Productions contraintes et consommation libre
Comme je l'ai indiqué précédemment, dans cette catégorie "anthropologie", je donne diverses réflexions sur le sens, ou non sens, du travail.
Textes qui me semblent d'une grande importance alors qu'on veut augmenter la durée du travail salarié tout en critiquant "mai 68".
2.4 Les représentations du temps de travail et de loisir ne sont pas les mêmes pour tous.
Je poursuis la publication des textes qui résultent du colloque que nous avons tenu avec Confluences il y a au moins une dizaine d'année. Cette
semaine et la semaine prochaine la parole est donné à Georges Decourt, prêtre, socilogue, ayant travail à Economie et Humanisme.
2.4 Les représentations du temps de travail et de loisir ne sont pas les mêmes pour tous.

Qu’est-ce que ce temps où l’on ne travaille pas ? Je reprends l’expression du texte introductif à cette table ronde : “ temps passé hors emploi rémunéré ”. Lorsque nous pensons “
loisir ”, nous ne parvenons pas à penser autrement que par référence à l’emploi typique.
Robert Sue a donné un contenu à ce temps qu’il appelle libéré du travail : il y a du loisir (temps de détente, de culture, de création...), du travail domestique, des engagements, etc. Mais par loisir, on entend tout ce qu’il est possible de faire (loisir du latin licere, sens que l’on retrouve dans l’expression “avoir tout loisir de”) avec une connotation de plaisir par opposition au travail (du latin tripallium, “instrument de torture”), qui lui est connoté de déplaisir. Dans ce temps de loisir on compte aussi bien le temps des courses, celui du coiffeur, de la randonnée, du cinéma, etc... Ceux qui exercent leur travail professionnel dans le secteur des loisirs (des autres) vont chercher à renforcer la connotation ludique : c’est évident pour les organisateurs de loisirs, c’est manifeste pour la consommation en grandes surfaces où l’on cherche à associer l’acte d’achat à celui de plaisir. Le temps du travail, qui est celui de la production (de biens et de services), a ici pour parallèle le temps de la consommation, qui caractérise le temps hors emploi, le temps où l’on dépense le gain monétaire du travail.
Mais toute l’organisation du temps et de la société continue de tourner autour du travail : le travail source de revenu suffisant pour se payer des loisirs, le loisir comme plaisir opposé au labeur.
Robert Sue insiste sur la possibilité actuelle de dégager du temps pour du travail d’utilité sociale. Or on constate que le volontariat et les engagements sociaux diminuent aujourd’hui alors que le temps libre augmente. Le soutien à des activités sociales ou humanitaires tend à se faire principalement par versement d’une part de revenu (parfois même déductible des impôts qui sont eux l’expression de la solidarité nationale). “Les gens sont généreux” de l’argent qu’ils ont gagné, bien plus que du temps que la réduction du labeur leur laisse, mais ce gain de temps est consommé par une multitude d’activités.
Le loisir est donc souvent vu comme un bien de consommation libre davantage que comme un temps de production libre, de création. On pourrait s’attendre à avoir l’opposition entre production contrainte (contrat de travail où l’on vend sa force productrice) et production libre (durant le temps libre), on a en fait opposition entre production contrainte et consommation libre. Je voudrais vous lire le propos d’une sociologue, Hannah Arendt, citée par Larrouturou qui veut faire mentir cette prophétie.
C’est une société de travailleurs que l’on va délivrer des chaînes du travail, et cette société ne sait plus rien des activités plus hautes et plus enrichissantes pour lesquelles il vaudrait la peine de gagner cette liberté... Ce que nous avons devant nous, c’est la perspective d’une société de travailleurs sans travail, c’est-à-dire de la seule activité qui leur reste. On ne peut rien imaginer de pire.
Robert Sue a donné un contenu à ce temps qu’il appelle libéré du travail : il y a du loisir (temps de détente, de culture, de création...), du travail domestique, des engagements, etc. Mais par loisir, on entend tout ce qu’il est possible de faire (loisir du latin licere, sens que l’on retrouve dans l’expression “avoir tout loisir de”) avec une connotation de plaisir par opposition au travail (du latin tripallium, “instrument de torture”), qui lui est connoté de déplaisir. Dans ce temps de loisir on compte aussi bien le temps des courses, celui du coiffeur, de la randonnée, du cinéma, etc... Ceux qui exercent leur travail professionnel dans le secteur des loisirs (des autres) vont chercher à renforcer la connotation ludique : c’est évident pour les organisateurs de loisirs, c’est manifeste pour la consommation en grandes surfaces où l’on cherche à associer l’acte d’achat à celui de plaisir. Le temps du travail, qui est celui de la production (de biens et de services), a ici pour parallèle le temps de la consommation, qui caractérise le temps hors emploi, le temps où l’on dépense le gain monétaire du travail.
Mais toute l’organisation du temps et de la société continue de tourner autour du travail : le travail source de revenu suffisant pour se payer des loisirs, le loisir comme plaisir opposé au labeur.
Robert Sue insiste sur la possibilité actuelle de dégager du temps pour du travail d’utilité sociale. Or on constate que le volontariat et les engagements sociaux diminuent aujourd’hui alors que le temps libre augmente. Le soutien à des activités sociales ou humanitaires tend à se faire principalement par versement d’une part de revenu (parfois même déductible des impôts qui sont eux l’expression de la solidarité nationale). “Les gens sont généreux” de l’argent qu’ils ont gagné, bien plus que du temps que la réduction du labeur leur laisse, mais ce gain de temps est consommé par une multitude d’activités.
Le loisir est donc souvent vu comme un bien de consommation libre davantage que comme un temps de production libre, de création. On pourrait s’attendre à avoir l’opposition entre production contrainte (contrat de travail où l’on vend sa force productrice) et production libre (durant le temps libre), on a en fait opposition entre production contrainte et consommation libre. Je voudrais vous lire le propos d’une sociologue, Hannah Arendt, citée par Larrouturou qui veut faire mentir cette prophétie.
C’est une société de travailleurs que l’on va délivrer des chaînes du travail, et cette société ne sait plus rien des activités plus hautes et plus enrichissantes pour lesquelles il vaudrait la peine de gagner cette liberté... Ce que nous avons devant nous, c’est la perspective d’une société de travailleurs sans travail, c’est-à-dire de la seule activité qui leur reste. On ne peut rien imaginer de pire.