"pauvres prêtres qui doivent se prendre la tête dans les mains"
La ministre de la Santé Roselyne Bachelot s'est déclarée "absolument catastrophée" par les propos "totalement irresponsables" du pape Benoît XVI, selon lequel l'utilisation du préservatif pourrait aggraver le problème du SIDA, mais aussi de sa collègue du Logement Christine Boutin.
"Je suis absolument catastrophée devant des propos totalement irresponsables. Il n'y a qu'une seule prévention, c'est le préservatif", a-t-elle protesté au micro de RTL. Le pape a, selon elle, "proféré une monstrueuse contre-vérité scientifique en disant que l'usage du préservatif était à l'origine de la propagation de l'épidémie de SIDA".
"C'est évidemment un mauvais coup en terme de santé publique mais aussi pour la santé des femmes parce qu'en Afrique, les femmes ont beaucoup de mal à faire accepter le préservatif qui pourrait les protéger", a-t-elle ajouté.
Dans l'avion qui le conduisait mardi au Cameroun pour sa première visite pontificale en Afrique, Benoît XVI a déclaré que les préservatifs n'étaient pas la solution pour lutter contre la pandémie de SIDA qui ravage le continent. "Vous ne pouvez pas" combattre cette maladie "avec la distribution de préservatifs", a-t-il déclaré à des journalistes. "Au contraire, cela aggrave le problème."
Roselyne Bachelot a également dénoncé la prise de position de Christine Boutin, qui, minimisant les propos du pape, a estimé sur les mêmes ondes que "ce n'est pas drôle de mettre le préservatif quand on fait l'amour".
"Je pense que cette réflexion est elle aussi irresponsable", a-t-elle lancé à l'adresse de sa collègue du Logement. "Je ne sais pas si c'est 'pas drôle de mettre un préservatif quand on fait l'amour' mais je sais que c'est absolument dramatique d'être contaminé par le virus du SIDA." AP
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Le pape surprend (c’est un euphémisme !) en parlant du sida. Déjà, il y a quelques jours, le Vatican avait surpris en soutenant le cardinal brésilien qui avait excommunié une petite fille de 9 ans, parce qu’elle avait avorté après avoir été violée par son beau père. Avant, il y avait eu l’affaire Williamson, cet évêque anglais négationniste. L'édito politique sur ce sujet avait évoqué le mythe de l’infaillibilité du pape. Plusieurs auditeurs avisés avaient alors envoyé des mails pour rappeler que l’infaillibilité du pape n’était, en réalité, invoquée que dans des cas très précis répondant à des critères qui ne seront pas développés ici. Et de fait, toutes ces démonstrations savantes sur la limitation de la fameuse infaillibilité papale sont confirmées par les dernières déclarations de Benoit XVI : plus de doute, le pape est faillible puisqu'il peut dire n’importe quoi. Le pape dit n’importe quoi sur le sida et ce n’est pas une opinion, c’est un constat. Benoit XVI fait une erreur d’analyse grossière. Reprenons ces propos exacts, tenus dans l’avion hier entre Rome et Yaoundé au Cameroun. Parlant de l’épidémie du sida, il dit « on ne peut pas la résoudre avec la distribution de préservatifs », puis il ajoute « cela accroît le problème ». À la limite, qu’il estime que l’on ne peut pas résoudre le problème du sida que par le préservatif, bon ! Mais qu’il ajoute que la distribution de préservatifs accroît le problème, ça va à l’encontre de près de 25 ans d’expérience de tous ceux qui luttent contre le sida en Afrique et dans le monde.
Mais en prônant l’abstinence et la fidélité, le pape n’est-il pas dans son rôle ? C’est ce que l'on dit toujours et de fait, c’est la doctrine de l’église
et il n’est pas question de le lui reprocher. D’ailleurs, Jean-Paul II s’était contenté de prôner l’abstinence. Benoît XVI, lui, prône, non pas l’abstinence et la fidélité pour des raisons
morales ou spirituelles, mais pour des raisons médicales puisqu’il a aussi prononcé cette phrase hallucinante : « seul un renouveau spirituel permettra de combattre le fléau ». Toutes les
études de ceux qui luttent contre le virus ont abouti au constat que les campagnes, religieuses ou non, visant à promouvoir l’abstinence ou la fidélité, n’ont pas eu d’effet du tout sur la
propagation du sida. Alors soit il s’agit d’une incroyable inculture papale, soit nous avons à faire à un aveuglement quasiment aussi dogmatique que lors du procès contre Galilée. Benoit XVI
nous refait le coup de la terre plate ! Heureusement, la très grande majorité des prêtres et des religieuses, pétris de foi et d'humanité qui, œuvrent sur le terrain, en Afrique, n’écoutent pas
le chef de leur église. Sœur Emmanuelle, qui était très loin des ors du Vatican, avouait même avec un large sourire et un haussement d’épaule, qu’elle avait des préservatifs plein les poches et
les distribuait à tour de bras. Elle a sauvé des vies là où le pape en met en danger. L’église qui s’est déjà repentie ou reconnaît ses erreurs pour le procès de Galilée, pour l’esclavage, ou
pour la passivité et le silence du Vatican pendant le génocide des juifs, devra peut-être, un jour, par la voix d’un pape (un autre pape) faire repentance pour les positions de Benoit XVI, qui
aura fait croire que seul un renouveau spirituel peut prévenir le sida. Enfin, ayons une petite pensée pour les pauvres prêtres de France qui doivent se prendre la tête dans les mains en se
demandant ce qu’ils vont bien pouvoir répondre à leurs fidèles, dimanche prochain, à propos de la dernière énormité papale.