Que faire face à la tendance « Nouvelle évangélisation » ?
Hier et aujourd’hui (lundi 17 octobre
et mardi 18 octobre), le quotidien « La Croix » relate la déclaration de Benoît XVI annonçant une année de la foi. Normal pour un journal catholique. !
Également au courrier de lundi, je reçois la lettre circulaire de Philippe cardinal Barbarin, évêque de Lyon, datée du 11 octobre 2011, adressée aux prêtres, diacres, et laïcs en mission ecclésiale.
Un an à l’avance, on y évoque le 50e anniversaire de l’ouverture du Concile Vatican II : le 11 octobre 1962
L’évêque de Rome, pape de l’Église romaine latine, annonce une année de la foi dont une lettre apostolique en précisera les contours.
L’évêque de Lyon invite à une fête diocésaine exceptionnelle le dimanche 14 octobre de 9h 30 à 16 h 30. Son souhait est que « l’on supprime les messes du matin, ce dimanche-là » afin de tous se retrouver à Eurexpo. Il ne cite pas le rendez-vous avec Jean-Paul II en ce même lieu où fut prononcée, le 4 octobre 1986, la béatification d’Antoine Chevrier, mais le jubilé de l’an 2000. Il précise : « Cette fête sera l’occasion d’entendre à nouveau l’appel universel à la sainteté. Elle renouvellera la grâce que le Seigneur nous fait : « Vous êtes le sel de la terre ; vous êtes la lumière du monde » (Mat 5, 13-914) ainsi que la mission qu’il nous confie : « Vous serez ms témoins » (Act 1, 8).
Rejoindre la sainteté du Père et l’annoncer n’est pas ce que nous souhaitons tous quand nous sommes pleinement conscients de notre ministère baptismal, diaconal et presbytéral ?
Mais les chemins de cette mission sont désormais perçus différemment. Si, aujourd’hui nous progressons de grands rassemblements en plus grands rassemblements, voire en super-méga rassemblements, jadis (plus de 50 ans) on allait à petits pas, en petits groupes.
Supposons qu’il y ait sur Lyon 100 lieux de culte catholique fermant ses portes ce dimanche 14 octobre 2012 et que de ces églises 100 personnes se rendent à Eurexpo, cela fera un public de 10 000 fidèles. Dans les souhaits, ce chiffre devrait être le plus bas. La « nouvelle évangélisation » requiert de JMJ en JMJ cette densité de regroupement. Devant 8000 « nouveaux évangélisateurs » venus du monde entier, le pape a annoncé l’ouverture d’une année de la foi.
Petits frères, petites sœurs de Jésus, votre enfouissement dans le monde d’aujourd’hui, votre présence auprès des petites gens, votre silence en monde musulman… prêtres ouvriers désormais à la retraite sans succession…, membres d’instituts séculiers œuvrant sur le délicat terrain de l’athéisme, de l’opposition déclarée à l’Institution Église, vous n’êtes vraiment pas tendance. Incérés dans le monde vous vous y êtes dilués. Amis de Charles de Foucault, de Madeleine Delbrêl, de Joseph Wressinski, reconnaissez votre erreur ! Il faut se montrer. À quoi bon ouvrit les portes de son salon sur la rue. Mieux vaut se tourner vers l’intérieur du bâti et rassembler les foules dans son enceinte !
Une autre voix
Certes, Frédéric Mounier* relate dans son commentaire des idées qui m’inspirent ce que j’écris.
- « En prélude aux interventions d’une dizaine d’experts et de témoins, Mgr Fisichella a insisté, face à l’enthousiasme prosélyte, parfois teinté de pentecôtisme, de ses interlocuteurs, sur les écueils d’un « romantisme nostalgique » (« Rester enfermés dans nos églises pourrait être consolant, mais rendrait impossible la Pentecôte »), ou d’« utopies impossibles ». Et il a repris à son compte un thème essentiel de la pensée du pape : « Le manque de pensée, de raisonnement, risque d’affaiblir la foi. » »
- « la diversité des intervenants laissait augurer la nécessité à venir d’un travail théologique destiné à structurer la nouvelle évangélisation.
- « Il reste donc à affermir et articuler le nouvel élan missionnaire, toujours tenté par les deux écueils : omettre l’expérience acquise par les prédécesseurs dans la foi, et s’en tenir à une urgence immédiate qui favoriserait les conversions à court terme.
Le commentaire d’Isabelle de Gaulmyn**, ne me laisse pas non plus indifférent. Je cite :
- « L'expression « nouvelle évangélisation » a souvent provoqué des crispations en France. « Certains prêtres plus âgés la ressentent comme une critique, comme si on leur reprochait de ne pas avoir su évangéliser », soulignait jeudi Mgr Joseph Boishu, évêque auxiliaire de Reims, lors d'une rencontre sur la nouvelle évangélisation organisée sous la houlette des évêques de France à la veille de l'événement romain. »
- « Ce n'est pas l'évangélisation qui est nouvelle, ont souligné les participants, mais la situation, celle d'une société où être chrétien ne va pas de soi. Il est donc stérile d'opposer une évangélisation à une autre, une génération à une autre. Les « nouveaux évangélisateurs » ont parfois critiqué la génération précédente, celle du « levain dans la pâte », accusée à force d'enfouissement d'avoir effacé le message chrétien. L'hommage appuyé de Mgr Dominique Rey à « la vérité spirituelle et doctrinale » de l'approche de l'enfouissement, venant de l'un des plus ardents défenseurs de la nouvelle évangélisation dans son diocèse de Toulon, a donc été remarqué.
Cependant, le mal n’est-il pas déjà accompli ? Comment peut venir le pardon, ou l’indulgence –l’oubli n’étant pas possible- quand un jeune prêtre ensoutané, ou encollé dit publiquement, « de toute façon c’est à cause de vous, les anciens, que les gens ne fréquentent plus les églises. Nous, nous allons redresser la situation, nos séminaires sont pleins ».
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* Benoît XVI annonce une « Année de la foi »
À l’occasion de sa rencontre, au Vatican, avec 8 000 « nouveaux évangélisateurs » venus du monde entier, le pape a annoncé l’ouverture, du 11 octobre 2012 au 24 novembre 2013, d’une « Année de la foi ».
L’automne 2012 sera la saison de la nouvelle évangélisation. Alors que le Synode des évêques se déroulera sur ce thème du 7 au 28 octobre à Rome, Benoît XVI lancera dans un an, le 11 octobre 2012, à l’occasion du 50e anniversaire de l’ouverture du concile Vatican II, une « Année de la foi ».
Après l’Année Saint-Paul et l’Année du prêtre, le pape poursuit ainsi, à l’échelle universelle, son objectif d’approfondissement des fondamentaux théologiques, spirituels et pastoraux de la foi des catholiques. Une lettre apostolique en précisera, prochainement, les contours.
Rétrospectivement, c’est à la lumière de cette annonce faite par le pape lors de l’Angélus de dimanche qu’il faut analyser la rencontre, la veille, au Vatican, des 8 000 acteurs de la nouvelle évangélisation venus du monde entier.
115 « réalités ecclésiales »
Rarement la salle du Synode avait vu autant de laïcs, de jeunes et de femmes qu’en samedi 15 octobre, pour la première partie de la rencontre. D’ordinaire s’y retrouvent les évêques et les cardinaux pour les Synodes, les consistoires.
Et, de fait, ce fut quasiment un présynode consacré à la nouvelle évangélisation qui s’y déroula, à l’invitation de Mgr Rino Fisichella, président du Conseil pontifical ad hoc depuis le 30 juin 2010.
S’y sont côtoyés, dans un joyeux pêle-mêle, plus de 250 anciens et nouveaux « nouveaux évangélisateurs ». Au total, 115 « réalités ecclésiales » de tous types et 33 conférences épiscopales des pays d’ancienne tradition catholique, donc concernés par la nouvelle évangélisation.
D’emblée, Mgr Fisichella a tenu à préciser les contours de la nouvelle évangélisation, concept a priori « attrape-tout ». Si celle-ci doit être fondée sur les socles traditionnels de l’Église (évêque, paroisse, liturgie, famille, sacrements, prière), elle doit être ouverte aux chantiers contemporains : culture et communication, politique, migrations.
« Le manque de pensée, de raisonnement, risque d’affaiblir la foi »
En prélude aux interventions d’une dizaine d’experts et de témoins, Mgr Fisichella a insisté, face à l’enthousiasme prosélyte, parfois teinté de pentecôtisme, de ses interlocuteurs, sur les écueils d’un « romantisme nostalgique » (« Rester enfermés dans nos églises pourrait être consolant, mais rendrait impossible la Pentecôte »), ou d’« utopies impossibles ». Et il a repris à son compte un thème essentiel de la pensée du pape : « Le manque de pensée, de raisonnement, risque d’affaiblir la foi. »
« Ici, je me sens en famille », souriait Raphaël Cornu-Thénard, l’animateur d’Anuncio, une initiative d’évangélisation directe qui a mobilisé 3 500 jeunes dans 20 villes françaises. « Avant, nous ne savions pas à qui parler à Rome », déplore-t-il.
C’est aussi l’inverse qui est vrai. La création par Benoît XVI de ce nouveau dicastère consacré à la nouvelle évangélisation bouscule les habitudes de la Curie. Le « nouvel élan missionnaire » voulu par le pape, son diagnostic sombre de « l’éclipse de Dieu » dans les pays occidentaux sécularisés, son insistance, relayée par Mgr Fisichella, sur la « crédibilité des témoins de la rencontre personnelle avec le Christ » poussent à un retour à l’essentiel, qui sera probablement au cœur de l’Année de la foi annoncée dimanche.
Structurer la nouvelle évangélisation
Samedi après-midi dans la salle Paul-VI, devant 8 000 fidèles venus en partie des paroisses romaines proches du Renouveau charismatique, la diversité des intervenants laissait augurer la nécessité à venir d’un travail théologique destiné à structurer la nouvelle évangélisation.
La fraîcheur enthousiaste de la jeune clarisse espagnole Veronica Berzosa, fondatrice de la communauté Jesus Communio, a voisiné avec le sérieux de l’intellectuel italien Vittorio Messori et de son collègue astrophysicien Marco Bersanelli. À l’applaudimètre, le ténor Andrea Bocelli suscita quasiment autant d’enthousiasme que Benoît XVI.
Il reste donc à affermir et articuler le nouvel élan missionnaire, toujours tenté par les deux écueils : omettre l’expérience acquise par les prédécesseurs dans la foi, et s’en tenir à une urgence immédiate qui favoriserait les conversions à court terme.
Cela, Benoît XVI le prend en compte. Ce sera son objectif, aidé de Mgr Fisichella, mais aussi du cardinal Ravasi, président du Conseil pontifical pour la culture, qui multiplie ces jours-ci les initiatives médiatiques liées au déploiement de son « Parvis des gentils », lui aussi voulu par Benoît XVI, sans oublier le Conseil pontifical pour les laïcs, en charge notamment des Journées mondiales de la jeunesse.
** En France, de la cloche à la sonnette.
L'expression « nouvelle évangélisation » a souvent provoqué des crispations en France. « Certains prêtres plus âgés la ressentent comme une critique, comme si on leur reprochait de ne pas avoir su évangéliser », soulignait jeudi Mgr Joseph Boishu, évêque auxiliaire de Reims, lors d'une rencontre sur la nouvelle évangélisation organisée sous la houlette des évêques de France à la veille de l'événement romain. Ce rendez-vous a permis, pour la première fois, de réunir tous les acteurs français du Renouveau charismatique, ces « communautés nouvelles » nées dans les années 1970 et 1980, fer de lance de la nouvelle évangélisation lancée, déjà, par Jean-Paul II, qui visait à manifester plus explicitement le message chrétien dans des sociétés sécularisées, au moyen d'événements comme les processions dans la rue, la distribution d'Évangiles devant les églises ou sur les plages, ou d'autres grands rassemblements…
Cette journée consacrée à la nouvelle évangélisation « made in France » a permis de lever nombre de malentendus. Ce n'est pas l'évangélisation qui est nouvelle, ont souligné les participants, mais la situation, celle d'une société où être chrétien ne va pas de soi. Il est donc stérile d'opposer une évangélisation à une autre, une génération à une autre. Les « nouveaux évangélisateurs » ont parfois critiqué la génération précédente, celle du « levain dans la pâte », accusée à force d'enfouissement d'avoir effacé le message chrétien. L'hommage appuyé de Mgr Dominique Rey à « la vérité spirituelle et doctrinale » de l'approche de l'enfouissement, venant de l'un des plus ardents défenseurs de la nouvelle évangélisation dans son diocèse de Toulon, a donc été remarqué.
Et les acteurs des nouvelles communautés, eux-mêmes d'ailleurs vieillissants, ne peuvent plus aujourd'hui se considérer comme les détenteurs exclusifs de l'évangélisation. « Un événement, quel qu'il soit, ne peut produire du fruit à long terme, s'il n'est relayé par une communauté ecclésiale », a souligné Mgr Rey.
De ce point de vue, la France, où le mouvement de « nouvelle évangélisation » est né plus tôt, du fait d'une sécularisation plus marquée, fait figure d'exemple. C'est ce qu'a souligné jeudi le P. Didier Duverne, membre du Conseil pontifical pour la nouvelle évangélisation, qui s'étonne du nombre d'expériences françaises qui remontent à Rome. « En France, a-t-il dit, contrairement à d'autres pays, la nouvelle évangélisation n'est plus seulement le fait de nouvelles communautés, mais a été prise en main par les paroisses et diocèses. Elle est devenue l'affaire de tous. »
Pour reprendre une image de Mgr Rey, c'est l'ensemble des catholiques qui doit passer « de la pastorale de la cloche à celle de la sonnette » . Ne plus se contenter de faire sonner les cloches dans les églises, mais aller sonner aux portes de la société.