Les JMJ
Mes réflexions, au moins celles que j’ai laissées passer dimanche dernier, auraient plutôt tendance à dire que les grands rassemblements dans la ligne des Journées mondiales de la Jeunesse catholique sont plus tournés vers le passé que le futur.
Prière et manifestation pour que l’on retrouve la religion d’antan.
L’éditorialiste de la Vie au contraire, porté par les jeunes cathos, pense que « la vieille Église latine apparaît comme la seule organisation réellement capable de produire une utopie mobilisatrice ». C’est bien là ce qu’il faudrait analyser.
Le sondage développé dans ce numéro apporte quelques bémols à cette vision optimiste : Qui participe aux JMJ ?
- Bienheureux… les riches en argent ou en capital social. Les « cathoplus » sont aussi, par leurs études et leur appartenance sociale, très « France d’en haut » ou « CSP + ». Il n’y a pas beaucoup de demandeurs d’emploi ou de jeunes au travail parmi eux. Leurs pères sont cadres sup ou exercent une profession libérale. Leurs mères sont enseignantes ou femme au foyer. Constat ici sans appel : le catholicisme populaire s’étiole. L’Église s’embourgeoise à grande vitesse.
- Dans l’Église, les « cathoplus » ont une foi en béton. Dans la vie publique, ils doutent davantage.
- Ils se montrent aussi peu sensibles à des thématiques générales pourtant devenues très importantes dans le débat public, notamment autour de l’écologie.
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Editorial : L’utopie JMJ
Jean-Pierre Denis - publié le 03/08/2011
De Rome (1984) à Madrid (2011) en passant par Paris (1997), les Journées mondiales de la jeunesse sont devenues un chemin obligé, pour ne pas dire un rite initiatique. Plusieurs générations y ont vécu leur passage à l’âge adulte de la foi. Des amours s’y nouent – ne le répétez pas ! –, des engagements y mûrissent. Creuset d’émotions et de vocations, les JMJ apparaissent aussi comme une sorte de marche des fiertés, une « Catho Pride » mondialisée. Au creux de l’été, elles signifient haut et fort l’estime de soi et la visibilité assumée d’une religion trop ordinairement présentée comme en perte de vitesse. Les catholiques sont toujours là, et ils rayonnent. Mais tout cela, au fond, reste l’écume des choses. Les JMJ sont d’abord ce qu’elles annoncent, et c’est leur force : la double promesse d’une rencontre avec le Christ et d’un approfondissement religieux. Ce que souligne parfaitement la phrase de l’épître aux Colossiens qui sert de thématique à l’édition 2011 : « Enracinés et fondés en Christ, affermis dans la foi. »
Cette année, 50 000 Français vont faire le voyage vers l’Espagne. Même dans un pays aussi sécularisé que le nôtre, l’Église catholique n’a guère perdu sa capacité de mobilisation, si l’on songe à d’autres grands rassemblements chrétiens, de Taizé à la béatification de Jean Paul II. Ajoutons les camps scouts, le festival d’été de l’Emmanuel à Paray-le-Monial… Dans un contexte de crise généralisée des institutions et de désengagement collectif, peu d’organisations sociales ou politiques peuvent en dire autant et sur une aussi longue période (pas loin de trente ans). Notons que le moteur de cette mobilisation n’est pas l’indignation, mais l’espérance. Pas de revendications catégorielles. Pas de programme politique. Juste Jésus. Eh oui ! En ce début de millénaire, la vieille Église latine apparaît comme la seule organisation réellement capable de produire une utopie mobilisatrice. Quand on sonne partout le tocsin, cette utopie est pacifique. À l’encontre des replis identitaires, elle est universaliste. Défiant le matérialisme galopant, elle est spirituelle.
Futuristes plus que passéistes, les JMJ sont une sorte d’incubateur géant où bouillonne le catholicisme de demain. Mais qui sont vraiment ces 50 000 Français ? Exceptionnel par son ampleur et sa précision, le sondage publié en exclusivité par La Vie (voir page 20) apporte une réponse pour le moins spectaculaire. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, les JMJ n’attirent pas principalement un public de curieux et de fêtards vaguement catéchisés. Pour autant, on aurait tort de voir les pèlerins de Madrid comme le dernier carré d’un catholicisme en plein repli papiste et identitaire. Ils sont tout simplement des croyants surmotivés. Un seul chiffre, stupéfiant : 88 % d’entre eux vont à la messe quand, à l’échelle de l’ensemble de la population, la pratique dominicale régulière ne concerne qu’un Français sur dix.
La « génération cathoplus » succède donc à la génération Jean Paul II. Sereinement minoritaires, les « cathoplus » prennent tout, veulent tout, et avec enthousiasme. Déjà familiers des réseaux ecclésiaux, ils se montrent prompts à accepter dans sa globalité le message de leur Église. Mais leur foi se révèle très ouverte. Là encore, un seul chiffre : seuls 9 % d’entre eux professent qu’« il n’y a qu’une seule vraie religion ». La génération « cathoplus » est ultra-identifiée mais assez peu identitaire. Déjà intégrée à l’Église, elle n’a rien d’intégriste. La solidité, la lucidité et la cohérence de ce « noyau jeune » me semblent aussi frappantes qu’encourageantes.