"Dieu n'est pas mort", témoignage d'une chanson militante des années 70
Dieu n'est pas mort tant qu'il y a des gens qui luttent encore pour l'Amour.
Leur foi provoque l'adhésion à l'inconnaissable.
Leur foi provoque l'adhésion à l'inconnaissable.
Homme debout, Ange,
Mickaël Van Beek, Confluences 2006
Mickaël Van Beek, Confluences 2006
Pierre Régnier ne me l’a pas demandé, mais je suis certain qu’il ne m’en voudra pas de faire échos à son dernier courriel envoyé à la suite de l’article sur la musique pop (ou rock) chrétienne.
Aujourd'hui, je profite agréablement du temps libre qu’offrent les congés d’été pour lire des ouvrages qui m’attendent depuis plusieurs moi. Prenons « La foi au prix du doute », de Jacques Ellul, la Table ronde, 2006. Je suis émerveillé de voir comment les méditations de ce courageux chercheur rejoignent mes propres interrogations. Dans les années 80, j’avais déjà lu quelques-uns de ses textes. C’est la rencontre du courant de la « décroissance » depuis 4 ou 5 ans, qui me l’a fait lire à nouveau. Une même pensée qui s’approfondit sans se trahir. Je rencontre aussi la joie (satisfaction intellectuelle ?) de voir que J. Ellul cite abondamment Jean Sullivan que j’ai étudié à l’occasion d’expositions à Confluences avec quelques conférences. Unité de la pensée. Les auteurs qui nous touchent se rencontrent en des lieux différents. Et je pense tout cela à propos d’une chanson que Pierre Régnier vient de m’envoyer. Voici sa présentation :
« Seriez-vous, Michel, un peu sorcier ? Je prends congé après un long dialogue "en public" où j'ai amplement profité de votre hospitalité, et voilà que vous me rattrapez par le biais de la chanson... qui est chez moi une vieille passion ! Votre réflexion sur l'église "exculturée" et l'article de La Croix sur le rock "chrétien" me donnent envie, en effet, de vous envoyer cette chanson écrite il y a trente-cinq ans, dans laquelle, alors que je n'étais déjà plus chrétien, j'affirmais une certaine forme de croyance en Dieu, croyance que je ne renie pas aujourd'hui. Bien cordialement ».
Il y a trente-cinq ans ? Non trente et un an, seulement ! C’était, date de la chanson, en 1976. A cette époque, on était à fond dans une théologie dite horizontale, venue, vraisemblablement équilibrée une théologie par trop verticale qui avait noyée l’homme en Dieu. L’homme n’existait plus. « Maintenant, nous savons bien que le Christ est présent dans chacun des petits, des pauvres qui sont nos frères ». Un exégète, à la fin des années 60 parlait justement dans ses cours de la « présence du Christ, comme en creux, dans les pauvres ». C’était un commentaire de Matthieu 25 : « j’étais en prison et vous m’avez visité ».
Jacques Ellul : « Pendant un temps on essayait de nous prouver que le christianisme impliquait que c'était le Christ même qui se trouvait entre l'un et l'autre, entre le prochain et le prochain et que l'amour n'était possible que par sa médiation. Nous avons chassé ce fantasme, nous avons expérimenté, avec les prêtres ouvriers, avec la Mission populaire, avec l' Action Catholique Ouvrière qu'il n'est utile que d'entrer dans la condition même de l'autre pour que l'amour soit possible, et les brouillards de la foi se sont évanouis nous laissant la splendeur de la fraternité pour la justice recherchée, conquise ensemble. Et si Dieu l'on veut, Dieu est là, non ailleurs, dans l'humanité de Jésus, modèle de l'amour, Christ parce qu'exerçant l'amour, et présent dans le plus petit simplement parce que l'amour est là. Ainsi la théologie de la Mort de Dieu, la théologie horizontale expriment aujourd'hui l'ultime vérité du christianisme… » L’argumentaire de J. Ellul, tout au long de son étude, consiste à distinguer la foi de la croyance. A lire, assurément.
Venons-en à la chanson : une belle illustration de cette méditation.
Dieu n’est pas mort (p. et m. Pierre Régnier)
un gamin sortant de l’école pleure de n’avoir pas pu suivre
un autre gamin prend sa main et lui donne son plus beau livre
non Dieu n’est pas mort
une putain fille de rien pour les hommes une bagatelle
gifle le visqueux paresseux qui tire bénéfice d’elle
non Dieu n’est pas mort
des rives du Mississipi dans la nuit s’élève un chant noir
qui porte la misère humaine sur des mélodies d’espoir
non Dieu n’est pas mort
un mois d’octobre à Pétrograd fait basculer la suffisance
cinquante années plus tard à Prague un autre peuple recommence
non Dieu n’est pas mort
non Dieu n’est pas mort
il en est tant qui luttent encore
de bons chrétiens bons militants savent être bons camarades
ils écrivent fraternité sur de païennes barricades
non Dieu n’est pas mort
un curé riche quelque part dans la montagne colombienne
laisse là le confort il se fout la peste prolétarienne
non Dieu n’est pas mort
un tout petit pays d’Asie souffre une très cruelle guerre
une lueur en permanence nous arrive de ses rizières
non Dieu n’est pas mort
le géant qui fut libertaire aujourd’hui rase ses villages
le petit peuple en résistant rappelle aux autres le courage
non Dieu n’est pas mort
non Dieu n’est pas mort
il en est tant qui luttent encore
de longues années je n’étais pas de compagnie souriante
pourtant ma compagne en riant toujours traverse la tourmente
non Dieu n’est pas mort
si nous ne sommes pas crevés du si lamentable spectacle
de notre conscience tranquille il nous faut bien croire au miracle
non Dieu n’est pas mort
non Dieu n’est pas mort
il en est tant qui luttent encore
non non non Dieu n’est pas mort
il en est tant qui luttent encore
(texte extrait de “Mourir moins sale”, 1976)
un gamin sortant de l’école pleure de n’avoir pas pu suivre
un autre gamin prend sa main et lui donne son plus beau livre
non Dieu n’est pas mort
une putain fille de rien pour les hommes une bagatelle
gifle le visqueux paresseux qui tire bénéfice d’elle
non Dieu n’est pas mort
des rives du Mississipi dans la nuit s’élève un chant noir
qui porte la misère humaine sur des mélodies d’espoir
non Dieu n’est pas mort
un mois d’octobre à Pétrograd fait basculer la suffisance
cinquante années plus tard à Prague un autre peuple recommence
non Dieu n’est pas mort
non Dieu n’est pas mort
il en est tant qui luttent encore
de bons chrétiens bons militants savent être bons camarades
ils écrivent fraternité sur de païennes barricades
non Dieu n’est pas mort
un curé riche quelque part dans la montagne colombienne
laisse là le confort il se fout la peste prolétarienne
non Dieu n’est pas mort
un tout petit pays d’Asie souffre une très cruelle guerre
une lueur en permanence nous arrive de ses rizières
non Dieu n’est pas mort
le géant qui fut libertaire aujourd’hui rase ses villages
le petit peuple en résistant rappelle aux autres le courage
non Dieu n’est pas mort
non Dieu n’est pas mort
il en est tant qui luttent encore
de longues années je n’étais pas de compagnie souriante
pourtant ma compagne en riant toujours traverse la tourmente
non Dieu n’est pas mort
si nous ne sommes pas crevés du si lamentable spectacle
de notre conscience tranquille il nous faut bien croire au miracle
non Dieu n’est pas mort
non Dieu n’est pas mort
il en est tant qui luttent encore
non non non Dieu n’est pas mort
il en est tant qui luttent encore
(texte extrait de “Mourir moins sale”, 1976)