Dieu est "criminophobe" et non criminogène.

Publié le par Michel Durand

Avec ces expressions étranges, je reprends le développement de la pensée de Pierre Régnier publiée ici même le 31 mai 2007. Bien que n’étant pas en accord avec sa lecture du fait religieux, j’ai trouvé opportun d’aller dans son désir pour la seule raison qu’elle reflète l’opinion de beaucoup. Désormais, à chaque fois qu’un fanatique tue au nom de l’islam (et cela arrive désormais tous les jours) on attaque indistinctement tout enseignement religieux. Agissant ainsi on ignore l’exacte étude de Dieu (théologie).
Sans polémiquer, je souhaite donner quelques éclairages à partir de la Bible et de la théologie chrétienne catholique. Comme je l’ai déjà indiqué, je laisse aux tenants des autres courants religieux la tâche de donner leur avis.

Dieu est autre que ce que j'en dis.
Il faut toujours distinguer la réalité de Dieu et la réalité religieuse. Une théologie "négative" a son intérêt.
Dieu, dont ne peut donner une définition, l’indicible, n’est dans sa réalité qu’approcher par les hommes. Ce que ceux-ci en disent est plus faux que vrai. Ainsi quand j’annonce que Dieu est amour, je dois en même temps nier qu’il est amour. Car l’Amour dont il est question à propos de Dieu est totalement autre que l’amour vécu à l’échelle humaine. De l’absolu de l’Amour, l’homme ne peut qu’avoir une parole bien pauvre. Peut-on même dire que Dieu existe ? En effet, si j’affirme cette existence, ne vais-je pas la concevoir avec mes propres façons d’exister ? Ce ne pourra être que faut, car Dieu existe bien autrement que j’existe.

Peut-on dire que Dieu est tout puissant ?  
Emile Granger, quelques années avant sa mort, dans la ligne de son ouvrage : « le croyant à l’épreuve de la psychanalyse » (édition du cerf, 1980) m’a convaincu de la non puissance de Dieu. Il présentait devant un groupe d’étudiants son livre « il m’appelle le vieux ». Voilà en substance sa pensée. Que peut-on savoir de Dieu ? Rien qui ne passe par l’acte de foi. Et cette foi, en son extrême, ne peut qu’être celle de Jésus vivant, au plus noir du vendredi saint,  l’abandon le plus violent qui soit : « Mon Dieu pourquoi m’as-tu abandonné ? » Dieu non tout puissant, mais aimant. Je vous invite, à ce propos, à vous rendre sur le site de H. Aslafy, qui offre un beau témoignage sur Emile Granger.
Donc de Dieu, nous ne pouvons rien dire de certain. Devons-nous pour autant garder le silence ? Certes non. Car, la poésie, l’art, la littérature, le jeu des symboles etc… offrent une approche appréciable du mystère de Dieu. Utilisons les avec prudence, sans dogmatisme, mais toujours avec un esprit de recherche. L’usage du doute, pas à pas, nous rapproche de la Vérité. Surtout, comme je l’ai laissé entendre dans mon introduction au texte de Pierre Régnier, gardons une relative distance avec les multiples genres littéraires qui ont contribué à la rédaction de la Bible. C’est une non approche de ce côté relatif du texte qui invite P. Régnier à voir en Dieu un criminogène. L’intime pensée du Divin n’est en rien ce que les hommes en disent. Ce n’est qu’à partir du vécu de ceux-ci, se détachant de la situation particulière, que l’on peut espérer entrevoir l’âme de Dieu.

Passages bibliques
Je ne peux aucunement déduire du livre de Josué que Dieu enseigne le crime même si je lis : « On sonna de la trompette ; dès que le peuple l'entendit, il poussa un formidable cri de guerre et les murailles s'écroulèrent. Aussitôt, les Israélites montèrent à l'assaut de la ville, chacun droit devant soi, et ils s'en emparèrent. 21 Ils exterminèrent la population de la ville, hommes et femmes, jeunes et vieux. Ils tuèrent même les boeufs, les moutons et les ânes (Josué, 6, 20-21).

Des textes moins historiques, apportent une tout autre idée de Dieu. Même si nous les connaissons, il est bon de les relire. Je ne cite que quelques exemples.
Deut 5 17-20 ; Ex 20, 12-16
« Tu ne commettras pas de meurtre.
« Tu ne commettras pas d'adultère.
« Tu ne commettras pas de vol.
« Tu ne prononceras pas de faux témoignage contre ton prochain.

Dans le texte juridique suivant, nous ne pouvons pas oublier que la loi du talion était un progrès par rapport à une vengeance disproportionnée. Cette perception de l’organisation  de la vie sociale s’est constamment améliorée au cours des siècles, aussi nous ne pouvons lire ce type de lois sans les replacer dans leurs contextes.

Ex 21, 12-17
« Celui qui frappe et tue un être humain doit être mis à mort. Toutefois s'il n'y a pas eu de guet-apens, s'il s'agit d'un accident que Dieu n'a pas empêché, l'auteur de l'accident pourra se réfugier dans un endroit que je (Moïse) vous indiquerai. Par contre, si dans un geste de haine un homme en tue un autre, par ruse, vous l'arrêterez pour le mettre à mort, même s'il s'est réfugié près de mon autel.
« Celui qui frappe son père ou sa mère doit être mis à mort.
« Celui qui enlève une personne doit être mis à mort, qu'il ait vendu sa victime ou qu'on la trouve encore chez lui.
« Celui qui maudit son père ou sa mère doit être mis à mort. »

Les Prophètes
Et surtout, n’arrêtons pas la lecture de la Bible aux textes les plus anciens. Les prophètes ont une tout autre approche. Ainsi : Isaïe 2, 2-5
« Un jour viendra — et ce sera définitif —
où la montagne du temple
se dressera au-dessus des collines,
plus haut que les autres montagnes.
Alors toutes les nations
afflueront vers elle. Beaucoup de peuples s'y rendront ;
ils diront : « En route ! Montons
à la montagne du Seigneur,
à la maison du Dieu de Jacob.
Il nous enseignera
ce qu'il attend de nous,
et nous suivrons
le chemin qu'il nous trace.»
 En effet, c'est de Sion
 que vient l'enseignement du Seigneur,
c'est de Jérusalem
que nous parvient sa parole. Il rendra son jugement entre les nations,
 il sera un arbitre pour tous les peuples.
De leurs épées, ils forgeront des pioches,
et de leurs lances, ils feront des faucilles.
Il n'y aura plus d'agression
d'une nation contre une autre,
on ne s'exercera plus à la guerre. Vous, les descendants de Jacob,
en route ! Marchons ensemble
dans la lumière du Seigneur.
Je ne veux pas tous les citer car ils sont trop nombreux et celui-ci est tellement éloquent.

Jésus
Il faut quand même signaler la prise de parole du Christ. Ce qu’il dit n’est pas facile à accepter même par un non-violent, car une mauvaise lecture pourrait engendrer des lâches. Je cite ce passage tout simplement parce qu’il est à mille lieu de l’enseignement d’un Dieu (la parole de Jésus est celle de Dieu) qui serait criminogène. Dieu est criminophobe dusse-t-il en mourir.
« Vous avez entendu qu'il a été dit : «Œil pour œil et dent pour dent.» Eh bien, moi je vous dis de ne pas vous venger de celui qui vous fait du mal. Si quelqu'un te gifle sur la joue droite, laisse-le te gifler aussi sur la joue gauche. Si quelqu'un veut te faire un procès pour te prendre ta chemise, laisse-le prendre aussi ton manteau. Si quelqu'un t'oblige à faire mille pas, fais-en deux mille avec lui. Donne à celui qui te demande quelque chose ; ne refuse pas de prêter à celui qui veut t'emprunter. »
« Vous avez entendu qu'il a été dit : «Tu dois aimer ton prochain et haïr ton ennemi.» Eh bien, moi je vous dis : aimez vos ennemis et priez pour ceux qui vous persécutent. Ainsi vous deviendrez les fils de votre Père qui est dans les cieux. Car il fait lever son soleil aussi bien sur les méchants que sur les bons, il fait pleuvoir sur ceux qui lui sont fidèles comme sur ceux qui ne le sont pas. Si vous aimez seulement ceux qui vous aiment, pourquoi vous attendre à recevoir une récompense de Dieu ? Même les collecteurs d'impôts en font autant ! Si vous ne saluez que vos frères, faites-vous là quelque chose d'extraordinaire ? Même les païens en font autant ! Soyez donc parfaits, tout comme votre Père qui est au ciel est parfait. »

Paroles actuelles
Assurément la réflexion théologique, au cours de l’histoire, n’a pas lu les textes de la Révélation, comme nous les lisons maintenant. Mais qui fait de la théologie un dogme sans évolution ?
Relisons au moins ce passage de Vatican II (l’Eglise dans le monde de ce temps N° 92 §5
« En ce qui nous concerne, le désir d'un tel dialogue (entre tous les hommes), conduit par le seul amour de la vérité et aussi avec la prudence requise, n'exclut personne : ni ceux qui honorent de hautes valeurs humaines, sans en reconnaître encore l'Auteur, ni ceux qui s'opposent à l'Eglise et la persécutent de différentes façons. Puisque Dieu le Père est le Principe et la fin de tous les hommes, nous sommes tous appelés à être frères. Et puisque nous sommes destinés à une seule et même vocation divine, nous pouvons aussi et nous devons coopérer, sans violence et sans arrière-pensée, à la construction du monde dans une paix véritable.
»
Où est Dieu criminogène ? Où est sa pensée qui pousse vers une conduite criminelle ?  On ne va quand même pas objecté que l'Archange Michel tue de la hauteur de son cheval ? Ce serait méconnaitre la poésie du combat contre le mal.

Publié dans Bible

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