5 - L'art et la beauté
(présenté par moi-même)
colloque : l'homme dans l'art actuel, lieu de la révélation, octobre 2003
L'œuvre artistique peut nous montrer la transcendance sans pour autant reprendre les schémas platoniciens.
A partir des observations relatives au figuratif et à l'abstrait, je demande d'abord si le spirituel ne peut être représenté que dans le figuratif acceptable parce que communément vu ?
Je constate aussi que les artistes actuels expriment très souvent la désespérance.
Dans une première analyse dégageons quels sont les critères du beau.
Deux numéros de la revue du Chemin Neuf ont été consacrés au beau. On y estime que le beau s'insère dans une dimension objective : les croyants considèrent le beau à travers la grille de Dieu ; là où il n'y a plus Dieu, il n'y a plus d'homme ; c'est la découverte la plus dramatique de notre temps.
Fusaro, St Jacques des Adrets, Rhône, peinture dans l'abside
Au contraire, le beau est le symbole du bien moral, d'après Kant.
Par la voie de la beauté, l'Evangile, qui lance le combat contre le mal et le péché, peut être annoncé.
A nous chrétiens de faire comprendre que la Bonne Nouvelle apportée par Jésus Christ permet d'effacer 1es laideurs qui peuvent envahir le monde, pour y faire germer autant de beautés spirituelles, sociales et culturelles qui ne peuvent que réjouir les cœurs et porter chacun sur le chemin de la paix.
Ce langage n'est-il pas celui communément développé dans la communauté croyante ?
Le bien est beau.
Qu'il soit physique, moral ou intellectuel, le beau est le reflet de celui qui en est la source. Par définition, le beau est le reflet d'une réalité cachée, il renvoie au-delà de lui-même, au-delà du regard et de la sensibilité.
Le beau fut aussi évoqué dès l'Antiquité ; chez Platon le beau, le vrai se trouvent dans les hauteurs : le transcendant. Cette conception est largement reprise par Suger, le bâtisseur de Saint-Denis. : l'édifice doit capter la lumière venue du ciel. Les rosaces, les vitraux, les ouvertures sont ici pour apporter la lumière divine à notre obscurité terrestre.
Notre perception de l'Art a été fortement influencée par ces idées. La vérité qui vient d'en haut est une vérité hiérarchisée. Dans la société civile, le prince, placé au plus haut de la hiérarchie humaine va recevoir la lumière, la vérité et va réfracter et répandre cette vérité.
Certes l'homme est façonné de transcendance : faut-il, pour autant, en accepter la conception platonicienne ?
En 1996. au cours d'un précédent colloque, il a été démontré que l'art actuel a évacué la transcendance au profit du réel qui apporte aussi une émotion très forte.
L'art contemporain se veut dénué de transcendance.
Parler de la beauté, c'est se placer personnellement devant une œuvre ou devant la Création : la beauté en soi n'existe pas, on ne peut parler de beauté qu'à partir de l'émotion.
Beauté ambiguë puisqu'elle peut être belle pour moi, mais pas pour autrui. Ambiguïté aussi, car si je trouve un désert superbement beau, il peut aussi être superbement dangereux. La beauté liée à l'émotion me fait vibrer ; ce que je trouve beau peut ne pas l'être pour d'autres. Le beau est donc éminemment subjectif.
Le beau en soi n'existe pas, il n'y a donc pas de critères qui permettent de définir ce qui est beau ou ce qui ne l'est pas, alors que dans une perspective remontant à l'Antiquité, le beau serait préexistant au monde.
Touché au plus profondément de moi-même ce que me montre l'artiste sera, moyennant ma libre participation, vu comme beau et pourra engendrer une manière différente de vivre. L'art contemporain relève de cette perspective. Tel était déjà le but de l'art au Moyen Age dans la réalisation du bestiaire : ce n'est pas pour faire prier que sont représentés des monstres, mais pour stimuler, provoquer un changement dans la manière d'être. Inviter à la conversion.
L'art ne peut donc pas se réduire à ce qui fait prier. Quand un commanditaire demande de réaliser une œuvre susceptible de faire prier, il se situe dans le domaine de l'art idéalisé. L'icône relève d'une conception platonicienne, idéalisée, développée dans le cadre d'une théologie orientale, mais pas dans le cadre d'une théologie occidentale qui cherche plutôt à atteindre la réalité, voire la transfigurer, dégager sa sublimation, sa transcendance. L'œuvre artistique peut nous montrer la transcendance sans pour autant reprendre les schémas platoniciens.