Il va mourir cet homme. Les chacals le mangeront

Publié le par Michel Durand

Février 2009. Je me trouve sur le plateau (tassili) N'Ajjer, en compagnie de Baba, mon guide. Sa présence est indispensable tant il est complexe de marcher dans cet espace d'éboulement rocheux. Les traces des hommes et des ânes qui se perçoivent sans aucune ambiguïté à chaque fois que du sable se mélange aux pierres, en terrain plat, disparaissent complètement sur les rochers pentus.

Nous nous trouvons dans la passe Akba Tafilalet. Un Africain (c'est ainsi que les gens de Djanet appellent les subSahariens) monte seul. Sur sa tête son bagage : un sac de plastique jaune de petite taille. À la main, un litre d'eau. Aux pieds, étrange pour la région, des pantoufles d'appartement.

J'ai dit « africain » parce que son visage, n'est pas celui des hommes du Sahara que l'on pourrait comparé aux ancêtres nilotiques, mais celui des « noirs » du sud du Sahara. Il ne parle ni le tamacheq, la langue des Touaregs, ni l'arabe, ne le français. Je regrette de ne pas avoir essayé l'anglais. « Il doit être Bambara, suggère Baba. Il ne comprend rien ! »

Je pense qu'il ne voulait pas comprendre. Aucun dialogue d'avertissement ne semblait pouvoir atteindre son visage mi fermé, mi-hagard, mi-inquiet. Par ses gestes il nous signifiait qu'il retournait à Djanet. En fait, nous le vîmes continuer à s'engager sur le plateau en direction de la Libye.

« Encore un Nigérien ou un Malien du sud qui veut rejoindre le nord de l'Afrique, puis l'Europe en passant par la Libye. Ils sont trop nombreux à courir ce risque ! » Voilà ce que j'ai compris de ce dialogue impossible. « Sur le sentier qui mène à la frontière libyenne, il n'y a pas d'eau, sinon dans quelques gueltas qu'il faut connaître. Un récipient avec une corde est en plus nécessaire, car souvent il est impossible de s'approcher de l'eau. Vous n'avez rien de tout ça ».



« Sur le plateau, il fait très froid la nuit. Il y a beaucoup de vent. Où est votre couverture pour vous protéger ? Sans eau, dans, le froid, vous allez mourir. Vous allez servir de nourriture aux chacals. La frontière est à quatre jours de marche. Sans eau, sans nourriture, vous ne pouvez pas tenir. Votre mort est certain ».

Nous espérions que l'homme rebrousserait chemin. Nous retournions souvent la tête pour l'apercevoir. Il continua sa route vers la Libye.

 



Publié dans Politique

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