Dieu peut-il créer un être spirituel qui, au lieu de s’en référer à son Créateur, préfère promouvoir une vérité ne dépendant que de lui-même ?
Force primordiale du Mal, Satan serait éternel au même titre que Dieu. C'est lui qui fomente l'insurrection de Lucifer ou encore qui s'incarne sous la forme du Serpent de l'Arbre de Vie pour créer le pêché originel. Issu d'une racine sémitique, fort utilisée par les anciens Israélites, le mot signifie «se comporter en adversaire, s'opposer à» (Nombres, 22, 22; 1 Samuel 29, 4). En lire plus ici.
Je n’ai pas terminé le livre de Fabrice Hadjadj, La foi des démons ou l’athéisme dépassé, mais alors que j’en ai déjà parlé, je souhaite en dire de nouveau quelques mots. Il est du reste fort possible qu’une autre occasion se présentera me donnant envie d’en reparler encore.
Le hasard fait qu’en même temps je lise un roman rédigé par Tobie Nathan, Mon Patient Sigmund Freud. C’est un livre que j’avais acheté l’an passé, commencé puis abandonné n’y trouvant aucun intérêt. Tel n’est pas le cas aujourd’hui. Je perçois des liens évidents entre les deux récits bien qu’ils soient de nature complètement différente. Le mal, dit Fabrice Hadjadj s’enracine dans le mensonge. Satan est le père du mensonge. « Le diable est père du menteur qu’il est. Ce qui qualifie radicalement son mal, c’est très exactement cette prétention à être père de soi-même plutôt que fils de Dieu, à parler à partir de son propre fond plutôt qu’à partir de la Parole. » C’est la vérité conçue par soi-même qui l’emporte sur la vérité identique. Un refus de s’en référer à Dieu, le Vrai.
Dans son roman, Tobie Nathan montre les rivalités entre psychiatres et les manipulations de S. Freund pour imposer mondialement son école. Par exemple, le professeur fait tout ce qui est en son pouvoir de séduction pour que le seul goy de l’équipe maintienne sa présence. Celle-ci s’avère précieuse pour l’assise internationale de la Société de psychanalyse de Vienne. Les stratégies de victoire, de suprématie l’emportent sur le soin des malades et le sérieux de la science. « À la Société de psychanalyse de Vienne, durant cette soirée du 26 avril (1911) , nous avons discuté du livre de Stekel, Le Langage du rêve… Tout le monde était là, puisque l’exclusion d’Adler et de Stekel était éminente. Je me demandais comment le professeur s’y prendrait pour se débarrasser de ces deux Viennois les plus connus sans déclencher une révolte. »
Stratégie contre vérité. Le mensonge devient arme de présence. Satan divise. N’est-ce pas ce que le romancier, Tobie Nathan, veut insinuer en mettant en parallèle la guerre fratricide du Burundi – Rwanda – Ouganda avec les querelles des premiers pas des psychiatres libérant les fantasmes sexuels des professeurs. « Quand il s’agit de convoiter son propre bien, c’est une formidable cacophonie, écrit F. Hadjadj. Pulvérisation libertaire dans l’amour propre, solidification solitaire dans la haine de Dieu. Impersonnelle orgie en marche, concurrence féroce entre individus. Telle est la pulsion infernale ».
Cela dit, je n’ai pas encore trouvé de réponse à ma question sur l’origine de Satan. Comment Dieu peut-il créer un être spirituel, en conséquence sans chair et qui donc ne mange pas, serait sans convoitise, parce que pur esprit ; un être qui, au lieu de s’en référer à l’unique Créateur, préfère promouvoir une vérité qui ne dépendrait que de lui-même, alors qu’il a la vision de toutes les clartés et intelligences divines ?
F. Hadadj croît à Satan sans le démontrer. Je n’ai, effectivement pas encore rencontré dans son livre de commentaire sur la naissance de l’Esprit de Mal. Comment Satan entre-t-il dans un monde bon voulu par Dieu. La question a été déjà maintes fois posée !
Je pense que F. Hadadj, nouveau croyant chrétien catholique adhère tout simplement à la définition du catéchisme romain. Son acte de foi est d’une grande obéissance à la doctrine. Et à lire ses pensées, je me sens d’un XXe siècle qui s’il ne croit plus au diable risque bien d’en être le jeu.
390 Le récit de la chute (Gn 3) utilise un langage imagé, mais il affirme un événement primordial, un fait qui a eu lieu au commencement de l’histoire de l’homme (cf. GS 13, § 1). La Révélation nous donne la certitude de foi que toute l’histoire humaine est marquée par la faute originelle librement commise par nos premiers parents (cf. Cc. Trente : DS 1513 ; Pie XII : DS 3897 ; Paul VI, discours 11 juillet 1966).
391 Derrière le choix désobéissant de nos premiers parents il y a une voix séductrice, opposée à Dieu (cf. Gn 3, 4-5) qui, par envie, les fait tomber dans la mort (cf. Sg 2, 24). L’Écriture et la Tradition de l’Église voient en cet être un ange déchu, appelé Satan ou diable (cf. Jn 8, 44 ; Ap 12, 9). L’Église enseigne qu’il a été d’abord un ange bon, fait par Dieu. " Le diable et les autres démons ont certes été créés par Dieu naturellement bons, mais c’est eux qui se sont rendus mauvais " (Cc. Latran IV en 1215 : DS 800).
392 L’Écriture parle d’un péché de ces anges (cf. 2 P 2, 4). Cette " chute " consiste dans le choix libre de ces esprits créés, qui ont radicalement et irrévocablement refusé Dieu et son Règne. Nous trouvons un reflet de cette rébellion dans les paroles du tentateur à nos premiers parents : " Vous deviendrez comme Dieu " (Gn 3, 5). Le diable est " pécheur dès l’origine " (1 Jn 3, 8), " père du mensonge " (Jn 8, 44).
393 C’est le caractère irrévocable de leur choix, et non un défaut de l’infinie miséricorde divine, qui fait que le péché des anges ne peut être pardonné. " Il n’y a pas de repentir pour eux après la chute, comme il n’y a pas de repentir pour les hommes après la mort " (S. Jean Damascène, f. o. 2, 4 : PG 94, 877C).
En conclusion,
si je ne vois l’origine du Mal, si je n’arrive pas à en concevoir la possibilité à partir d’un acte bon du Créateur (parler de liberté ne me suffit pas), je ne peux douter de ses effets sur terre. Baudelaire n’a-t-il pas écrit : « Se livrer à Satan, qu’est-ce que c’est ? Quoi de plus absurde que le Progrès, puisque l’homme, comme cela est prouvé par le fait journalier, est toujours semblable et égal à l’homme, c’est-à-dire toujours à l’état sauvage ? … Nous périrons par où nous avons cru vivre. La mécanique nous aura tellement américanisés, le progrès aura si bien atrophié en nous la partie spirituelle, que rien parmi les rêveries sanguinaires, sacrilèges ou anti naturelles des utopistes ne pourra être comparés à ses résultats positifs ».
Très érudites et d’une philosophie pleine de poésie dans ses lectures bibliques (je pense à son étude des récits de la Création), F. Hadadj, à défaut d’expliquer pleinement le comment du Mal, en montre effectivement les effets.
« L’athéisme nous tente, l’hérésie cherche à nous détruire, le confort à nous encoconner, la persécution à nous décourager, tout voudrait nous embrigader pour d’autres dieux ; mais c’est aussi le moyen dont l’Éternel se sert pour que sa créature temporelle puisse se dégrossir, comme le visage dans le marbre qui s’affine à coup de burin ».
Voilà ce que je voulais montrer aujourd’hui ; il y a encore à en parler notamment dans le cadre de Chrétiens et pic de pétrole et du laboratoire Quelle société voulons-nous ? Un monde où le mal serait éradiqué. Utopie ?