Le courage est une affaire de seuil, de saut. Il y a un art de commencer. Le courage relève de la décision pure, celle qui fait l'origine.
Pour cette récollection du 23 mars 2025, Jean Robert Courtot s’est appuyé sur l’ouvrage de Cynthia Fleury Intitulé : La Fin du courage : la reconquête d'une vertu démocratique, Paris, Fayard, 203 p., 2010.
Je donne à lire ce que Jean Robert nous a communiqué.
La morale du courage
Chaque époque historique affronte à un moment son seuil mélancolique.
La fin du courage, c'est la confrontation avec le sens de la vie qui nous échappe ou encore l'impossible maitrise du temps. Il n'y pas de courage politique sans courage moral.
Un philosophe italien, Giorgio Agamben définit le « contemporain » par son habileté à être courageux. Le contemporain perçoit l'obscurité de son temps comme une affaire qui le regarde (ou le courageux). Le courageux est celui qui ressent dans sa chair l'impact de la peur. Entre le courage et la peur il y a un rendez-vous secret. Ou est-il chez nous ? c’est la que se joue le combat spirituel.
Le courageux n'est pas celui qui ignore la peur. Le philosophe Aristote distingue le vrai courage et le faux courage. Le vrai courage sait ce dont il doit avoir peur. Le courage a ses territoires : on peut être courageux à la maison et couard au travail. Il faut analyser notre attitude face au changement de contexte. Le courage peut s'éroder face à de petits pervers par exemple dans le milieu du travail. La vertu est une chose qu'il vaut mieux partager et affiner ensemble. Être courageux c'est savoir s'adapter (être plastique) mais en même temps être droit.
Contrairement à une idée qui peut paraître évidente, le grand adversaire est moins la peur que la mélancolie. Le découragement ne protège de rien.
La peur reste une fuite de l'à-propos. Ne pas savoir profiter de l'occasion, vivre l'instant présent, voilà l'autre nom du manque de courage. Composer nos mœurs (notre conduite) est notre office (notre travail). On ne nait pas homme on le devient. La philosophie c'est apprendre à vivre face aux tempêtes. Vivre pleinement, c'est souvent cesser de regarder trop loin. Être parfois dans l'à-peu-près. Accepter la vie telle qu'elle est.
Le courage : l'audace. Parfois regarder les choses de prés fait partie de l'acte courageux. Si je savais seulement de quoi j'ai eu peur, j'aurais déjà fait un grand pas. Le courage du commencement. Le courage est la vertu « réussie entre toutes ». Le courage est une affaire de seuil, de saut. Il y a un art de commencer. Le courage relève de la décision pure, celle qui fait l'origine. Le courage n'est jamais acquis : il y aura toujours une épreuve à surmonter pour prouver que l'on est courageux. L'ennemi du courage est le découragement car il est ce contre quoi il faut sans cesse lutter. Le courage est proportionnel à l'effort fourni pour vaincre la peur.
L'art courageux de vouloir
L'enjeu même du courage, c'est d'éprouver la nature de la volonté et de la liberté du sujet. Qu'est-ce que vouloir ? qu'est-ce que vouloir sinon déjà manifester une certaine forme de courage ? « Le vouloir, comme l'amour commence par lui-même, initiative prévenante, il commence par lui-même et revient à lui-même, il aboutit à son propre commencement. » Vladimir Jankélévitch ==== > Le courage est affaire de commencement parce qu'il est une des plus sures manifestations de la volonté.
Dans une société qui a voulu faire de nous des consommateurs et des spectateurs. Il faut retrouver le pouvoir de décider, ce à quoi je tiens. On peut être manipulable si on se laisse endormir. Notre esprit critique peut parfois s'émousser.
La façon de percevoir l'homme qui est présente dans le Concile Vatican II notamment dans Gaudium et spes. Le mal est externe à l'homme. Le mal vient d'un élément extérieur auquel on peut céder. L'homme n'est pas responsable du mal.
Jean-Robert : J’ai lu une autre partie du livre de Cynthia Fleury qui parle de la reconnaissance, de l'invisibilisation de certains hommes et de ces processus dans le travail.
Un certain nombre de philosophes ce sont lancés dans une critique des concepts de courage et de reconnaissance. Le courage prend ici une autre « teinte ». Être courageux : c'est devenir visible.
Être courageux c'est refuser la procédure d'invisibilité dans laquelle les autres veulent me contraindre à rester.
Le capitalisme produit des mécanismes d'invisibilité. Axel Honneth (professeur de philosophie sociale) a parlé de la société du mépris. La domination du capitalisme est sournoise car elle travestit l'idéal d'émancipation des régimes sociaux-démocrates. Théodor Adorno (philosophe social, analyse la société et la culture) est un des premiers a avoir perçu ce mécanisme. La recherche de l'émancipation devient un asservissement nouveau. Si les normes sont fondées sur une raison de communication Jurgen Habermas (un des grands philosophes actuel) : il faut dire vrai, cela ne suffit pas. Pour Axel Honneth la communication n'est pas purement qu'une question de langage mais aussi morale.
Car il y a un courage poussé par le refus moral de l'injustice. Des protestations naissant d'une plus grande perception des offenses. Par intuition nous prenons conscience de l'injustice qui nous atteint.
Pour Axel Honneth : l'invisibilité sociale est la manière dont s'exerce individuellement la société du mépris.
Le monde du travail. C'est un des lieux ou le manque de courage sévit. Le narcissisme (c'est-à-dire une confiance ou une estime de soi excessive) est une stratégie de défense, c'est l'envers d'un manque de reconnaissance criant.
Le travail est une condition indispensable pour pouvoir développer un rapport à soi satisfaisant. La reconnaissance peut être faussée Le courage consistera à dénoncer celle-ci. Il faut opter pour une reconnaissance désintéressée.
Merci à Jean-Robert de nous communiquer ces pages. Assurément, je n’ai pas tout compris car, en effet, je reconnais n’avoir aucune connaissance des courants philosophiques ici indiqués. Je constate que mes références philosophiques dates d’avant 1990. Ce que je ressens c’est que le courage d’aborder l’inconnu est essentiel. C’est dans ce cadre que je place le repos, l’otium, comme le lieu où se trouve la force d’accomplir l’essentiel pas de côté. Voir ici. Je pourrais aussi parler, comme on le fait souvent désormais, de l’urgence de changer de logiciel.
Conversion.