Le choc de la décroissance
Vincent Cheynet, d'une façon ou d'une autre, souvent indirectement, s'est exprimé dans mon blogue alors que j'évoquais les sujets de la « décroissance ». Le livre que lui a demandé, je crois, Jean-Claude Guillebaud, directeur, au Seuil, de la collection : Histoire immédiate, est sorti depuis quelques jours. Je vous invite à le lire.
Il est d'autant plus agréable à découvrir qu'il se présente non comme une thèse d'universitaire, une de plus qui développerait des idées étayées par de multiples citations, mais comme un témoignage très personnel. De page en page, on entre en étroite relation avec les lectures, et découvertes que le rédacteur en chef du mensuel « La Décroissance » accomplit grâce à son métier.
La sincérité du témoin, invite admirablement au débat, ce dernier l'emportant sur une vérité qui risque de devenir vite dogmatique donc, aliénante.
Pourtant, moi qui ne suis pas issu du monde intellectuel, simple citoyen et jeune quadra, cette quête de 1'« objection de croissance» m'a permis de m'ouvrir, à force de lectures et de rencontres, pour me conduire aujourd'hui à défendre d'autres choix de société, un autre mode de vie que celui auquel nous sommes enjoints, et plus encore une certaine idée de l'homme.
Je n'ai aucune prétention à donner ici un point de vue majoritaire sur la décroissance. Mon premier engagement politique, à 20 ans, était aux jeunes démocrates sociaux. La majeure partie des « objecteurs de croissance » avec lesquels je milite sont issus de la gauche, du communisme, de l'écologie, ce sont des libertaires, des altermondialistes ou, plus rarement, des militants chrétiens. Je travaille dans ce milieu avec des « bêtes à concours », qui m'ont longtemps impressionné. Ces intellectuels ont des parcours et des origines sociales très souvent à l'opposé des miens. C'est de la pluralité que la réflexion sur la décroissance tire sa richesse.
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La participation aux élections depuis dix ans me permet de mesurer le conditionnement des journalistes qui sont les premiers publicitaires d'une tyrannie de l'économie maquillée en défense de la liberté. Les capitaines d'industrie ont quelquefois conscience du mensonge sur lequel repose leur discours. Ils l'avouent parfois en privé. Issu de la classe de la petite bourgeoisie industrieuse - mes deux grands-pères étaient chefs d'entreprise et mon père cadre supérieur dans l'industrie -, je peux en témoigner. Il est Cocasse de voir des journalistes non seulement répéter ces mensonges mais en plus les amplifier avec foi.
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Personnellement, je me sens faire pleinement partie des « sociaux-démocrates-libéraux », au sens que ces termes peuvent prendre quand ils s'opposent à la tyrannie de l'économie. N'abandonnons pas le concept de « démocrates-sociaux» (c'est-à-dire la démocratie et le socialisme) à Dominique Strauss-Kahn ou à Michel Rocard, lesquels ne doivent pas être définis comme tels mais comme des hommes politiques ayant abdiqué leur volonté d'égalité au profit d'une posture de gestionnaires du capitalisme.
Ce débat est tout sauf superficiel, car perdre sur les mots, les abandonner à son contradicteur, c'est perdre avant que d'avoir engagé le débat. C'est aussi pourquoi se laisser enfermer dans la dénomination péjorative de « décroissant » est déjà perdre avant que d'avoir commencé."
Je vous laisse à la lecture de ces 214 pages.
Vincent Cheynet, Le choc de la décroissance, L'histoire immédiate, Seuil, avril 2008.