Vaut-il mieux penser prêtres-ouvriers ou ouvriers qui deviennent prêtres. N’y a-t-il pas là quelque chose du problème du clergé autochtone ?
Je travaille de nouveau sur Alfred Ancel. J’ai déjà écrit en ce lieu, voir par exemple ici.
Nous sommes plusieurs à fouiller les archives avec le projet de monter une exposition itinérante retraçant les engagements importants de ce « disciple missionnaire » du Christ, Alfred Ancel, supérieur du Prado, évêque auxiliaire de Lyon, ayant vécu en quartier ouvrier dans la ligne d’Antoine Chevrier.
À propos de la canonisation du fondateur du Prado, voir cette vidéo avec Philippe Chatagnon : « Vers une canonisation du Père Antoine CHEVRIER ».
L’exposition Alfred Ancel sera publiée en 2024, année du 40e anniversaire de sa mort, 11 septembre 1984.
Formation de prêtres issus du monde ouvrier, populaire
Avec cette page je souhaite montrer comment Alfred Ancel soutenait la formation des prêtres issus de monde ouvrier. Ceux-ci ne pouvaient être séparés des gens à qui il importe d’annoncer l’Évangile. La question se pose grandement aujourd’hui alors que la vie des séminaires semble peu ouverte aux cultures des mondes populaires. Je veux parler de la naissance des Groupes de formation en monde ouvrier G.F.O.
En son temps, Antoine Chevrier avait conscience qu’aucun prêtre n’était sérieusement préparé à exercer un ministère du type de celui qu’il pratiquait quotidiennement au contact des pauvres. En 1866, il se décida à fonder au sein même du Prado, avec les garçons du catéchisme*, une « école cléricale ».
En effet, il importe de former des prêtres qui connaissent bien la vie des pauvres et pour cela ils doivent vivre avec eux.
À Mlle Chapuis, un jour il dit : « Françoise, j’ai envie de faire une pépinière de prêtres qui soient élevés avec mes enfants, pour qu’ils les comprennent bien » (Procès de béatification, déposition de Françoise Chapuis, art 15).
À la mort du Père Chevrier, en 1879, cette « école cléricale » avait fourni au Prado ses quatre premiers prêtres ; elle comportait alors, avec son annexe de Limonest, une cinquantaine d’élèves ; ce fut le point de départ de l’Association des Prêtres du Prado.
Alfred Ancel garda le souci de la formation de prêtres proches des gens du quartier. Il y dans le monde populaire des valeurs que nous ne pouvons ignorer. Il écrit : « Nous n'avons pas suffisamment réfléchi aux richesses humaines qui se sont développées dans la classe ouvrière au cours du mouvement qu'elle a entrepris pour sa promotion collective. En voici quelques-unes à titre d'exemples : dignité, liberté, souci de la justice et de la fraternité, solidarité et générosité dans l'action, persévérance et espérance. Tant que la classe ouvrière restera globalement en dehors de l'Église, l'Église ne profitera pas de ses richesses ».
(Lettre des évêques de la commission épiscopal du monde ouvrier et du comité épiscopal de la mission ouvrière », 27 octobre 1968, cf Masse ouvrière, numéro 255, décembre 1968, page 38-48)
Pour que l’Église naisse dans la classe ouvrière, elle doit y mettre son séminaire.
En 1965, une Commission de prêtres animée par Martial Bonnet, alors aumônier national de la J.O.C., proposa à Mgr Ancel, président de la Conférence épiscopale en monde ouvrier (C.E.M.O.), qu'une expérience soit tentée pour un premier cycle de formation de jeunes adultes originaires du monde ouvrier.
Mgr Ancel prit la décision personnelle de « couvrir » cette expérience qui commença avec six jocistes et un membre de l'A.C.O., au siège national de la J.O.C., avenue Sœur-Rosalie à Paris. Robert Tantôt, originaire de Roanne, ancien permanent de la J.O.C. , pradosien, en est l’animateur.
Ce fut la naissance des G.F.O. (Groupes de Formation en monde Ouvrier), formation sacerdotale dans la vie. Mgr Ancel fit le nécessaire pour obtenir l’assentiment de Rome, Congrégation des séminaires et universités.
Lettre du 29 novembre 1967 à Mgr Garonne : « Cette fois-ci, je vous envoie un petit texte qui, je pense, vous fera plaisir. Il s'agit d'un jocistes de N. qui vient d'entrer au séminaire de Morsang. Il fait partie du groupe de jocistes qui avaient commencé leur formation sacerdotale dans la vie ouvrière. Cela m'a posé de nouveau le problème : vaut-il mieux penser prêtres-ouvriers ou ouvriers qui deviennent prêtres. N’y a-t-il pas là quelque chose du problème du clergé autochtone ? » (Lettre du 29 novembre 1967)
Alors qu’il vivait rue Bonnefoi, à l’approche de ses 80 ans, Alfred Ancel fut témoin du dynamisme d’un « gone » de la Guillotière devenu permanent pour l’Action Catholique de l’Enfance (A.C.E.). Il lui dit : « Et toi, Régis, pourquoi ne serais-tu pas prêtre ? » Prenant au sérieux la question Régis entra dans l’équipé G.F.O. de la région lyonnaise.
* Au Prado, Antoine Chevrier prenait avec lui, pour une durée d’un peu moins de six mois, « des jeunes adolescents de chaque sexe errants et abandonnés que leur âge et leur ignorance excluaient de la participation aux leçons de l’école et à celles de la paroisse ». (Rapport de l’Académie de Lyon du 23 février 1861, A.M.L., Q3 : établissements de bienfaisance).