Temps Libre : Pratiques Nouvelles
Toujours de Écoutes & Regard, voici Pratiques Nouvelles , de Pierre CHION
Occuper son temps libre. Et le mieux possible. Cela implique d'avoir les possibilités culturelles et financières. Dans ce domaine, tous ne sont pas logés à la même enseigne.
« Mais que font donc tous ces gens-là ? »
La même remarque me vient, quand, heureux retraité, je déambule dans les rues du centre de Lyon. À toute heure de la journée, et tout le long de la semaine, une foule impressionnante, souvent pressée, parcourt la cité. Retraités sans doute, ménagères «au foyer», mais aussi adultes dans la force de l'âge. Il en est, hélas, qui sont chômeurs. Mais, les autres ? Sont-ils en RTT ? En congé, en vacances ?
Le temps disponible après le travail s'est considérablement allongé. De 44 heures par semaine et deux semaines de congés annuels à mes débuts dans l'industrie, je suis passé en fin de carrière à 37 heures par semaine et 6 semaines de congés ; depuis la loi des 35 heures ce temps libre n'a cessé de grandir. Certes il existe - j'en connais - des personnes, qui pour améliorer leurs conditions de vie font des heures supplémentaires, ou travaillent dans plusieurs «ateliers ». Ils ne sont pas légion cependant.
Ces heures libres font les délices d'une autre partie de la société : commerçants, marchands de loisirs, locations de vacances : de petits exploitants agricoles remettent en état une grange, un vieux corps de bâtiment qui devient un gîte rural, très apprécié des citadins privés d'oxygène, en redonnant de la vie à la campagne.
Mais une remarque banale s'impose : la satisfaction que l'on peut retirer d'un loisir est cependant liée à son statut social : riches et pauvres ne sont pas sur la même planète. Dans une étude de la Caisse nationale d'Allocations Familiales, on relève quelques réflexions de populations à bas revenus:
- Un loisir, c'est fait pour passer le temps contre l'ennui.
- J'ai tellement de problèmes que je ne pense même pas à une activité de loisir [ ... ]. Vous êtes enfermé dans une pièce avec vos soucis qui vous passent par la tête.
Et les salariés du secteur privé ou en CDD n'ont pas la même satisfaction retirée du temps libre que ceux qui bénéficient d'un emploi à vie!
Pratiques culturelles
Les contraintes ci-dessus dépassées, à quoi peuvent être dépensées les heures « libérées» ? Une dominante s'impose : la télévision, nouvel opium du peuple. Celle dont le PDG de TF1 a dit récemment que son but consistait seulement à créer un temps de cerveau disponible pour enregistrer la publicité. Toutes tranches d'âge confondues, presque 2 h 30 sont utilisées chaque jour devant l'écran. [Aux USA, il s'agit de plus du double !J
La lecture vient au second plan, loin derrière. Pour elle, il apparaît bien évidemment, tout ce que les habitudes culturelles des lycéens ou des étudiants doivent non pas à l'école, mais à leur héritage culturel transmis par la famille. La musique: la différenciation des goûts musicaux met simultanément en jeu la position sociale, le niveau d'étude, l'âge et le sexe. La musique de variété a la préférence absolue mais on observe un rappro¬chement entre variété et classique, l'une est plus acceptée par l'autre.
Citons, car elles utilisent une partie non négligeable du temps libre, la photographie, la peinture, l'écriture. Enfin le micro-ordinateur est en passe de prendre, à mi-chemin du loisir et du travail, une place prépondérante en «pillant» le temps libre disponible chez ceux qui y sont «accros ». Activités de loisirs, jeux vidéo, jeux en réseau, téléchargement de fichiers. Mais pour plus d'un utilisateur sur cinq, l'ordinateur constitue une pratique à caractère esthétique ou culturelle: dessiner, écrire, traiter images et sons. L'aspect «chronophage» de l'usage de l'ordinateur, le fait qu'il possède un goût d'apprentissage et de mise à niveau permanente contribue néanmoins à le transformer, avec ses périphériques, en une activité en soi comme en témoigne le développement d'une presse spécialisée, Internet, les clubs, les forums de discussion...
Bibliographie
- P. Coulangeon, Sociologie des pratiques culturelles, La découverte
- D. Mothé, Le temps libre contre la société, DDD
Occuper son temps libre. Et le mieux possible. Cela implique d'avoir les possibilités culturelles et financières. Dans ce domaine, tous ne sont pas logés à la même enseigne.
« Mais que font donc tous ces gens-là ? »
La même remarque me vient, quand, heureux retraité, je déambule dans les rues du centre de Lyon. À toute heure de la journée, et tout le long de la semaine, une foule impressionnante, souvent pressée, parcourt la cité. Retraités sans doute, ménagères «au foyer», mais aussi adultes dans la force de l'âge. Il en est, hélas, qui sont chômeurs. Mais, les autres ? Sont-ils en RTT ? En congé, en vacances ?
Le temps disponible après le travail s'est considérablement allongé. De 44 heures par semaine et deux semaines de congés annuels à mes débuts dans l'industrie, je suis passé en fin de carrière à 37 heures par semaine et 6 semaines de congés ; depuis la loi des 35 heures ce temps libre n'a cessé de grandir. Certes il existe - j'en connais - des personnes, qui pour améliorer leurs conditions de vie font des heures supplémentaires, ou travaillent dans plusieurs «ateliers ». Ils ne sont pas légion cependant.
Ces heures libres font les délices d'une autre partie de la société : commerçants, marchands de loisirs, locations de vacances : de petits exploitants agricoles remettent en état une grange, un vieux corps de bâtiment qui devient un gîte rural, très apprécié des citadins privés d'oxygène, en redonnant de la vie à la campagne.
Mais une remarque banale s'impose : la satisfaction que l'on peut retirer d'un loisir est cependant liée à son statut social : riches et pauvres ne sont pas sur la même planète. Dans une étude de la Caisse nationale d'Allocations Familiales, on relève quelques réflexions de populations à bas revenus:
- Un loisir, c'est fait pour passer le temps contre l'ennui.
- J'ai tellement de problèmes que je ne pense même pas à une activité de loisir [ ... ]. Vous êtes enfermé dans une pièce avec vos soucis qui vous passent par la tête.
Et les salariés du secteur privé ou en CDD n'ont pas la même satisfaction retirée du temps libre que ceux qui bénéficient d'un emploi à vie!
Pratiques culturelles
Les contraintes ci-dessus dépassées, à quoi peuvent être dépensées les heures « libérées» ? Une dominante s'impose : la télévision, nouvel opium du peuple. Celle dont le PDG de TF1 a dit récemment que son but consistait seulement à créer un temps de cerveau disponible pour enregistrer la publicité. Toutes tranches d'âge confondues, presque 2 h 30 sont utilisées chaque jour devant l'écran. [Aux USA, il s'agit de plus du double !J
La lecture vient au second plan, loin derrière. Pour elle, il apparaît bien évidemment, tout ce que les habitudes culturelles des lycéens ou des étudiants doivent non pas à l'école, mais à leur héritage culturel transmis par la famille. La musique: la différenciation des goûts musicaux met simultanément en jeu la position sociale, le niveau d'étude, l'âge et le sexe. La musique de variété a la préférence absolue mais on observe un rappro¬chement entre variété et classique, l'une est plus acceptée par l'autre.
Citons, car elles utilisent une partie non négligeable du temps libre, la photographie, la peinture, l'écriture. Enfin le micro-ordinateur est en passe de prendre, à mi-chemin du loisir et du travail, une place prépondérante en «pillant» le temps libre disponible chez ceux qui y sont «accros ». Activités de loisirs, jeux vidéo, jeux en réseau, téléchargement de fichiers. Mais pour plus d'un utilisateur sur cinq, l'ordinateur constitue une pratique à caractère esthétique ou culturelle: dessiner, écrire, traiter images et sons. L'aspect «chronophage» de l'usage de l'ordinateur, le fait qu'il possède un goût d'apprentissage et de mise à niveau permanente contribue néanmoins à le transformer, avec ses périphériques, en une activité en soi comme en témoigne le développement d'une presse spécialisée, Internet, les clubs, les forums de discussion...
Bibliographie
- P. Coulangeon, Sociologie des pratiques culturelles, La découverte
- D. Mothé, Le temps libre contre la société, DDD