4 : quelle présence à Dieu.
Retrouver la bienveillance
Il me semble important d’appuyer le mot : « retrouver ». Nous proclamons que Dieu est « miséricorde » ; mais, en même temps, nous observons plein de drames sur la terre et dans l’humanité. Puisque Dieu est bon comment tant de catastrophes naturelles, tant de destructions humaines peuvent-elles exister ? Il y a de quoi désespérer.
J’aborde le n° 54 avec cette question et je n’ai pas de réponse, sinon celle de notre liberté et de l’autonomie des réalités terrestres, cosmiques. Dieu créateur n’agit pas comme si sa création était une marionnette. Il ne nous manipule pas.
Demeure que notre foi en un Dieu bon est sans cesse interrogée.
Ceci dit, reconnaissons que Dieu ne nous ignore pas. Il a créé toute chose et maintient en permanence sa création. Nous parlons de Providence. Selon le Catéchisme de l’Église catholique (CEC), le mot « Providence » désigne « les dispositions par lesquelles Dieu conduit avec sagesse et amour toutes les créatures jusqu’à leur fin ultime » (CEC, 302), c’est-à-dire, pour les hommes, leur union à Dieu. « Dieu continue à répandre des semences de bien dans l’humanité ».
François (n° 54) nous invite à reconnaître dans tous gestes bons, bienveillants, la marque de la bonté fondamentale de Dieu. Ayant séjourné quelque temps à l’hôpital pour divers problème de santé, je témoigne que la bienveillance du personnel médical, à tous les niveaux, est remarquable. Dans la bonté des personnes, nous lisons, nous rencontrons la présence d’un Dieu bon, bienveillant, un Dieu qui existe, même si l’on se déclare sans Dieu.
Avec Christophe Theobald je dis : « tout est don, nous ne sommes que les hôtes de cette terre ». Il y a une gratitude à vivre et à transmettre aux générations futures. Par cela, il importe « de se limiter et d’entrer dans une vie du frugalité ». Il importe de recevoir avec grande gratitude le bien, le bon qui arrive. Reconnaitre les gestes bienveillants et rendre grâce. Remercier. Si nous avons plutôt un esprit de râleur, cette attitude fondamentale n’est pas facile à entretenir. Il est alors question de se convertir pour s’ouvrir à l’espérance. (Lisons le n° 55).
L’espérance est audace. On la trouve dans la contemplation. Le temps que l’on passe à se déposséder de son esprit pour revêtir l’Eprit de Dieu. C’est ce que j’appelle la dimension mystique de l’existence. J’en ai parlé ce matin dans le § présence à moi-même. Par mystique j’entends l’adhésion à une réalité surnaturelle, une transcendance non compréhensible qui donne la force d’aller en avant sur le chemin choisi.
Cette force interne combat l’individualisme ambiant, néolibéral, consumériste et donne la force d’aimer. Nous rencontrons la valeur unique de l’amour (n° 91ss). Être présent à l’amour/charité rencontré c’est être présent à Dieu. Nous créons alors « un dynamisme d’ouverture et d’union avec les autres ». Je pense au texte, les saints de la porte d’à-côté sont à imiter.
Avec amour il y a rencontre de l’autre sans rien imposer. Le croyant catholique qui veut imposer dogmatiquement sa vérité, ce qu’il croit, ses convictions, en manifestant dans la rue avec des pancartes accusatrices, n’est pas en présence de Dieu.
Agir maintenant en tenant compte de la présence de Dieu diffusant sa bonté d’une façon permanente, c’est voir en l’autre un être qui m’est « cher », c’est reconnaître qu’il est estimé d’un grand prix. Autrui a pour moi une très grande valeur. Respect absolu.
C’est dans cette ligne que je vois l’accueil de tout migrants. La richesse du pays qui reçoit l’exilé, aux yeux de Dieu doit contribuer à sortir de la misère (n° 123) : en présence de Dieu (providence) subordination de toute propriété privée à la destination universelle des biens de la terre.
Voir ci-dessous, le contenu des numéros entre parenthèse de l’encyclique Fratelli Tutti
Retrouver la bienveillance
54. Dieu continue de répandre des semences de bien dans l’humanité. La pandémie récente nous a permis de distinguer et de valoriser de nombreux hommes et femmes, compagnons de voyage, qui, dans la peur, ont réagi en offrant leur propre vie. Nous avons pu reconnaître comment nos vies sont tissées et soutenues par des personnes ordinaires qui, sans aucun doute, ont écrit les événements décisifs de notre histoire commune : médecins, infirmiers et infirmières, pharmaciens, employés de supermarchés, agents d’entretien, assistants, transporteurs, hommes et femmes qui travaillent pour assurer des services essentiels et de sécurité, bénévoles, prêtres, personnes consacrées ... ont compris que personne ne se sauve seul.
55. J’invite à l’espérance qui « nous parle d’une réalité qui est enracinée au plus profond de l’être humain, indépendamment des circonstances concrètes et des conditionnements historiques dans lesquels il vit. Elle nous parle d’une soif, d’une aspiration, d’un désir de plénitude, de vie réussie, d’une volonté de toucher ce qui est grand, ce qui remplit le cœur et élève l’esprit vers les grandes choses, comme la vérité, la bonté et la beauté, la justice et l’amour. […] L’espérance est audace, elle sait regarder au-delà du confort personnel, des petites sécurités et des compensations qui rétrécissent l’horizon, pour s’ouvrir à de grands idéaux qui rendent la vie plus belle et plus digne ». Marchons dans l’espérance !
La valeur unique de l’amour
91. Les gens peuvent développer certaines attitudes qu’ils présentent comme des valeurs morales : force, sobriété, assiduité et autres vertus. Mais, pour bien orienter les actes correspondant aux différentes vertus morales, il faut aussi se demander dans quelle mesure ils créent un dynamisme d’ouverture et d’union avec les autres. Ce dynamisme, c’est la charité que Dieu répand. Autrement, nous ne cultiverions peut-être que l’apparence de vertus, incapables de construire la vie en commun. C’est pourquoi saint Thomas d’Aquin – citant Augustin – affirmait que la tempérance d’une personne avare est loin d’être vertueuse.[69] Saint Bonaventure, en d’autres termes, expliquait que les autres vertus, sans la charité, n’accomplissent pas strictement les commandements « comme Dieu les entend ».
92. La teneur spirituelle d’une vie humaine est caractérisée par l’amour qui est somme toute « le critère pour la décision définitive concernant la valeur ou la non-valeur d’une vie humaine ».[71] Cependant, il y a des croyants qui pensent que leur grandeur réside dans l’imposition de leurs idéologies aux autres, ou dans la défense violente de la vérité ou encore dans de grandes manifestations de force. Nous, croyants, nous devons tous le reconnaître : l’amour passe en premier, ce qui ne doit jamais être mis en danger, c’est l’amour ; le plus grand danger, c’est de ne pas aimer (cf. 1 Co 13, 1-13).
93. Afin de clarifier en quoi consiste l’expérience de l’amour que Dieu rend possible par sa grâce, saint Thomas d’Aquin la définissait comme un mouvement qui amène à concentrer l’attention sur l’autre « en l’identifiant avec soi-même ». L’attention affective, qui est portée à l’autre, conduit à rechercher son bien gratuitement. Tout cela fait partie d’une appréciation, d’une valorisation, qui est finalement ce qu’exprime le mot ‘‘charité’’ : l’être aimé m’est ‘‘cher’’, c’est-à-dire qu’« il est estimé d’un grand prix ». Et « c’est de l’amour qu’on a pour une personne que dépend le don qu’on lui fait ».
94. L’amour implique donc plus qu’une série d’actions bénéfiques. Les actions jaillissent d’une union qui fait tendre de plus en plus vers l’autre, le considérant précieux, digne, agréable et beau, au-delà des apparences physiques ou morales. L’amour de l’autre pour lui-même nous amène à rechercher le meilleur pour sa vie. Ce n’est qu’en cultivant ce genre de relations que nous rendrons possibles une amitié sociale inclusive et une fraternité ouverte à tous.
123. (…) Dieu nous promeut ; il attend de nous que nous exploitions les capacités qu’il nous a données et il a rempli l’univers de ressources. Dans ses desseins, « chaque homme est appelé à se développer », et cela comprend le développement des capacités économiques et technologiques d’accroître les biens et d’augmenter la richesse. Mais dans tous les cas, ces capacités des entrepreneurs, qui sont un don de Dieu, devraient être clairement ordonnées au développement des autres personnes et à la suppression de la misère, notamment par la création de sources de travail diversifiées. À côté du droit de propriété privée, il y a toujours le principe, plus important et prioritaire, de la subordination de toute propriété privée à la destination universelle des biens de la terre et, par conséquent, le droit de tous à leur utilisation