Les pauvres, les étrangers, les orphelins, les veuves sont prioritaires aux yeux de Dieu.Acceptons alors la situation de désobéissance civile
En dialoguant avec Michel Castro, théologien professionnel, j’ai redécouvert les trois nivaux de la réflexion qui sont essentiels pour bien comprendre un événement particulier. Le discernement dans une révision de vie (voir, juger, agir) ne peut ignorer ces trois critères : légal, moral, théologal. Critères ou points de vue.
Il y a du légal qui sera ni moral, ni théologal. Il y a du théologal qui ne sera pas légal tout en étant moral. Il y a du moral non théologal.
Accueillir dans un local non autorisé par l’État. Accueillir ou laisser à la rue ?
L’humain qui pose un tel acte, théologal et moral mais illégal, entre inévitablement en désobéissance civile. Pour être plus précis dans ma réflexion, je rappelle que cette page est à mettre dans la suite de la page rédigée le 23 décembre 2022.
Au cours du mois de décembre, alors que la température était quelque peu en-dessous de zéro, l’évêque de Lyon, ému de voir tant de gens dormir dans la rue, dont nombreux étrangers, et des mineurs, envoya une lettre aux responsables catholiques pour que des locaux, propriété de l’Église, s’ouvrent et accueillent des « sans domiciles ». Voir ici plus d’information.
À ma connaissance, il n’y eut que deux réponses. Je trouve cela bien triste. Mais il y a encore plus triste, plus grave. C’est l’acceptation du jugement de la préfecture, de l’État donc. J’explique.
Le désir de l’institution catholique est de proposer des locaux pour héberger des personnes vivant à la rue en demandant à des associations catholiques compétentes d’assurer l’accompagnement des hébergés ; par exemple l‘association Notre-Dame des Sans Abris. Un local est trouvé présenté par le responsable de cette paroisse catholique, les bâtiments de l’église du Christ-Roi à Bron. Les envoyés de la préfecture viennent visiter ces locaux. Selon eux, ils ne conviennent pas. Des travaux seraient à faire. Quels travaux ?
Que fait l’Institution catholique ? Elle obéit à la préfecture. L’État. Les mandatés du préfet disent que ces locaux ne sont pas adéquats. Pas de problème, on ne discute pas. On obéit. S’il y a des personnes qui dorment dehors, des enfants, c’est peut-être que cela est plus adéquat pour eux que passer la nuit à l’abris de locaux qui ne peuvent s’ouvrir parce que nécessitant des travaux. Quels travaux ? S’il y avait danger, le responsable catholique des lieux ne les aurait pas proposer ?
Pas de problème, L’État a dit non. L’Institution catholique obéit. Et nous pouvons penser justement à la lettre de Paul au Romains, chapitre 13 :
01 Que chacun soit soumis aux autorités supérieures, car il n’y a d’autorité qu’en dépendance de Dieu, et celles qui existent sont établies sous la dépendance de Dieu ;
02 si bien qu’en se dressant contre l’autorité, on est contre l’ordre des choses établi par Dieu, et en prenant cette position, on attire sur soi le jugement.
Les pauvres, les étrangers, les orphelins, les veuves ne sont-ils pas prioritaires aux yeux de Dieu ? Prendre soin d’eux n’est-ce pas une obligation théologale, un devoir moral qui oblige même quand la situation place dans l’illégalité ?
En certaines occasions, tout le message évangélique place les disciples du Christ dans cette position de désobéissance inévitable pour rejoindre la pensée divine. L’apôtre Paul, dans l’ensemble de ses lettres, ne saurait contredire cela.
Je prends le sermon sur la Montagne : Aimez-vos ennemis. Alexandre Christoyannopoulos écrit (page 91)
Pour Tolstoï, Jésus nous dit simplement d'aimer les gens des autres nations comme nos compatriotes. Il dit : « N'être bon que pour ses compatriotes, comme tous le sont, c'est de cela que proviennent les guerres ». Le piège, explique Tolstoï, déroule de l'erreur de croire que notre bien-être est lié à celui de nos compatriotes, et « non pas avec le bien de tous les hommes ».
Si donc la nouvelle règle consiste à « Ne point faire de différence entre compatriotes et étrangers », elle requiert aussi de “s’abstenir de toute participation à la guerre, de préparatifs de guerre, mais établir avec tous de quelques nationalités qu'ils soient les mêmes rapports qu'avec ses compatriotes”. Toute manifestation de moindre sympathie envers les étrangers qu’à l’égard de nos propres nationaux devant donc être banni, tout ce qui insiste à faire cette distinction doit aussi être interdit. Ainsi, dans la mesure où il participe à une guerre, la déclare ou cultive autrement la différence entre nous et eux, l'État se comporte de façon non chrétienne.
Il y aurait assurément d’autres exemples à donner pour dire que l’obligation de suivre la volonté de Dieu place dans la désobéissance civile. Suivre sa conscience conduit éventuellement à l’illégalité. Nous en avons conscience et connaissons les risques engendrés. Des discernements sont à opérer à plusieurs. Invitation à ne pas dire Amen à toutes décisions de l’État.
Est-ce que, à ce jour, des théologiens catholiques, professionnels abordent ce sujet ?