Le fantasme de l’homme auto-construit. L’utopie de l’autosatisfaction sans Dieu, négation de la fraternité, a pénétré notre monde contemporain
« La prière du pauvre traverse les nuées » (Si 35, 15b-17.20-22a)
Un pauvre crie ; le Seigneur entend. (Ps 33 (34), 2-3, 16.18, 19.23)
« Je n’ai plus qu’à recevoir la couronne de la justice » (2 Tm 4, 6-8.16-18)
« Le publicain redescendit dans sa maison ; c’est lui qui était devenu juste, plutôt que le pharisien » (Lc 18, 9-14)
Homélie du 26 octobre 2025 - Récollection pradosienne à la Maison Saint-André à Limonest (Lyon)
En participant à une retraite spirituelle, à une récollection, nous soulignons l’importance de la prière, de la contemplation. Est Fils / fille de Dieu (disciple du Christ) celui / celle qui aime prendre du temps pour prier.
Nous prions individuellement et communautairement, ecclésialement. Cette journée en témoigne. Une contemplation qui nous pousse à l’action et nous avons pris du temps aujourd’hui pour, dans la prière, par elle, sonder la valeur de nos actes fraternels, de nos désirs de fraternité. Tel est l’engagement dans notre vocation à la sainteté. Et nous quitterons cette eucharistie avec une mission : « allez dans la paix du Christ, par toute votre Dieu rendez gloire à Dieu ».
Nous savons que la prière ne nous enferme pas dans un nuage. Elle nous ouvre au contraire sur le monde. Par exemple, celui (celle) qui prie n’a pas peur d’ouvrir sa porte à l’inconnu. La prière, dans le discernement, donne du courage.
Elle est une façon de nous placer devant Dieu, une attitude intérieure qui fait que, même si l’on est, parfois à juste titre, certain de sa force, de sa bonne conduite, on se reconnaît quand même nécessiteux, pécheur, imparfait. Par elle, on prend conscience de ses manques. La prière, c’est tout attendre de l’Autre, de Dieu. On ne compte pas que sur soi.
La méditation, contemplation, supplication entretient en nous cette vérité essentielle : nous ne devenons juste, vrai, saint que parce l’Esprit Saint place en nous sa Vérité. Le chrétien est rendu juste par le Christ. Celui qui se valorise lui-même n’est pas en bonne position devant Dieu. Il se considère comme s’il était déjà dans le Royaume ; il devient son propre Dieu.
Jésus emploie une parabole pour se faire comprendre.
Le pharisien est sans aucun doute de bonne foi. Il accomplit tout ce que la Loi lui demande. Ni voleur, ni séducteur, ni buveur, il peut se présenter à Dieu dans sa probité. Seulement, il y a quand même un problème : il méprise les autres. Il n’a aucun comportement fraternel ; il accuse :
« ils sont voleurs, injustes, adultères »
Il met en avant, sa perfection ; alors, il se passe de Dieu.Là, ça ne va plus.
Aujourd’hui nous avons réfléchi à notre façon d’être fraternel dans un monde où chacun se sent menacé par l’individualisme ambiant, par la violence de plus en plus présente.
Je pense à ce que dit le philosophe Olivier Rey dans son ouvrage « Une folle solitude : Le fantasme de l’homme auto-construit ». Il explique que l’utopie de l’auto-fondation, de l’auto-satisfaction, - telle est la négation de la fraternité - a pénétré notre monde contemporain.
Face aux théories et pratiques de l’homme augmenté - robotique, intelligence artificielle, nanotechnologies, il est bon de ne pas avoir peur de nos fragilités. Il est bon que le quotidien de la vie montre que la réalité de l’homme est dans l’humble reconnaissance de ses propres faiblesses.
Humblement, je m’interroge : ma prière est-elle authentique ? Réelle ?
Et quand vous priez, ne soyez pas comme les hypocrites : ils aiment à se tenir debout dans les synagogues et aux carrefours pour bien se montrer aux hommes quand ils prient. Amen, je vous le déclare : ceux-là ont reçu leur récompense. Mais toi, quand tu pries, retire-toi dans ta pièce la plus retirée, ferme la porte, et prie ton Père qui est présent dans le secret ; ton Père qui voit dans le secret te le rendra. Lorsque vous priez, ne rabâchez pas comme les païens : ils s’imaginent qu’à force de paroles ils seront exaucés. (Mt 6, 5-7)
La prière du pauvre que je demeure traverse tous les obstacles et atteint Dieu qui ne peut que répondre favorablement à l’humble demande. La prière de celui qui se sait petit est forte car elle est vraie.
Qu’est-ce que l’homme ? sinon un pauvre, un faible. Le plus riche sur terre demeure le plus pauvre dans la réalité du monde éternel, divin - le Royaume.
Le pauvre, priant, attend tout de Dieu. Avec les psaumes, on parle des anawim (pauvres de l’Évangile).
C’est ainsi que Paul se comporte dans sa mission. Il sait qu’il n’a rien à se reprocher. Comme le pharisien, il se sait fidèle. Mais, en même temps, il ne méprise pas les autres. Ses frères ne l’ont pas soutenu, Dieu est présent :
« tous m'ont abandonné. Que Dieu ne leur en tienne pas rigueur. Le Seigneur, lui, m'a assisté. Il m'a rempli de force ». (2 Tim, 4,6ss)
Paul, tout en reconnaissant avoir mené le bon combat se tourne vers le Seigneur. Même si les judéo-chrétiens ne voient pas les choses de la même façon et s’opposent à lui, il porte l’Évangile aux nations païennes avec assurance et confiance parce que, répondant à son humble prière, le Seigneur l’assiste. Le Seigneur, qui donne à celui qui attend tout de Lui, donne la force de tenir dans l’adversité.
Nous quittons l’eucharistie pour pratiquer la fraternité en nos habituels lieux de vie. Glorifions Dieu par toute notre vie.
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