Il vit comme un moine avec un grand amour pour la nature, la lumière, la beauté et il a ce regard paisible et bienveillant sur les autres

Publié le par Michel Durand

Il vit comme un moine avec un grand amour pour la nature, la lumière, la beauté et il a ce regard paisible et bienveillant sur les autres

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Cet article de La Croix du 29 novembre 2023 m’a donné envie d’aller voir ce film.

Wim Wenders : « La sobriété amène à une vie intérieure plus riche »

Entretien Dans Perfect Days, le réalisateur allemand filme le quotidien d’un employé des toilettes publiques à Tokyo et signe un film splendide et d’une grande spiritualité sur la beauté de l’instant présent.

 

La Croix : Y avait-il une forme de défi ou d’ironie à rendre poétique la vie quotidienne d’un employé de toilettes publiques ?

Wim Wenders : Dans tout autre pays, ça pourrait sembler paradoxal mais à Tokyo, ce n’est pas le cas. Cette attention à cette partie de notre vie ne fait pas partie de notre culture. Au Japon, il y a une autre idée des toilettes et de la perfection apportée à cette expérience. Il y a bien sûr une dimension triviale et routinière dans le travail de Hirayama mais aussi métaphysique, puisque son personnage pose la question de comment vivre. C’est dans ce contraste que nos vies ont lieu. Nous avons à la fois des besoins très humains et des aspirations spirituelles. Et nous vivons dans ce grand écart. Hirayama, c’est un peu un personnage utopique.

Que vous a apporté la fiction plutôt que le documentaire, pour répondre à ce qui était d’abord une commande des institutions publiques locales ?

W. W. : Si j’avais fait un documentaire, il aurait porté sur les architectes de renom qui ont conçu ces magnifiques toilettes du quartier de Shibuya. Mais je me suis dit : « Ça va parler à qui ? » Je sentais qu’il y avait quelque chose de plus grand derrière. Quand je me suis rendu à Tokyo en 2021, j’ai été témoin de la façon dont les Japonais ont vécu la fin du confinement et ont repris possession de leurs parcs et de leurs rues avec un grand respect pour le bien commun. Il y avait là un grand sujet pour mon premier film d’après-pandémie. J’ai donc inventé ce personnage qui vit une vie assez simple, qui aime son travail et le fait le mieux possible, s’assure que tout reste propre et beau pour les autres. Et je lui ai donné un nom qui m’est très cher puisque c’est celui du vieux héros dans Le Voyage à Tokyo d’Ozu.

Votre personnage a atteint une forme de sagesse en vivant et profitant de chaque moment présent. Vous retrouvez-vous dans cette philosophie ?

W. W. : Après la pandémie qui a été une grande rupture dans nos vies, nous nous sommes tous demandé comment continuer nos vies. Finalement, les habitudes ont repris le dessus et nous avons recommencé à nous comporter et à consommer comme avant. Mais il y a un mouvement, notamment chez les jeunes gens, pour essayer de s’affranchir de cette culture de la consommation, de vivre avec le moins possible. C’est une forme de responsabilité envers la planète et le futur de notre civilisation. Je me suis dit que mon personnage pourrait être le héros de cette génération. Il pourrait vivre une vie où il consomme seulement ce dont il a besoin, ce qui le rendrait libre et heureux car la sobriété amène à une vie intérieure plus riche. Il vit un peu comme un moine avec un grand amour pour la nature, la lumière, la beauté et il a ce regard paisible et bienveillant sur les autres dont nous avons tant besoin. Ma chance est d’avoir trouvé le meilleur acteur – Koji Yakusho – pour ce rôle qui nécessitait une grande capacité d’intériorité.

Dans les infimes variations qui construisent le film, avez-vous voulu rendre hommage à Ozu, que vous considérez comme un de vos maîtres ?

W. W. : Perfect Days ne ressemble pas à un film d’Ozu mais il s’en rapproche dans l’esprit, dans l’attention portée aux détails, dans l’amour pour ce qu’il montre. On retrouve le regard d’Ozu dans le regard de Hirayama. Dans tous ses films, il y a une grande spiritualité, une grande transcendance. Chaque personnage et chaque chose possèdent un caractère sacré. Pour Hirayama, les arbres, les gens, les choses, tout est habité et constitue un tout dont il fait partie.

Dans le film, on retrouve la photographie, le road-movie, la musique pop rock des années 1970-1980. C’est un peu un concentré du cinéaste que vous êtes ?

W. W. : Les déplacements de Hirayama dans Tokyo pour aller à son travail deux fois par jour m’ont permis de lui donner ce côté road-movie qui m’est cher, mais ça donne aussi une autre forme de liberté au personnage. Il n’est pas prisonnier de son travail, il est maître de son temps et profite de ce moment seul dans sa voiture pour écouter sa musique. Celle-ci est fondamentale parce qu’elle raconte en quelque sorte le film. J’avais d’ailleurs placé en exergue du scénario la chanson Feeling Good de Nina Simone : « It’s a New Dawn, a New Day, a New Life. » Elle décrit le personnage et sa façon de vivre le moment présent. Finalement, c’est devenu le dernier plan du film.

 

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