8 - La création artistique, continuation de la création ? - 2

Publié le par Michel Durand

2 - L'homme souffrant, image de la condition humaine après Auschwitz
Présenté par Danielle Fouilloux, colloque octobre 2003, "L'homme dans l'art actuel, lieu de la révélation".

Ce type de représentation n'est pas né bien sûr avec la dernière guerre mondiale. Mais les découvertes macabres de 1945 ont pratiquement interrompu chez bon nombre d'artistes la recherche de la beauté idéale.

Des peintures de Zoran Music, rescapé des camps, aux Pietà modernes de femmes pleurant leurs morts après un tremblement de terre, la douleur, témoignant de la perte d'un proche (Lyon Colloque Corps et visages à la Faculté catholique en 2001), est évoquée par des silhouettes, des transparences. Il y a volonté d'exprimer la souffrance personnelle, comme le caractère universel de la condition humaine et de la chute.
Si l'artiste ne s'apitoie pas, il cherche la beauté, la grandeur dans tout spectacle humain : « L'art de la peinture, c'est l'art de rendre à la dignité de l'homme tout être humain, quels que soient son état, ses traits, son apparence » (Jean Clair).
Zoran Music, déporté à Dachau en 1944, dessinait clandestinement les victimes auxquelles il conférait beauté tragique et dignité jusque dans la mort, les sauvant de l'oubli.

De même Jean Fautrier a peint la série des otages : la pâte humaine, épaisse, laisse transpirer la tragédie.

Anselm Kiefer, dans Fleur de cendre, évoque un poème de Paul Celan sur les disparus des camps : la cendre qui tombe sur 1'homme provient des fours crématoires. La fleur de tournesol. brûlée, n'est plus le symbole de la nature que l'artiste allemand, installé dans le Gard, affectionne.

Les peintres cherchent moins à indiquer les traits précis, il y a la photographie pour cela, qu'à faire percevoir le mystère de l'existence, de la conscience de soi, jusqu'à la souffrance et la mort.

Francis Bacon dans son Autoportrait brouille les traits d'un coup de chiffon : que reste-t-il de la personne quand on a jeté la confusion sur le visage ?

Mark Quinn : avec Peter Hull, le sculpteur anglais réalise en marbre blanc, matériau noble par excellence, la statue d'un homme aux membres atrophiés, auquel il confère ainsi une dignité égale à celle des plus beaux modèles.

Andrès Serrano Child abuse est une photographie prise à la morgue : l'artiste s'est confronté à ses propres peurs, en photographiant des SDF, des malades, des cadavres. Il n'y a pas de voyeurisme. mais un grand respect de ses sujets. Il cherche à rendre la dignité à ses sujets, à dégager la beauté, la lumière qu'ils portaient en eux, même si leur existence a été brutalement interrompue. Mgr Rouet et les autres évêques de la Commission Arts Culture et Foi, l'ont rencontré dans son atelier aux E.U. (G. Brownstone-Mgr Rouet L'Eglise et l'art d'avant-garde. Albin Michel 2002)

Patrice Giorda , peintre lyonnais, a travaillé avec des prisonniers, dont il peint le visage, sans ajouter de pathos, essayant simplement de trouver leur vérité. (Salvatore 1992)

Raoul Mamedov a réalisé La Cène 1998.
Montrée dans l'exposition sur les images photographiques du Christ l'an dernier, elle a fait scandale : cependant les trois trisomiques qui posent ne sont pas des étrangers pour l'artiste qui les connaît depuis longtemps, ayant travaillé en atelier avec eux. Ce n'est pas du voyeurisme, mais une façon de rappeler la dignité de tout être humain, quel que soit son handicap : le Christ est venu appeler les pauvres, les malades, les estropiés.

Ces œuvres peuvent choquer car elles semblent refuser le but communément admis de l'art : la recherche de la beauté parfaite et du bonheur. Mais on peut considérer que l'attention à la souffrance est une qualité chrétienne, que celle-ci fait partie de la création, comme le sens de la croix. C'est le sens de l'analyse de Catherine Grenier, conservateur au M.N.A.M. dans son ouvrage : L'Art contemporain est-il chrétien ? Ed. J Chambon, 2003.

 

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