Filiation

Publié le par Michel Durand

Plus je médite sur ce mot, plus je prends conscience de la richesse de son contenu. Il nous place en un centre qui nous permet de voir le passé, le lieu d'où nous venons, tout en envisageant le futur, ce que nous construisons.
Le fils est celui qui dépend d'un père avant de devenir lui-même père. Les liens sont ainsi solidement établis entre l'ancien et le nouveau. Dans le respect de l‘avant, sans obstruer l'après. Aussi, dans la filiation, jamais nous nous sentons isolés : regard du père vers le fils et regard du fils vers le père.
Bien évidemment, je ne réduis pas la filiation à la seule parenté biologique. Il y a une reconnaissance spirituelle qui souvent l'emporte sur le génétique. Le père est plus père par l'éducation que par la procréation et, en ce contexte, la parenté, qui indique en un sens large les liens que tissent entre eux des personnes, montre plus de force sociétale que le régime de la famille nucléaire composée des géniteurs et de leurs progénitures. La parentèle ouvre sur de nombreuses alliances alors que la consanguinité enferme dans une défense presque animale des siens.
Je vois dans la filiation adoptive une réalité grandement humaine qui bouscule toute volonté de déterminer une appartenance par les seuls tests biologiques. La reconnaissance du frère de lait, de la parenté spirituelle, de la responsabilité du parrainage ouvre effectivement des horizons de grande fraternité.
Rappelons-nous que le « pater » de l'antique Rome, quand il donnait son nom à un enfant, celui-ci devenait l'héritier sans que le « père » en soit le géniteur.

Filiation adoptive
Le message biblique a de très belles pages sur l'adoption des hommes de la terre par le Père de tout l'univers.
Ainsi, Paul aux Galates

« Aussi longtemps qu'un héritier est mineur, sa situation ne diffère pas de celle d'un esclave, bien que théoriquement tout lui appartienne. En fait, il est soumis à des personnes qui prennent soin de lui et s'occupent de ses affaires jusqu'au moment fixé par son père. Nous, de même, nous étions précédemment comme des enfants, nous étions esclaves des éléments du monde. Mais quand le moment fixé est arrivé, Dieu a envoyé son Fils : il est né d'une femme et il a été soumis à la loi juive, afin de délivrer ceux qui étaient soumis à la loi, et de nous permettre ainsi de devenir enfants de Dieu (fils adoptifs). Pour prouver que vous êtes bien ses enfants, Dieu a envoyé dans nos coeurs l'Esprit de son Fils, l'Esprit qui crie : « Abba, ô mon Père ! » Ainsi, tu n'es plus esclave, mais enfant ; et puisque tu es son enfant, Dieu te donnera l'héritage qu'il réserve à ses enfants ».
Galates 4 1-6


Les théologiens exégètes dégagent de la Révélation toute une sagesse de filiation dans laquelle, le Christ Jésus donne l'exemple inouï.

« Celui qui vient d'en haut est au-dessus de tout. Celui qui est de la terre est terrestre, et il parle de façon terrestre. Celui qui vient du ciel rend témoignage de ce qu'il a vu et entendu, et personne n'accepte son témoignage. Mais celui qui accepte son témoignage certifie par là que Dieu dit la vérité. En effet, celui que Dieu a envoyé dit les paroles de Dieu, car Dieu lui donne l'Esprit sans compter. Le Père aime le Fils et a tout remis dans sa main. Celui qui croit au Fils a la vie éternelle »
(Jean 3,31-36)


Même quand il y a filiation biologique, c'est la dimension spirituelle qui l'emporte. Ainsi, dans la ligne de Saint Augustin, les spirituels ont longuement développé ce thème. La filiation adoptive place tout homme au rang de Dieu. L'homme, autonome, expérimente que Dieu l'aime. Dans la même foulée, il s'aimera lui-même tel qu'il est, et aimera le monde quoiqu'il arrive. Il aimera avec l'amour même de Dieu. Comme le dit quelque part André Gromolard, il y a de l'espérance à la fois dans l'autonomie de la personne qui montre sa dignité, et dans la reconnaissance d'une fraternité avec les autres (qui n'est pas esclavage) éclairée par une filiation au Tout Autre. Cette filiation n'est pas enfermement. Elle est amour qui m'envahit au point de me faire aimer à mon tour comme l'Autre sait aimer.


Publié dans Anthropologie

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