« On défend la dignité des plus pauvres, mais en même temps, on défend notre dignité. » Antoine, 93 ans, assidu des Cercles de silence
Je suis content de déposer en cette page l’article de Pierre-François Chetail, publié le 30 mai 2025
Le Père Antoine : "Tant que je pourrai, je continuerai" : à 93 ans, il manifeste tous les mois à Roanne pour alerter sur le sort des migrants.
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Pour Antoine, nonagénaire encore fringant, pas question d'arrêter de se mobiliser pour défendre « la dignité des plus pauvres ».
Ce mardi 27 mai, en fin d'après-midi, Antoine, 93 ans, est sorti de son Ehpad Saint-Sulpice à Villerest, aidé de sa canne, pour prendre le bus. Direction le centre-ville de Roanne, pour participer, comme chaque mois, devant la sous-préfecture, à un Cercle de silence, afin d'attirer l'attention sur le sort des migrants.
Depuis près d'une quinzaine d'années, celui qui a officié comme curé un peu partout dans le territoire (Amplepuis, Le Coteau, Renaison et Balbigny) est un "assidu" de ces manifestations mensuelles, auxquelles il participe, une pancarte autour du cou. Sur les 174 organisées depuis le début du mouvement, il n'en a raté qu'une dizaine.
Bon pied bon œil, il ne compte pas s'arrêter là. « Tant que je pourrai, je continuerai », clame-t-il. Car pour ce nonagénaire plutôt volubile, il faut « que les gens soient conscients du sort des plus malheureux : les pauvres, les petits… »
« On défend la dignité des plus pauvres, mais en même temps, on défend notre dignité. » Antoine, 93 ans (participant assidu des Cercles de silence)
Selon lui, justement, peut-on accueillir toute la misère du monde ? « Hélas, non. Mais si tout le monde s'y mettait, on pourrait en faire un peu plus », estime ce fils d'un petit paysan, aîné d'une fratrie de dix enfants.
4 enfants sans logement fixe dans le Roannais
Dans le Roannais, d'après les organisateurs du Cercle de silence, six foyers, soit 23 personnes, dont 14 enfants, se retrouvent en ce mois de mai 2025 sans hébergement, ou en logement provisoire. Ils sont de nationalité albanaise ou arménienne en majorité.
En mai 2024, pour le cercle mensuel à Lyon, nous avons publié ce tract :
À QUOI SERT CE CERCLE DE VIEUX ?
C’est vrai que nous sommes majoritairement des vieux. Plus jeunes, nous avons milité, agi pour ce qui nous semblait un meilleur, un plus juste fonctionnement de notre société. Nous n’en n’avons plus la force. Mais il nous reste des convictions et tant que nous tenons debout, nous tenons à les affirmer.
Notre âge et notre expérience nous ont appris des choses essentielles.
~ De tout temps, les humains ont circulé de par le monde, se mêlant aux populations autochtones par curiosité de découvrir des mondes inconnus, le besoin de savoir, de connaître étant inhérent à notre espèce humaine. Mais le plus souvent, pour s’assurer une vie meilleure. Et nos sociétés se sont constituées à partir de mélanges ethniques, de migrations, d’intégration d’éléments variés. La déclaration universelle des droits de l’homme affirme :
- Article 13 : toute personne a le droit de circuler librement, de quitter tout pays y compris le sien et de revenir dans son pays.
Nos enfants, surtout ceux qui ont eu la chance de faire des études, ne s’en privent pas, et dans les pays les plus pauvres ou en difficulté, ce sont les plus éduqués, les plus entreprenants, qui partent, non seulement pour s’assurer un avenir meilleur mais aussi pour pouvoir envoyer des subsides aux leurs.
~ Une nation ne peut s’assurer une justice entre ses membres en ignorant ceux que les circonstances ont conduits au bas de l’échelle sociale, quels qu’ils soient et d’où qu’ils viennent. La solidarité, entre humains et entre nations est un fondement du développement de l’humanité. Ce n’est pas ce qui se vit et se profile dans notre pays et nous ne pouvons pas en prendre notre parti. Dans un temps où les repères se perdent et où le chaos s’installe à tous les niveaux, où la peur de l’avenir gagne toutes les strates de la population, où les politiques cachent leur incapacité à faire face aux défis actuels – et ils sons nombreux et graves – la désignation de l’étranger comme bouc émissaire de nos difficultés et de nos échecs politiques et économiques ne peut constituer une solution juste, durable et efficace.
Les vieux que nous sommes sont conscients que leurs convictions ne sont pas dans l’air du temps, mais ils n’y renoncent pas et s’obstinent à les affirmer en lien avec toutes les forces disséminées à travers tout le pays qui les partagent et défendent et au sein desquelles il n’y a pas que des vieux.
C’est pour cela que nous faisons cercle, en silence. Et si des plus jeunes pouvaient nous rejoindre, nous en serions heureux.
Jacques Walter, 96 ans, participant régulier aux cercles de silence de Lyon, est, me semble-t-il, l'auteur de cet encart (à quoi sert ce cercle de vieux ?) du tract distribué à 200 exemplaires. La photo ci-dessous, journal Le Progrès, date de 2014, 6 novembre.