Misère de l'art social et religieux
Une récente conversation m’a, une fois de plus, incité à me poser la question de la qualité et de l’audace de la création artistique. Avons-nous besoin de créations pour transmettre les sentiments personnels les plus profonds ou devons-nous privilégier la transmission d’un dogme, d’une idée ?
Mon interlocuteur voulait me faire comprendre qu’au lieu de dire son ressenti personnel, l’artiste devait transmettre au plus grand nombre une pensée, un message. L’art est au service d’une vérité qui nous dépasse. S’il n’exprime que des états d’âme individuels, il sombre dans l’art pour l’art que personne ne comprend et dont on n’a pas besoin car il n’est réellement perçu que par son seul auteur.
L’art doit être populaire avec pour but de servir la Vérité.
Idéologie
Que cette vérité soit du côté des Empereurs ou des révolutionnaires, que de dogmatisme !
A la fin du XIXe siècle, des groupes de jeunes artistes veulent faire de l'art social, de l'art pour le peuple, afin de lui donner le goût de la révolte et l'inciter à l'émancipation. Une minorité agissante publie une revue, organise spectacles de théâtre, des conférences dans un souci didactique. Ils pratiquent l'agitation, l'action directe artistique et syndicale en refusant la violence des bombes qui à la même époque sont l'autre manifestation de l'anarchisme. Ce mode d’expression n’est pas très éloigné de l’art de catéchisme que pratique les catholiques soutenus (avant 1873) par Napoléon III. Convictions différentes, mais pédagogie semblable et identique pauvreté de l’art.
Réfléchissant sur cette conversation, je me suis donc tourné vers ce que l’on appelait au début du XXe l’art social auquel se rapproche, encore aujourd’hui, l’art religieux. L’art d’Eglise, ou art religieux, n’est-il pas au service d’une hiérarchie qui veut imposer ses enseignements comme l’art soviétique était au service d’un travail utopique ?
Le jésuite Nadal (XVIe s) dans son ouvrage de gravures sur les évangiles n’offre pas au lecteurs une vision simpliste du mystère de l’incarnation. Il développe ses dessins en les articulant en séquences. L’image est complexe et demande une lecture approfondie plus qu’un simple et rapide regard. D’une manière générale du reste, une peinture se lit plus qu’elle de se voit.
Art social et (ou) Art religieux
C’est l’avènement des moyens de reproduction qui a appauvri le contenu de l’image.
Entre 1890 et 1910, à l'époque de l'Art nouveau, est née l’idée de rendre l'art accessible à un large public afin d'embellir la vie quotidienne et d'améliorer la moralité de la société. Vers 1925, les techniques industrielles ayant évolué, une mécanisation de la production abaisse considérablement les coûts de reproduction. On se réjouit de ce que le plus grand nombre puisse accéder à des expressions plastiques à bas prix.
Mais, il fallait céder aux exigences techniques. La création devenait moins originale. Elle devait largement plaire au consommateur moyen. Autrement dit, la créativité de l'artiste et de l'artisan cédait le pas à la rentabilité.
Être rentable pour que l’idée de base soit largement diffusée :
pour l’Eglise, son catéchisme officiel, la Vérité de Dieu non discutable
pour le mouvement social, la volonté de s'engager dans les luttes menées alors par les travailleurs.
Conclure ?
Pourquoi cette réflexion ? Elle est le résultat, non d’une certitude, mais d’une crainte. Celle que l’art employé notamment dans les Eglises (pensons à la pauvreté de certaines musiques liturgiques et au faible désir d’exposer des œuvres d’art actuel de qualité – les pseudos icônes envahissent le champ) se fasse plus au service d’un dogme, d’une idée (idéologie totalitaire) que d’un vécu humain : le témoignage d’un homme marqué par une expérience spirituelle profonde.
Je m’exprime plus simplement en disant que l’art, musique ou art plastique, ne peut être considéré comme valable que quand il sert une doctrine : défense d’un peuple, d’une dictature (art social), ou défense d’une théologie (art d’Eglise). Il y a connivence entre art social et art religieux.
Pour combattre cette crainte je ne vois que la mise en place d’Instituts et le financement d’œuvres artistiques qui soutiennent la liberté et la qualité de la création dans le risque de l’inconnu.
Propice à alimenter un débat, je note, dans l’Encyplodia universalis, sous la plume (virtuelle) d’Andrzej TUROWSKI, professeur associé en histoire de l'art contemporain à l'Université Blaise Pascal à Clermont-Ferrand :
« La montée du nazisme eut pour effet de radicaliser dans les programmes artistiques les prises de positions politiques de gauche. L'intérêt pour l'art réaliste, totalement étranger au constructivisme, se fit sentir. Il était influencé par « l'art de fait » venu de l'Est, (un art en prise directe avec la réalité, par exemple le reportage en photographie ou en littérature), par l'art social venu de l'Ouest, ainsi que par l'attention portée à l'art surréaliste dont la renommée était devenue internationale. Le constructivisme, fondé sur la forme abstraite et géométrique, suscita la révolte d'une nouvelle génération d'artistes qui lui reprochaient son faible impact politique et son caractère décoratif. Dans le contexte de la culture de masse, la stylisation avant-gardiste de la dernière décennie s'était transformée en « art déco », typique des années 1930, qui s'exprima dans la forme décorative des revues populaires, dans le décor architectural et dans les objets usuels ».
Mon interlocuteur voulait me faire comprendre qu’au lieu de dire son ressenti personnel, l’artiste devait transmettre au plus grand nombre une pensée, un message. L’art est au service d’une vérité qui nous dépasse. S’il n’exprime que des états d’âme individuels, il sombre dans l’art pour l’art que personne ne comprend et dont on n’a pas besoin car il n’est réellement perçu que par son seul auteur.
L’art doit être populaire avec pour but de servir la Vérité.

Idéologie
Que cette vérité soit du côté des Empereurs ou des révolutionnaires, que de dogmatisme !
A la fin du XIXe siècle, des groupes de jeunes artistes veulent faire de l'art social, de l'art pour le peuple, afin de lui donner le goût de la révolte et l'inciter à l'émancipation. Une minorité agissante publie une revue, organise spectacles de théâtre, des conférences dans un souci didactique. Ils pratiquent l'agitation, l'action directe artistique et syndicale en refusant la violence des bombes qui à la même époque sont l'autre manifestation de l'anarchisme. Ce mode d’expression n’est pas très éloigné de l’art de catéchisme que pratique les catholiques soutenus (avant 1873) par Napoléon III. Convictions différentes, mais pédagogie semblable et identique pauvreté de l’art.
Réfléchissant sur cette conversation, je me suis donc tourné vers ce que l’on appelait au début du XXe l’art social auquel se rapproche, encore aujourd’hui, l’art religieux. L’art d’Eglise, ou art religieux, n’est-il pas au service d’une hiérarchie qui veut imposer ses enseignements comme l’art soviétique était au service d’un travail utopique ?
Le jésuite Nadal (XVIe s) dans son ouvrage de gravures sur les évangiles n’offre pas au lecteurs une vision simpliste du mystère de l’incarnation. Il développe ses dessins en les articulant en séquences. L’image est complexe et demande une lecture approfondie plus qu’un simple et rapide regard. D’une manière générale du reste, une peinture se lit plus qu’elle de se voit.
Art social et (ou) Art religieux
C’est l’avènement des moyens de reproduction qui a appauvri le contenu de l’image.

Entre 1890 et 1910, à l'époque de l'Art nouveau, est née l’idée de rendre l'art accessible à un large public afin d'embellir la vie quotidienne et d'améliorer la moralité de la société. Vers 1925, les techniques industrielles ayant évolué, une mécanisation de la production abaisse considérablement les coûts de reproduction. On se réjouit de ce que le plus grand nombre puisse accéder à des expressions plastiques à bas prix.
Mais, il fallait céder aux exigences techniques. La création devenait moins originale. Elle devait largement plaire au consommateur moyen. Autrement dit, la créativité de l'artiste et de l'artisan cédait le pas à la rentabilité.
Être rentable pour que l’idée de base soit largement diffusée :
pour l’Eglise, son catéchisme officiel, la Vérité de Dieu non discutable
pour le mouvement social, la volonté de s'engager dans les luttes menées alors par les travailleurs.
Conclure ?
Pourquoi cette réflexion ? Elle est le résultat, non d’une certitude, mais d’une crainte. Celle que l’art employé notamment dans les Eglises (pensons à la pauvreté de certaines musiques liturgiques et au faible désir d’exposer des œuvres d’art actuel de qualité – les pseudos icônes envahissent le champ) se fasse plus au service d’un dogme, d’une idée (idéologie totalitaire) que d’un vécu humain : le témoignage d’un homme marqué par une expérience spirituelle profonde.
Je m’exprime plus simplement en disant que l’art, musique ou art plastique, ne peut être considéré comme valable que quand il sert une doctrine : défense d’un peuple, d’une dictature (art social), ou défense d’une théologie (art d’Eglise). Il y a connivence entre art social et art religieux.
Pour combattre cette crainte je ne vois que la mise en place d’Instituts et le financement d’œuvres artistiques qui soutiennent la liberté et la qualité de la création dans le risque de l’inconnu.
Propice à alimenter un débat, je note, dans l’Encyplodia universalis, sous la plume (virtuelle) d’Andrzej TUROWSKI, professeur associé en histoire de l'art contemporain à l'Université Blaise Pascal à Clermont-Ferrand :
« La montée du nazisme eut pour effet de radicaliser dans les programmes artistiques les prises de positions politiques de gauche. L'intérêt pour l'art réaliste, totalement étranger au constructivisme, se fit sentir. Il était influencé par « l'art de fait » venu de l'Est, (un art en prise directe avec la réalité, par exemple le reportage en photographie ou en littérature), par l'art social venu de l'Ouest, ainsi que par l'attention portée à l'art surréaliste dont la renommée était devenue internationale. Le constructivisme, fondé sur la forme abstraite et géométrique, suscita la révolte d'une nouvelle génération d'artistes qui lui reprochaient son faible impact politique et son caractère décoratif. Dans le contexte de la culture de masse, la stylisation avant-gardiste de la dernière décennie s'était transformée en « art déco », typique des années 1930, qui s'exprima dans la forme décorative des revues populaires, dans le décor architectural et dans les objets usuels ».