Homélie du 30 septembre 2007

Publié le par Michel Durand

Lecture du livre du prophète Amos : 6. 1 à 7 : “ Malheur à ceux qui vivent bien tranquilles dans Jérusalem.”

Psaume 145 : “ Heureux qui s’appuie sur le Seigneur son Dieu.”

Lecture de la première lettre à Timothée : 6. 11 à 16 : ” En présence de Dieu qui donne vie à toutes choses et en présence du Christ Jésus."

Evangile selon saint Luc : 16. 19 à 31 : “Rappelle-toi, tu as reçu le bonheur pendant ta vie."
bourges.jpg
Evangile et première lecture disent clairement le regard de Dieu sur les hommes. Dieu constate que les hommes ne prêtent pas attention à leur voisin.
Pour exprimer cette conviction, Jésus utilise une fable, une parabole. Ce qu’il dit est du genre : « Jacques Martin, après son passage à la cathédrale Saint-Jean de Lyon entra au Paradis où Saint Pierre l’attendait devant la porte afin de le questionner sur sa vie, ses compagnes, son travail, sa famille… On mettait sur chaque plateau d’une balance les bonnes et les mauvaises actions.
Qui va l’emporter
autun.jpg? Le bien ou le mal ?
Les tympans du Moyen Âge représentent souvent cette scène du jugement dernier. On voit l’archange Michel (Bourges) tenir une balance à la main. Le bien, à droite de l’ange, l’emporte toujours sur le mal. Il est chargé de grâce divine. Le mal, malgré l’effort du diable qui pèse sur le fléau avec sa main pour faire le pencher de son côté (Autun) est radicalement perdant.
Au XIIe siècle, la vision du jugement dernier était optimiste.
Des histoires du ciel et de l’enfer, l’Egypte des pharaons en avait plein. Les rabbins du temps de Jésus se racontaient aussi des comtes de ce genre, empruntés à l’Egypte. Le riche, disaient-ils, était un fils de publicain pécheur, par exemple un percepteur d’impôts à la solde des Romains. Le pauvre, un homme très dévot, un bon juif fidèle à la loi du Temple. Dans ces récits, la balance pesait les mérites des uns et des autres. Le dévot était toujours gagnant.
Jésus bouleverse la logique des leçons à tirer de ces histoires. Dans son récit, il n’est jamais question du mérite de l’un ou du démérite de l’autre…. ;
Il n’est jamais dit dans cette parabole que Lazare, le pauvre, soit vertueux et le riche mauvais. Jésus constate tout simplement que le riche est resté riche toute sa vie alors que le pauvre fut toujours pauvre. L’un vit dans une belle et grande demeure dans la rue, l’autre demeure à la porte.
Notons, malgré tout, que Jésus signale habillement où va sa préférence. Il nomme par son nom Lazare, alors que l’on ignore le nom du riche.
La pointe de cette histoire n’est donc pas la vie vertueuse de l’un ou de l’autre. L’accent porte sur l’abîme d’indifférence, disons d’ignorance, d’aveuglement qui s’est creusé entre le riche et le pauvre simplement parce que le riche n’a pas voulu ouvrir son portail en regardant autour de lui. L’homme qui vit de pouvoir et de puissance ignore ce qui ne lui profite pas directement.
Jésus ne nomme pas le riche. Est-il totalement anonyme ? Pas exactement. Le texte en parle avec précision en décrivant ses vêtements. Ils sont de couleurs pourpres, faits de linge fin. Du lin, écrit le texte grec, et non de la grossière laine. Cela caractérise les vêtements des prêtres disposés au service du Roi du Monde, Maître de l’univers. Le pourpre est la couleur des chefs d’Etats. Ce sont plus que des vêtements de luxe. La couleur pourpre qui était primitivement la couleur des vêtements royaux était devenue la couleur des grands prêtres parce qu’ils servent le roi du monde.
Avec, ces mots donc, Jésus s’adresse directement à ses auditeurs parmi lesquels il y avait des hommes pieux d’Israël, des hommes de Loi, scribes, pharisiens, prêtres de la tribu de Lévi. Pieux, mais indifférents à la misère des autres. Voilà ce que Jésus leur dit : « Grand prêtre ou pas, puisque vous méprisez vos frères, vous ne méritez pas le titre de Fils d’Abraham. » Vous méritez au contraire, comme le disait Amos, d’être les premiers des déportés. Le vrai fils d’Abraham ne peut qu’être attentif à son voisin.
abraham.jpgVu le nombre de fois qu’Abraham est cité, la présence de ce personnage fondateur signifie le sens de la parabole. Etre dans le sein d’Abraham est équivalent à être avec Dieu (Bourges)
Actualisons.
Un jour, à Saint Pierre, au ciel, se présenta un homme qui sur terre avait grand pouvoir. Il prenait en effet ses vacances chez des amis fortunés ou dans des hôtels brillants de leurs cinq étoiles et dont les « suites » bénéficiaient d’une vue imprenable sur la mer, sur la montagne. Or, sur terre cet homme puisssant écoutait, sans entendre, les informations :
- Mercredi 26 Septembre, en fin d’après midi une Lycéenne de 18 ans, Kokoe, a été emmenée au centre de rétention du Mesnil Amelot. Son seul tort ? s’être rendue, pour être en parfaite règle avec le droit français, à une convocation de la gendarmerie. Cette jeune togolaise est arrivée en France à 13 ans pour vivre avec son oncle et sa tante français et poursuivre ses études. Elle est aujourd’hui en terminale scientifique et n’a pas d’autres but que d’obtenir son baccalauréat. Cette nuit une jeune fille terrorisée a dormi seule en rétention coupée des siens.
- Vendredi 21 septembre, Chulan Zhang Liu, chinoise résidant en France, est décédée après s’être défenestrée lors d’un contrôle de police boulevard de la Villette à Paris. Mme Chulan Zhang Liu, est morte victime de la chasse aux sans papiers que doivent mener les policiers.
- Un matin, à « l’heure du laitier », la police des Lilas a tenté d’interpeller une lycéenne de 19 ans à son domicile. Les policiers se sont présentés en effet à 7 h 30 chez sa marraine, responsable du service culturel de la ville du Pré Saint-Gervais, en espérant y trouver Beilei qui est domicilié officiellement à cette adresse. Cette jeune chinoise est arrivée en France pour rejoindre ses parents qui vivent et travaillent sur notre territoire depuis 1999. Malgré plusieurs tentatives de régularisation, et dangereuse qui se met en place contre les étrangers en situation irrégulière.
- Les drames qui se succèdent sont la conséquence logique des instructions données aux préfets qui doivent faire du chiffre, par tous les moyens.
Resf, chaque jour, relate des événements semblables. Chaque jour des courriers sont envoyés aux préfectures.
Revenons aux textes du jour.
Est-ce l’indifférence qui règne ? Y a-t-il un abîme relationnel qui fait que l’on ne voit pas celui (ou celle) qui est à notre porte ?
La dernière phrase de l’Evangile de Jésus est terrible : quelqu’un pourrait bien ressusciter d’entre les morts, ils (les personnes du groupe des riches) ne seront pas convaincus. Jésus serait-il désespéré quand il dit cela ?. N’y aurait-il aucune possibilité de transformer un cœur dur comme de la pierre, en cœur de chair, tendre ?
Luc a vécu la résurrection du Christ Il sait trop bien que celle-ci n’a pas converti tout le monde.
Alors que faire devant ce tableau si peu favorable à l’homme ? Comment le regarder ? Nous ne pouvons que le prendre pour ce qu’il est : constat qu’un abîme sépare riches et pauvres, que les uns sont bien organisés pouvant ainsi exercer leur pouvoir sur les autres, et invitation à la conversion pour que l’enseignement d’Abraham, de Moïse et des prophètes soit appliqués : l’amour de tous, car tous sont frères.

Publié dans Eglise

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