En marge de l'Eglise
Ils ne veulent pas demeurer à la porte de le Communauté. Ils ne veulent pas d'un regard de commisération, celui que des « bien pensant » peuvent user en demandant aux « fauteurs » de rester à la porte, hors de la vie ecclésiale pleine. Ils veulent, au contraire, après l'épreuve, communier à toute la vie de l'Eglise...
Je ne suis pas certain d'avoir parlé dans ce blogue des divorcés remariés, pourtant j'ai suscité, il y a quelques années, un débat sur ce sujet. Beaucoup de monde et une belle, mais douloureuse, participation. A la suite de cette soirée j'ai rencontré les équipes « Reliance ».
Armand Le Bougeois, alors évêque d'Autun, m'avait déjà fait réfléchir sur l'indispensable miséricorde, une miséricorde éclairée qui sait s'inscrire dans le discernement. Le remariage ne peut être assimilé à une opération laxiste. Cet article du quotidien « La Croix » qui relate du travail pastoral de Guy de Lachaux, présente admirablement le problème. J'invite particulièrement les membres de monéquipe Relianceà le lire avec attention.
L'Eglise et les divorcés, des pistes pour avancer
Depuis plus de quinze ans, le P. Guy de Lachaux , du diocèse d'Évry, s'engage pour améliorer l'accueil des personnes divorcées dans l'Église catholique. Son dernier livre en témoigne.
C'est un appel que le P. Guy de Lachaux lance à son Église. Appel que ce prêtre du diocèse d'Évry a mûri depuis plus de quinze ans en accompagnant des personnes séparées, divorcées, et divorcées
remariées. Dans son dernier ouvrage, Accueillir les divorcés. L'Évangile nous presse (1), il invite les communautés chrétiennes à se laisser toucher par la souffrance de ceux qui
traversent l'échec de leur couple.
« Le divorce pose des questions bien réelles, face auxquelles il est difficile d'accepter que les réponses actuelles soient vraiment conformes à la volonté du Christ, plaide-t-il. C'est pourquoi
il faut être réaliste : les divorcés lancent un défi à l'Église. »
Ce prêtre l'avoue avec simplicité, il a appris la « souffrance humaine » auprès des divorcés. « J'ai honte aujourd'hui de le dire, je ne pensais pas que le divorce pouvait engendrer une telle
douleur, reconnaît-il. Je crois même avoir rarement vu des gens autant souffrir. » Sans jeter la pierre à son Église, « qui a beaucoup progressé dans la prise en compte de cette question depuis
une quinzaine d'années », il pointe la « nécessité », « l'urgence » d'une mobilisation.
« Dans l'Église, nous parlons beaucoup d'accueil et nous avons raison, souligne-t-il. Mais combien de fois ai-je reçu des personnes qui disaient avoir eu l'impression de se faire éconduire. »
Méconnaissance de leur situation, gêne, discours ambigu et variable selon les diocèses et les paroisses compliquent la chose... Partageant son expérience, le P. de Lachaux propose ici un parcours
sous forme de fiches pratiques pour un accueil adapté. Chacune marque une étape dans un chemin de reconstruction : « Exprimer sa souffrance et l'apprivoiser », « Changer son regard », « Se sentir
coupable », « Lâcher prise », « Se découvrir autre », « Pardonner, se pardonner »...
Yves Lecorre, diacre chargé de l'accompagnement des personnes divorcées dans le diocèse de Nanterre
(Hauts-de-Seine), rend hommage à ce travail patient. « Guy de Lachaux est un témoin privilégié de ce que vivent les divorcés, par le nombre de rencontres et la finesse d'analyse qu'il a de ce
vécu, témoigne-t-il. En ce sens, il est différent de tous ceux qui, dans l'Église, n'ont pas encore fait ce voyage avec la douleur des gens. »
Médiateur familial de profession, ce diacre déplore que beaucoup de catholiques restent prisonniers de certaines images au sujet du divorce : « Certains ont le fantasme que le divorce est une
gâterie que l'on s'offre quand on a envie de changer de partenaire. Ce que j'entends au contraire, dans mes consultations, c'est l'incroyable processus de remise en cause et de destruction que le
divorce peut engendrer et la menace de destruction qu'il fait peser sur les personnes. »
Cette souffrance, Denis, 50 ans, l'a traversée. Après dix-huit ans de mariage, sa femme a demandé le divorce en 2002. Le couple s'est séparé l'année suivante. Il a alors entamé une lente
reconstruction, avec l'aide d'un groupe relais « Chrétiens divorcés » et Cana-Espérance. Au long de ce parcours, il a rencontré Catherine, elle aussi divorcée, qui est devenue sa compagne.
« Le ciel m'est tombé sur la tête quand j'ai appris que je ne pourrais plus, selon les règles de l'Église, approcher des sacrements parce je vivais une nouvelle union, raconte-t-il. Pourtant j'ai
beaucoup cheminé depuis mon divorce, je suis beaucoup plus croyant et pratiquant... » Cinq ans après son divorce, Denis cherche encore sa « juste place » dans la communauté chrétienne : « La
miséricorde, je la trouve auprès de Dieu. Mais auprès de l'Église ce n'est pas toujours facile... »
L'incompréhension, parfois la révolte, devant les règles canoniques, Guy de Lachaux les a entendues.
Dans son livre, il propose d'ouvrir la possibilité d'une réintégration sacramentelle des divorcés remariés. Pas de n'importe quelle manière, mais après un cheminement humain et spirituel au bout
duquel ce prêtre pense que l'on pourrait prendre « acte qu'une nouvelle union ne peut pas incarner à vie une infidélité au sacrement de mariage et donc couper de tout acte sacramentel ».
Dans le sillage de Mgr Armand Le Bourgeois et de Mgr Jean-Charles Thomas - qui a préfacé son ouvrage -, le P. de Lachaux plaide pour que la pratique de l'orthodoxie, qui n'a jamais été condamnée
du côté catholique, soit examinée. Celle-ci prévoit, sous certaines conditions, la possibilité de bénir une deuxième voire une troisième union.
Christine et Guy Point, membres de la communauté Mission de France et animateurs de son atelier de réflexion sur les divorcés, réagissent positivement à ces propositions. Pour Guy, la situation
actuelle, où l'on renvoie la personne divorcée et remariée à sa « conscience éclairée » pour décider si elle peut ou non approcher des sacrements, n'est « pas suffisante pour lever le poids de la
culpabilisation ». Christine ajoute : « Ce que nous voudrions, c'est que soit officialisé ce qui se fait aujourd'hui sous le manteau dans l'accueil des divorcés remariés. »
Pour Yves Lecorre, l'Église en viendra à de telles solutions, avec le temps. Mais la question demeure
complexe : « Les évêques sont devant un paysage de plus en plus contrasté, en tension entre d'un côté ceux qui ne veulent rien bouger et de l'autre ceux qui célèbrent des quasi-remariages.
J'admire le courage de Guy de Lachaux et sa lucidité. Il prend le risque d'aller de l'avant. Mais comment aider les évêques à faire l'unité et à exercer leur rôle de miséricorde, je ne vois pas
très bien... »
Sortir de la logique du tout ou rien semble être le désir de nombreux chrétiens. Pour Yves Lecorre, la demande des divorcés remariés a d'ailleurs, elle aussi, évolué avec le temps. « Il y a une
dizaine d'années, ils demandaient à l'Église de déclarer que leur premier mariage ne valait rien et que seul le second était le vrai. Aujourd'hui, ils lui disent : "J'ai été marié, c'est un échec
douloureux, mais ne me fermez pas la porte à une présence dans le peuple chrétien par des règles que je ne comprends pas." »
Ces propositions conduiront-elles à des débats, des échanges, voire à des changements ? Le P. Guy de Lachaux se veut confiant, « optimiste » même : « Les communautés chrétiennes sont beaucoup
plus sensibilisées à ce sujet aujourd'hui, mais l'augmentation du nombre des divorcés rend pressante l'urgence de l'accueil. »
Et de rappeler que tous les synodes diocésains ont évoqué la question des divorcés et demandé que la position catholique soit revisitée. « Les choses bougent et dans le bon sens, conclut-il.
Derrière la rigidité de façade de la hiérarchie, je sens chez les évêques une réflexion, un désir de trouver des solutions. »
(1) Éd. de l'Atelier, 160 p., 16 €.