6 - La Chair espace de révélation - 1
présenté par Robert Beauvery
L'homme dans l'art actuel, lieu de la révélation, colloque octobre 2003
Le dernier numéro de la revue Communion (juillet-août 2003) sert de point de départ. Dans celui-ci, il y a une réflexion sur l'image aujourd'hui. Prendre aussi Catherine Grenier, Conservateur au musée Pompidou, et François Cheng, sociétaire de l'Académie Française ; ce sont des points d'appui pour R. Beauvery.
1- il y a avant tout l'art
Il est essentiel de distinguer un art confessionnel au service d'une foi ou d'une liturgie, de l'Art à dimension anthropologique. Certains refusent le terme d'art chrétien au profit de l'expression iconographie chrétienne. L'art est en effet au-delà des catégories réductrices comme « chrétien ». Si l'expression réalisée est digne de l'homme, c'est de l'Art.
Si aujourd'hui, Dieu ou la transcendance n'existent plus, l'homme ne peut pas faire œuvre d'artiste, affirment certains. R. Beauvery estime au contraire que tant qu'il y aura des hommes sur la Planète, quelles que soient leur situation, leur déchirure, Dieu est là.
œuvre d'Evaristo
Dans la Bible il y a de faux prophètes et de vrais prophètes ; dans l'Art contemporain, il y a de faux artistes et de vrais artistes. N'est pas artiste celui qui se proclame tel et actuel.
Selon François Cheng, le véritable artiste est capable de se révéler à lui-même et capable de se révéler aux autres, d'entrer en communion avec les autres. Dans toute œuvre artistique, il y a une dimension universelle, au-delà de la dimension actuelle, de la mode ; et au-delà de cette universalité, il y a une ouverture à la transcendance, à laquelle certains d'entre nous croient.
Dans toute l'histoire de l'art : de l'art pariétal à nous, il y a des symboles ; car dans l'art il y a une dimension thérapeutique ou d'exorcisme. Les animaux, les Saints guérisseurs, le sang. Il a une valeur apothropaïpe : il peut chasser les mauvais esprits, les différentes calamités qui peuvent tomber sur l'homme.
L'art qui a une vision pessimiste, est-ce encore de l'art ? Songez à l'Ecclésiaste, dont la philosophie est celle de l'absurde. On n'a donc pas le droit de sélectionner les paroles : les bonnes et les autres.
C'est la Chair qui révèle Dieu, la Chair prise au sens hébraïque du terme qui comporte tout l'homme. La Chair est créature de Dieu : elle est belle, elle est bonne. Il y a une beauté objective dans la Chair. Cette œuvre a été choisie par Dieu pour y introduire un souffle qui va distinguer cette œuvre de toutes les autres œuvres créées.
Elles ont des pieds, elles ont des mains, elles ont des oreilles, elles ont des yeux, des lèvres, une bouche : mais elles ne marchent pas, elles ne fabriquent pas, elles n'entendent pas, elles ne voient pas, elles ne sourient pas, elles ne parlent pas : les idoles.
Avec des burins, des scies, des marteaux, des gouges, des polissoirs, aux mains affinées d'artistes, elles sont extraites de la pierre, du bois, de l'argent, de l'or : les idoles. Aussi belles et attrayantes, aussi trompeuses et décevantes que l'était la pomme du paradis, elles sont vides de toute vie organique, elles sont inertes, incapables de renvoi efficace aux divinités qu'elles sont censées représenter : les idoles. Il a des pieds, il a des mains, des oreilles, des lèvres, une bouche : l'homme. Il marche, il travaille, il entend, il sourit, il parle : l'homme. Aucun outil manufacturé pour le réaliser, c'est la main divine de Dieu dans un récit mythique qui l'a modulé avec une intention infinie, puissante, bonne, à partir d'une poignée de terre. Elle est mythique cette poignée de terre, mais elle est chargée d'une très grande signification. Il y a chez moi, chez vous, une part de terrosité et c'est cette terrosité qui fait partie de la révélation de Dieu. Ne pas vouloir voir l'homme détruit, déchiré ou inconstant, une société bancale comme celle que décrit Paul dans l'épître aux Romains au chapitre l, c'est nier cette intention de Dieu de faire habiter son souffle dans de la terre, cette part de terrosité comprise en tout homme.
En lui, par la situation du souffle divin. la Chair vivante, à l'origine belle, bonne, féconde, c'est l'homme ; et c'est lui dans ses composés qui va me révéler Dieu depuis Adam jusqu'à la fin du dernier homme. L'artiste là-dedans, s'il me dit quelque chose de vrai me dit nécessairement quelque chose de Dieu. En théologie, on considère qu'une vérité qui est reçue dans l'espace géographique assez large, qui est reçue dans une période d'histoire assez prolongée, c'est un lieu théologique, une révélation divine. Aujourd'hui et surtout à partir des tableaux du 20° siècle, la création artistique dans les conditions de réussite décrites par la fameuse lettre (de Jean-Paul II aux artistes -1999) à laquelle il était fait allusion tout à l'heure et maintenant par des théologiens, est considérée comme un espace de révélation, pas l'icône, l'image.