Ahésion au Christ. Foi contre croyance
Je dînais
hier soir, agréable moment à la terrasse d’un petit restaurant situé sur la villageoise place Sathonay (Lyon 1er), avec une personne qui n’avait de connaissance de Dieu que par la lecture
familiale de la Bible. Née dans un milieu islamo-chrétien sous influence stalinienne, elle ne comptait que sur sa propre méditation pour atteindre le vrai. Dieu est vrai.
Mais qui est Dieu ? L’inconnaissable.
Je fus rempli d’admiration quand j’ai découvert la place que Jésus tenait dans sa vie. « C’est lui qui nous parle du Père ». « C’est lui qui nous donne sa force, son esprit ». J’aime traduire : « son souffle », car, visiblement, cette personne expérimentait dans son quotidien que la présence de Dieu en l’homme donne la vie. Jésus-Christ nous parle de lui-même. Il est Dieu. Il est l’essentiel.
Avec Antoine Chevrier, j’aime reprendre l’expression : « connaître Jésus-Christ, c’est tout ». « Jésus-Christ… c’est le miroir dans lequel Dieu se contemple et se reproduit lui-même… Il nous a été donné pour être notre sagesse, notre justice, notre sanctification, notre rédemption. Il est la voie, la vérité, la vie. Il est notre roi, notre maître, notre chef notre modèle ».
Voir ainsi la présence de Dieu –Père, Fils, Esprit- parmi nous, m’incite à employer le mot « adhésion ». J’adhère au Verbe Eternel qui choisit d’utiliser nos mots humains pour s’adresser aux hommes que nous sommes. J’adhère, je fais confiance, je me fie à Lui. Fides. J’ai foi en Lui.
En français, on dirait, « je crois » en Jésus, le ressuscité. Mais, ce mot croire ne me satisfait pas, car il me semble moins précis que « adhérer ». J’adhère.
Croire invite à penser à croyance. Or, si la croyance ouvre le domaine de la religion, elle est aussi ce qui éloigne de l’Évangile ou risque d’éloigner. La croyance n’est pas du domaine de la foi.
Il y a, en effet, une grande différence, entre la croyance d’un membre d’une communauté tribale en la puissance du totem qui tisse l’unité du groupe et la foi d’Abraham qui accepte de quitter son territoire afin de se mettre en route vers un ailleurs improbable selon l’invitation divine. Kierkegaard a écrit un texte superbe sur ce sujet (voir ci-dessous*). L’homme, au plus noir de la nuit, au plus profond du tunnel, dans l’épaisse obscurité, continue, par foi, d’avancer. Marcher sans voir. Espérer comme Jean de la Croix dans son cachot.
La foi est adhésion à Dieu, par le Christ.
La croyance est alignement sur la communauté. C’est en cette dernière que se développe la religion.
Il me semble que les hommes sont naturellement religieux. Ils sont plus désireux de religion que d’adhésion au Christ et sont tentés, par ce sentiment religieux à se détourner du Christ. Nous le voyons avec l’Histoire. Les Églises du Christ entrant en religion sous la férule d’un roi (cela a commencé avec les Arméniens (Tiridates), puis Constantin, Charlemagne…), ne s’écartent-elles pas de l’Évangile, alors que Jésus nous invite à sortir de l’emprise du religieux ?
Voilà ce à quoi, une fois de plus, j’ai pensé au cours de cet agréable dîner.
Mais qui est Dieu ? L’inconnaissable.
Je fus rempli d’admiration quand j’ai découvert la place que Jésus tenait dans sa vie. « C’est lui qui nous parle du Père ». « C’est lui qui nous donne sa force, son esprit ». J’aime traduire : « son souffle », car, visiblement, cette personne expérimentait dans son quotidien que la présence de Dieu en l’homme donne la vie. Jésus-Christ nous parle de lui-même. Il est Dieu. Il est l’essentiel.
Avec Antoine Chevrier, j’aime reprendre l’expression : « connaître Jésus-Christ, c’est tout ». « Jésus-Christ… c’est le miroir dans lequel Dieu se contemple et se reproduit lui-même… Il nous a été donné pour être notre sagesse, notre justice, notre sanctification, notre rédemption. Il est la voie, la vérité, la vie. Il est notre roi, notre maître, notre chef notre modèle ».
Voir ainsi la présence de Dieu –Père, Fils, Esprit- parmi nous, m’incite à employer le mot « adhésion ». J’adhère au Verbe Eternel qui choisit d’utiliser nos mots humains pour s’adresser aux hommes que nous sommes. J’adhère, je fais confiance, je me fie à Lui. Fides. J’ai foi en Lui.
En français, on dirait, « je crois » en Jésus, le ressuscité. Mais, ce mot croire ne me satisfait pas, car il me semble moins précis que « adhérer ». J’adhère.
Croire invite à penser à croyance. Or, si la croyance ouvre le domaine de la religion, elle est aussi ce qui éloigne de l’Évangile ou risque d’éloigner. La croyance n’est pas du domaine de la foi.
Il y a, en effet, une grande différence, entre la croyance d’un membre d’une communauté tribale en la puissance du totem qui tisse l’unité du groupe et la foi d’Abraham qui accepte de quitter son territoire afin de se mettre en route vers un ailleurs improbable selon l’invitation divine. Kierkegaard a écrit un texte superbe sur ce sujet (voir ci-dessous*). L’homme, au plus noir de la nuit, au plus profond du tunnel, dans l’épaisse obscurité, continue, par foi, d’avancer. Marcher sans voir. Espérer comme Jean de la Croix dans son cachot.
La foi est adhésion à Dieu, par le Christ.
La croyance est alignement sur la communauté. C’est en cette dernière que se développe la religion.
Il me semble que les hommes sont naturellement religieux. Ils sont plus désireux de religion que d’adhésion au Christ et sont tentés, par ce sentiment religieux à se détourner du Christ. Nous le voyons avec l’Histoire. Les Églises du Christ entrant en religion sous la férule d’un roi (cela a commencé avec les Arméniens (Tiridates), puis Constantin, Charlemagne…), ne s’écartent-elles pas de l’Évangile, alors que Jésus nous invite à sortir de l’emprise du religieux ?
Voilà ce à quoi, une fois de plus, j’ai pensé au cours de cet agréable dîner.
* C’est par la foi qu’Abraham quitta le pays de ses pères et fut étranger en terre promise. Il laissa une chose, sa raison terrestre, et en prit une autre, la foi ; sinon,
songeant à l’absurdité du voyage, il ne serait pas parti. C’est par la foi qu’il fut un étranger en terre promise où rien ne lui rappelait ce qu’il aimait, tandis que la nouveauté de toutes
choses mettait en son âme la tentation d’un douloureux regret. Cependant, il était l’élu de Dieu, en qui l’Éternel avait sa complaisance ! Certes, s’il avait été un déshérité, banni de la grâce
divine, il eût mieux compris cette situation qui semblait une raillerie sur lui et sur sa foi. Il y eut aussi dans le monde celui qui vécut exilé de sa patrie bien-aimée. Il n’est pas oublié,
ni ses complaintes où, dans la mélancolie, il chercha et trouva ce qu’il avait perdu. Abraham n’a pas laissé de lamentations. Il est humain de se plaindre, humain de pleurer avec celui qui
pleure, mais il est plus grand de croire, et plus bienfaisant de contempler le croyant.
C’est par la foi qu’Abraham reçut la promesse que toutes les nations de la terre seraient bénies en sa postérité. Le temps passait, la possibilité restait, Abraham croyait. Le temps passa, l’espérance devint absurde. Abraham crut. On vit au monde celui qui eut une espérance. Le temps passa, le soir fut à son déclin, et cet homme n’eut point la lâcheté de renier son espoir ; aussi ne sera-t-il jamais oublié lui non plus. Puis il connut la tristesse, et le chagrin, loin de le décevoir comme la vie, fit pour lui tout ce qu’il put et, dans ses douceurs, lui donna la possession de son espérance trompée. Il est humain de connaître la tristesse, humain de partager la peine de l’affligé, mais il est plus grand de croire et plus réconfortant de contempler le croyant...
Mais Abraham crut et garda fermement la promesse à laquelle il aurait renoncé s’il avait chancelé...
... Abraham, père vénérable ! Quand tu revins chez toi de Morija, tu n’eus aucunement besoin d’un panégyrique pour te consoler d’une perte ; car, n’est-ce pas, tu avais tout gagné, et gardé Isaac ?
Désormais, le Seigneur ne te le prit plus, et l’on te vit joyeux à table avec ton fils dans ta demeure, comme là-haut pour l’éternité. Abraham, père vénérable ! Des milliers d’années se sont écoulées depuis ces jours, mais tu n’as pas besoin d’un admirateur attardé pour arracher par son amour ta mémoire aux puissances de l’oubli ; car toute langue te rappelle – et pourtant, tu récompenses qui t’aime plus magnifiquement que personne ; tu le rends là-haut bienheureux en ton sein, et tu captives ici-bas son regard et son cœur, par le prodige de ton action. Abraham, père vénérable Second père du genre humain ! Toi qui le premier as éprouvé et manifesté cette prodigieuse passion qui dédaigne la lutte terrible contre la fureur des éléments et les forces de la création pour combattre avec Dieu, toi qui le premier as ressenti cette passion sublime, expression sacrée, humble et pure de la divine frénésie, toi qui as fait l’admiration de païens, pardonne à celui qui a voulu parler à ta louange, s’il s’est mal acquitté de sa tâche. Il a parlé humblement, selon le désir de son cœur ; il a parlé brièvement comme il convenait ; mais il n’oubliera jamais qu’il t’a fallu cent ans pour recevoir contre toute attente le fils de la vieillesse, et que tu as dû tirer le couteau pour garder Isaac ; il n’oubliera jamais qu’à cent trente ans, tu n’étais pas allé plus loin que la foi.
Soren KIERKEGAARD, Crainte et Tremblement. Recueilli dans Textes mystiques d’Orient et d’Occident, choisis et présentés par Solange Lemaitre, Plon, 1955.
C’est par la foi qu’Abraham reçut la promesse que toutes les nations de la terre seraient bénies en sa postérité. Le temps passait, la possibilité restait, Abraham croyait. Le temps passa, l’espérance devint absurde. Abraham crut. On vit au monde celui qui eut une espérance. Le temps passa, le soir fut à son déclin, et cet homme n’eut point la lâcheté de renier son espoir ; aussi ne sera-t-il jamais oublié lui non plus. Puis il connut la tristesse, et le chagrin, loin de le décevoir comme la vie, fit pour lui tout ce qu’il put et, dans ses douceurs, lui donna la possession de son espérance trompée. Il est humain de connaître la tristesse, humain de partager la peine de l’affligé, mais il est plus grand de croire et plus réconfortant de contempler le croyant...
Mais Abraham crut et garda fermement la promesse à laquelle il aurait renoncé s’il avait chancelé...
... Abraham, père vénérable ! Quand tu revins chez toi de Morija, tu n’eus aucunement besoin d’un panégyrique pour te consoler d’une perte ; car, n’est-ce pas, tu avais tout gagné, et gardé Isaac ?
Désormais, le Seigneur ne te le prit plus, et l’on te vit joyeux à table avec ton fils dans ta demeure, comme là-haut pour l’éternité. Abraham, père vénérable ! Des milliers d’années se sont écoulées depuis ces jours, mais tu n’as pas besoin d’un admirateur attardé pour arracher par son amour ta mémoire aux puissances de l’oubli ; car toute langue te rappelle – et pourtant, tu récompenses qui t’aime plus magnifiquement que personne ; tu le rends là-haut bienheureux en ton sein, et tu captives ici-bas son regard et son cœur, par le prodige de ton action. Abraham, père vénérable Second père du genre humain ! Toi qui le premier as éprouvé et manifesté cette prodigieuse passion qui dédaigne la lutte terrible contre la fureur des éléments et les forces de la création pour combattre avec Dieu, toi qui le premier as ressenti cette passion sublime, expression sacrée, humble et pure de la divine frénésie, toi qui as fait l’admiration de païens, pardonne à celui qui a voulu parler à ta louange, s’il s’est mal acquitté de sa tâche. Il a parlé humblement, selon le désir de son cœur ; il a parlé brièvement comme il convenait ; mais il n’oubliera jamais qu’il t’a fallu cent ans pour recevoir contre toute attente le fils de la vieillesse, et que tu as dû tirer le couteau pour garder Isaac ; il n’oubliera jamais qu’à cent trente ans, tu n’étais pas allé plus loin que la foi.
Soren KIERKEGAARD, Crainte et Tremblement. Recueilli dans Textes mystiques d’Orient et d’Occident, choisis et présentés par Solange Lemaitre, Plon, 1955.