« Un vrai débat sur l’immigration ne laisserait pas la définition des objectifs et des priorités à l’extrême droite »

Publié le par Michel Durand

cercle se silence en Espagne

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Mercredi 10 janvier, à Lyon, nous tiendrons le premier cercle de silence de 2024. 17 ème année, en France de cette forme de soutien des migrants, des sans papiers, des réfugiés, exilés par détresse.

Ce sera de 18h 30 à 19 h 30, Place de la Comédie - Hôtel de Ville côté est, Place Louis Pradel.

 

À ce propos nous donnons à lire cette tribune :

 

« Un vrai débat sur l’immigration ne laisserait pas la définition des objectifs et des priorités à l’extrême droite »

TRIBUNE Collectif Le discours politique sur l’immigration, en France comme ailleurs en Europe, s’appuie sur la crainte, et non sur la science, déplorent, dans une tribune au « Monde », plus d’une trentaine de signataires « immigrés, venus de tous les continents », parmi lesquels le politiste Rachid Benzine, la réalisatrice Sepideh Farsi, la sociologue Pinar Selek et l’écrivaine Leïla Slimani. Aujourd’hui à 19h00 Lecture 5 min Article réservé aux abonnés Offrir Marine Le Pen n’a pas tort. La loi sur l’immigration du 19 décembre représente une victoire idéologique pour elle et son parti. Elle instaure en effet une « préférence nationale », élément central depuis cinquante ans du programme du Front national, devenu Rassemblement national. Nous souhaitons exprimer notre vive inquiétude concernant cette loi et les effets délétères du discours qui a accompagné son adoption et qui continue de troubler le débat public en France. Source de richesse Nous sommes des immigrés, venus de tous les continents. Nos itinéraires sont des plus divers : certains d’entre nous sont arrivés en France enfants, d’autres adultes ; certains pour suivre des parents, une épouse, un époux ; d’autres pour suivre des études ou pour chercher un travail ; d’autres encore pour échapper à des situations politiquement ou économiquement difficiles dans nos pays d’origine.

 

Certains d’entre nous sont devenus citoyens français ; d’autres non. Nous avons fait des efforts pour apprendre la langue française, pour nous intégrer dans nos environnements de travail, dans nos quartiers et dans nos familles françaises adoptives. Nous pouvons légitimement être fiers de notre intégration, nous qui sommes français ou avons décidé de vivre en France par choix. Mais notre adoption de la langue, de la culture et de la citoyenneté françaises ne constitue en rien un rejet de nos cultures d’origine. Au contraire, nous souhaitons transmettre nos langues et notre héritage culturel à nos enfants ; nous estimons que nos connaissances et nos expériences diverses enrichissent la culture française. L’immigration ne doit pas être considérée uniquement comme source de problèmes, mais comme source de richesse.

 

Le discours politique sur l’immigration en France, comme ailleurs en Europe, n’est pas à la hauteur des enjeux, car il s’appuie sur la crainte, et non sur la science. On prétend protéger les emplois des Français et leur pouvoir d’achat, mais aucune étude sérieuse ne suggère que l’immigration ait pu avoir un impact négatif sur l’économie. L’Europe accueille très peu de réfugiés Bien au contraire, dans nos sociétés vieillissantes, l’immigration joue un rôle essentiel dans le maintien de notre vitalité économique et dans la solvabilité de notre système de retraite. Dans un monde globalisé et connecté, des Français venus d’ailleurs ont des compétences et des connaissances linguistiques et culturelles essentielles au rayonnement de la culture française et à l’implication de la France dans l’économie mondiale.

 

On prétend qu’il y a une crise de l’immigration. Rien n’est plus faux : 8 650 000 personnes en France sont nées à l’étranger : c’est moins de 13 % de la population totale de 68 millions. En 2021, la France était 25e des 27 pays de l’Union européenne (UE) en nombre d’immigrés proportionnellement à la population. L’Europe accueille très peu de réfugiés : parmi les vingt premiers pays d’accueil de réfugiés (en proportion de la population), seuls deux sont européens (la Suède et la Norvège). Les grands pays d’accueil sont la Turquie, le Liban, la Jordanie, ainsi que de nombreux pays africains. La France arrive à la 42e place. La crise de l’immigration existe, depuis cinquante ans, surtout dans la rhétorique de l’extrême droite européenne, rhétorique hélas de plus en plus adoptée par la droite classique.

 

Cette loi n’est pas la première capitulation devant l’idéologie de l’extrême droite en France et en Europe.

Pour empêcher l’arrivée de réfugiés, les pays européens paient d’autres pays, notamment la Turquie et la Libye, pour les empêcher de venir chez nous. La Libye est devenue un des principaux pays de transit pour des réfugiés africains cherchant à rejoindre l’Europe. Souvent retenus en esclavage par des bandes armées, des milliers de migrants en Libye sont victimes d’exploitation, d’escroqueries, de violences, de viols et de meurtres. 27 000 morts ou disparus. Certains réussissent à arriver à la côte pour partir sur des embarcations de fortune, espérant gagner l’Europe ou être secourus en mer. Pour empêcher ces migrants de rejoindre notre continent, l’Union européenne subventionne les gardes-côtes libyens, qui saisissent les migrants et les ramènent en Libye. Le 1er février 2022, Amnesty International a demandé à l’Union européenne de cesser de participer aux renvois des personnes en Libye, où les conditions de rétention sont « infernales ». Ni Emmanuel Macron ni d’autres chefs d’Etat européens n’ont manifesté la moindre gêne face à ce constat d’un manque de respect pour les droits fondamentaux de ces personnes. Bien au contraire, divers pays, notamment l’Italie, font tout ce qu’ils peuvent pour empêcher des ONG européennes de mener des opérations de sauvetage en mer, préférant laisser mourir des candidats à l’exil. Plus de 27 000 personnes sont mortes et portées disparues en mer Méditerranée depuis 2014.

 

Nous appelons de nos vœux un vrai débat sur l’immigration. Un débat où on ne laisserait pas la définition des objectifs et des priorités à l’extrême droite. Il faut débattre des moyens à mettre en place afin d’éviter la mort en mer à des milliers de personnes. Il faut exposer clairement les bienfaits de l’immigration. Il faut s’appuyer sur la science, sur les statistiques. Il faut aussi débattre des moyens pour faciliter l’intégration des immigrés dans notre société. Il est bien entendu indispensable que les immigrés acceptent et épousent les valeurs de la France que sont la liberté, l’égalité et la fraternité. Mais il faudrait d’abord que nos femmes et nos hommes politiques adoptent et promeuvent ces mêmes valeurs.

 

Le pays d’origine de chaque signataire est indiqué entre parenthèses.

Auteur : John Tolan (Etats-Unis), professeur émérite d’histoire à Nantes Université, membre de l’Academia Europæa. Premiers cosignataires : Sidi Askofaré (Mali), professeur émérite de psychologie, université de Toulouse - Jean-Jaurès ; Yavuz Aykan (Turquie), maître de conférences en histoire moderne, université Paris-I Panthéon-Sorbonne ; Rachid Benzine (Maroc), politiste, chercheur associé Fonds Paul-Ricœur ; Sophie Bessis (Tunisie), historienne ; Ziad Bou Akl (Liban), directeur d’études à l’Ecole pratique des hautes études ; Marco Cesario (Italie), journaliste ; Abdallah Cheikh-Moussa (Tunisie), professeur émérite de lettres, Sorbonne Université ; Aboubakr Chraïbi (Maroc), professeur de littérature à l’Inalco ; Alberto Dalla Rosa (Italie), professeur d’histoire, université Bordeaux-Montaigne ; Claudia Damasceno (Brésil), historienne, directrice d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS) ; Madalina Dana (Roumanie), professeure d’histoire, université Lyon-III ; Shakiba Dawood (Afghanistan), artiste et interprète de langue persane ; Javad Djavahery (Iran), romancier-scénariste ; Sandra Dominguez (Salvador), juriste ; Sepideh Farsi (Iran), cinéaste ; Afrânio R. Garcia Jr. (Brésil), anthropologue, maître de conférences à l’EHESS ; Hernan Gonzalez Bordas (Argentine), chargé de recherche, CNRS ; Alessia Guardasole (Italie), directrice de recherche, CNRS ; Selma Hajri (Tunisie), médecin, vice-présidente de l’Association pour la santé des femmes d’Afrique, du Maghreb et du Moyen-Orient (Asfamm) ; Asma Helali (Tunisie), maîtresse de conférences en arabe, université de Lille ; Frédéric Hurlet (Belgique), professeur d’histoire, université Paris-Nanterre ; Hala Jalloul (Liban), avocate, enseignante à l’EHESS ; Eduardo Makaroff (Argentine), musicien ; Christian Müller (Allemagne), directeur de recherche au CNRS ; Chiara Pastorini (Italie), philosophe ; Airton Pollini (Brésil), maître de conférences d’histoire, université de Haute-Alsace ; Adrian Robu (Roumanie), professeur d’histoire, université Paris-VIII Vincennes - Saint-Denis ; Moussa Abou Ramadan (Israël), professeur de droit musulman et d’islamologie à l’université de Strasbourg ; Meryem Sebti (Maroc), directrice de recherche au CNRS ; Pinar Selek (Turquie), sociologue ; Leïla Slimani (Maroc), autrice ; Juan Solanas (Argentine), cinéaste réalisateur ; Houari Touati (Algérie), directeur d’études à l’EHESS, Paris ; Özgür Türesay (Turquie), maître de conférences en histoire, Ecole pratique des hautes études ; Elena Vezzadini (Italie), CNRS, Institut des mondes africains ; Ismail Warscheid (Allemagne), chargé de recherche au CNRS.

tract distribué durant le cercle de silence.

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