En quête d’objectivité
Tous les faits de société que nous analysons tantôt avec les outils historiques, tantôt avec les outils sociologiques, psychologiques ou encore avec ceux de la
philosophie, de la théologie etc… méritent de l’être le plus objectivement possible. C’est dans cet esprit que je m’efforce de recevoir ce que me disent les partisans de la décroissance. 99 % des «
penseurs » semblent ne voir en eux que des utopistes, des rêveurs non encore sortis de l’adolescence. Ce rejet est-il scientifiquement étayé ? Et quand je m’engage à la suite des « décroissants », ne serait-ce pas en l’absence de tout fondement ?
Personnellement, je ne le pense pas. Mais il ne sert à rien de le dire ou de l’écrire, encore faut-il le prouver. En 2007, je découvre dans la réflexion
d’objecteurs de croissance –expression que je préfère à celle de décroissance- des thèses étudiées dans les années 70 : croissance zéro, dégâts du progrès, réductions du temps productif,
raréfaction des matières premières… La récurrence de ces analyses, notamment en économie, n’est-elle pas une preuve que le problème existe vraiment et que les intellectuels, puis les politiques
devraient le regarder vraiment en face ?
Comment se garantir d’une dérive partisane ?
En faisant intervenir, me semble-t-il, sur une même question, des intellectuels des différentes disciplines, des militants d’obédiences variées ayant pris l’engagement de se coltiner à la réalité, laquelle doit passer au crible toutes les idées reçues.
J’aime bien l’attitude de Jean-Claude Guillebaud dans « Comment je suis redevenu chrétien », lorsqu’il explique que, devenu directeur littéraire aux éditions du Seuil, il eut « la chance d’être mêlé à une vraie aventure intellectuelle, dans un groupe de chercheurs appartenant à des disciplines différentes ». Toutes les sciences sont citées, des mathématiques à la théologie, regroupant des spécialistes « animés par la volonté de mettre en commun leurs savoirs, de mener une réflexion à la fois interdisciplinaire et affranchie de l’idéologie ».
Objection de croissance.
Comment, théologiquement aller au cœur du problème ?
Bien qu’il semble nécessaire de connaître les différentes théologies du progrès, du développement, du travail qui ont été écrites dans les années 60-70, je ne pense pas qu’il faille prendre ce chemin. Il ne s’agit pas de nier leur apport, mais de se situer théologiquement à un niveau plus profond. Du reste, ce travail a été fait. Mais il semble utile de le reprendre pour répondre, par exemple, à ceux qui disent qu’il ne peut y avoir de théologies du travail, du repos, du développement, de la libération… puisqu’il n’y a de théologie que de Dieu.
Afin de poser la question de l’objection de croissance à un niveau qui ne se réduirait pas au comportement à adopter (théologie morale) il convient de plonger dans le mystère pascal salvifique du Christ. La mort et la résurrection du Christ concernent l’ensemble du cosmos.
En un sens, le chapitre 8 de la lettre de Paul aux Romains mérité d’être bien compris : (8,18ss)
Je ne suis ni exégète, ni théologien dans le sens où je ne consacre pas, professionnellement tout mon temps à ces disciplines. Aussi convient-il de s’adresser aux spécialistes pour avoir des idées claires et assurées. J’attends de ceux-ci une écoute patiente et bienveillante des objecteurs de croissance.
Ce n’est qu’à cette condition que nous aborderons d’une façon fructueuse les questions soulevées en deçà de toute idéologie. L’acte rédempteur du Christ, sa mort et sa résurrection, son engendrement* dans la chair –le Verbe se fit chair- et son engendrement dans la gloire éternelle au travers de la mort sur la croix attire à lui, uni au Père, dans l’Esprit, toute la création. N’y a-t-il pas, pour qu’il en soit ainsi, un devoir de l’homme à garder quelques réserves devant la possibilité d’une exploitation outrancière de la nature ? Penser pouvoir tirer de la matière toutes les ressources nécessaires au bonheur détourne, comme dans un acte idolâtre, de l’acte pascal du Rédempteur. Et je ne parle pas des conséquences inégalitaires rencontrées dans l’humanité que cette exploitation forcenée renferme inéluctablement. Jésus, ressuscité, affiliant dans la gloire éternelle du Père s’adresse à tous les habitants de la terre. Son salut universel a des conséquences fraternelles. Tout cela conduit à une autolimitation de l’acte humain dans la maîtrise du cosmos.
Dieu demande-t-il de cultiver le sol et de le garder (Gn 2,15) ou de remplir la terre et de a dominer (Gn 1,28) afin de se soumettre tout ce qui remue ?
Cette interrogation finale sera ma conclusion, justement pour ne pas conclure.
Je crois fortement que l’autolimitation de Dieu à la création –l’importance du sabbat– est un paradigme ouvrant les portes d’un nouvel art de vivre : contre l’idéologie du progrès infini je me dis qu’il ne sert à rien à l’homme de doubler, tripler sa récolte (sa production) et d’agrandir ses greniers pour l’engranger car ce soir il va mourir. Il ferait mieux, dés maintenant, de partager (Luc 12,16-21 ; 33-34).
Pour en savoir plus sur ce texte : voir Jean Lévêque, carme (Paris).
* Voir, G. Rémy, l’engendrement de Fils dans la mort. L’apport de Fr . X. Durwell à la théologie, NRT 0129 (2007) 569-590
Philippe de Champaigne (1602-1674)
La Vanité ou Allégorie de la vie humaine, 1646
Huile sur toile - 28,8 x 37,5 cm
Le Mans, Musée de Tessé
Photo : RMN / Bulloz
La Vanité ou Allégorie de la vie humaine, 1646
Huile sur toile - 28,8 x 37,5 cm
Le Mans, Musée de Tessé
Photo : RMN / Bulloz
Comment se garantir d’une dérive partisane ?
En faisant intervenir, me semble-t-il, sur une même question, des intellectuels des différentes disciplines, des militants d’obédiences variées ayant pris l’engagement de se coltiner à la réalité, laquelle doit passer au crible toutes les idées reçues.
J’aime bien l’attitude de Jean-Claude Guillebaud dans « Comment je suis redevenu chrétien », lorsqu’il explique que, devenu directeur littéraire aux éditions du Seuil, il eut « la chance d’être mêlé à une vraie aventure intellectuelle, dans un groupe de chercheurs appartenant à des disciplines différentes ». Toutes les sciences sont citées, des mathématiques à la théologie, regroupant des spécialistes « animés par la volonté de mettre en commun leurs savoirs, de mener une réflexion à la fois interdisciplinaire et affranchie de l’idéologie ».
Objection de croissance.
Comment, théologiquement aller au cœur du problème ?
Bien qu’il semble nécessaire de connaître les différentes théologies du progrès, du développement, du travail qui ont été écrites dans les années 60-70, je ne pense pas qu’il faille prendre ce chemin. Il ne s’agit pas de nier leur apport, mais de se situer théologiquement à un niveau plus profond. Du reste, ce travail a été fait. Mais il semble utile de le reprendre pour répondre, par exemple, à ceux qui disent qu’il ne peut y avoir de théologies du travail, du repos, du développement, de la libération… puisqu’il n’y a de théologie que de Dieu.
Afin de poser la question de l’objection de croissance à un niveau qui ne se réduirait pas au comportement à adopter (théologie morale) il convient de plonger dans le mystère pascal salvifique du Christ. La mort et la résurrection du Christ concernent l’ensemble du cosmos.
En un sens, le chapitre 8 de la lettre de Paul aux Romains mérité d’être bien compris : (8,18ss)
« J’estime en effet que les souffrances du Christ présent sont sans proportion avec la gloire qui doit être révélée en nous. Car la création attend avec impatience la révélation des fils de Dieu : livrée au pouvoir du néant –non de son propre gré, mais par l’autorité de celui qui l’a livrée-, elle garde l’espérance, car elle aussi sera libérée de l’esclavage de la corruption, pour avoir part à la liberté et à la gloire des enfants de Dieu.
Nous le savons en effet : la création tout entière gémit maintenant encore dans les douleurs de l’enfantement. Elle n’est pas la seule : nous aussi, qui possédons les prémices de l’Esprit, nous gémissons intérieurement, attendant l’adoption, la délivrance pour notre corps ».
Je ne suis ni exégète, ni théologien dans le sens où je ne consacre pas, professionnellement tout mon temps à ces disciplines. Aussi convient-il de s’adresser aux spécialistes pour avoir des idées claires et assurées. J’attends de ceux-ci une écoute patiente et bienveillante des objecteurs de croissance.
Ce n’est qu’à cette condition que nous aborderons d’une façon fructueuse les questions soulevées en deçà de toute idéologie. L’acte rédempteur du Christ, sa mort et sa résurrection, son engendrement* dans la chair –le Verbe se fit chair- et son engendrement dans la gloire éternelle au travers de la mort sur la croix attire à lui, uni au Père, dans l’Esprit, toute la création. N’y a-t-il pas, pour qu’il en soit ainsi, un devoir de l’homme à garder quelques réserves devant la possibilité d’une exploitation outrancière de la nature ? Penser pouvoir tirer de la matière toutes les ressources nécessaires au bonheur détourne, comme dans un acte idolâtre, de l’acte pascal du Rédempteur. Et je ne parle pas des conséquences inégalitaires rencontrées dans l’humanité que cette exploitation forcenée renferme inéluctablement. Jésus, ressuscité, affiliant dans la gloire éternelle du Père s’adresse à tous les habitants de la terre. Son salut universel a des conséquences fraternelles. Tout cela conduit à une autolimitation de l’acte humain dans la maîtrise du cosmos.
Dieu demande-t-il de cultiver le sol et de le garder (Gn 2,15) ou de remplir la terre et de a dominer (Gn 1,28) afin de se soumettre tout ce qui remue ?
Cette interrogation finale sera ma conclusion, justement pour ne pas conclure.
Je crois fortement que l’autolimitation de Dieu à la création –l’importance du sabbat– est un paradigme ouvrant les portes d’un nouvel art de vivre : contre l’idéologie du progrès infini je me dis qu’il ne sert à rien à l’homme de doubler, tripler sa récolte (sa production) et d’agrandir ses greniers pour l’engranger car ce soir il va mourir. Il ferait mieux, dés maintenant, de partager (Luc 12,16-21 ; 33-34).
Pour en savoir plus sur ce texte : voir Jean Lévêque, carme (Paris).
* Voir, G. Rémy, l’engendrement de Fils dans la mort. L’apport de Fr . X. Durwell à la théologie, NRT 0129 (2007) 569-590