Sur le libéralisme, terme qui prête à un débat sans fin entre intellectuels, par exemple entre les thèses de Jean-Claude Michéa et celle de Dany-Robert Dufour
Je m’empresse de publier la note ci-dessous que je viens de recevoir suite à l’article précédent traitant de ces concepts. On me signale l’excellence des définitions de Bruno Hongre. J’aurai pu, en effet, consulter le dictionnaire portatif du bachelier qui s’est penché sur cette même question. Son avis, universitaire, fait autorité.
LIBÉRALISME. n. m. Doctrine favorable à la plus grande liberté des individus. Mais cette notion comporte des sens différents selon les domaines où on l'emploie.
1° En général, on appelle libéralisme l'attitude des personnes libérales, qui respectent les idées d'autrui, qui sont tolérantes à l'égard des diverses opinions et conduites.
2° En politique, le libéralisme est une doctrine qui préconise la liberté la plus grande du citoyen. Contre l'autoritarisme de l'État, il veut donner le plus de garanties possible aux individus. Le libéralisme s'oppose au totalitarisme, à l'arbitraire du pouvoir, à l'absolutisme. Il revendique la liberté de pensée, la liberté d'agir, la liberté de s'associer. Il suppose un régime fondé sur la pluralité des partis et des mouvements. Cela n'exclut pas des conflits entre les droits de l'individu et l'existence de pouvoirs organisés.
3° En économie, le libéralisme se fonde sur la liberté d'entreprendre. Tout individu a le droit de fonder une entreprise, d'acheter, de vendre, d'embaucher, de produire. La propriété privée des moyens de production, base du capitalisme, est aussi la règle du libéralisme. Dès lors, c'est la loi de l'offre et de la demande, le dynamisme de la libre concurrence, le jeu du marché qui sont le moteur de l'économie. L'État doit laisser faire : le dirigisme, l'étatisme, l'interventionnisme des pouvoirs publics sont proscrits comme menaçant l'équilibre naturel auquel est censée aboutir la libération des agents économiques et de leurs initiatives spontanées.
Cette doctrine, poussée à l'extrême, conduit à ce qu'on appelle « la loi de la jungle ». Les acteurs de la vie économique étant de puissance inégale (notamment au plan financier), le libéralisme radical aboutit à « la liberté pour le pot de fer d'écraser le pot de terre ». D'où, dans la plupart des pays industrialisés, le maintien d'un rôle important de l'État et des lois qui réglementent la vie économique, au nom, précisément, de la liberté du citoyen. Le « libéralisme » n'est donc pas synonyme de « liberté » : le succès, dans les années 1990, du mot déréglementation, n'a pas manqué d'alarmer plus d'un p'enseur politique.
Voir Capitalisme, Etatisme, Libre-Echange, Socialisme.
LIBERTAIRE. adj. et n. Qui n'admet aucune limitation de la liberté de l'individu en matière politique et sociale. Le terme est en pratique synonyme d'« anarchiste ».
Voir Anarchie.
LIBERTÉ. n. f 1° Liberté externe : pouvoir d'agir, de n'être pas prisonnier ou entravé par des contraintes. Indépendance au sens large. La liberté, c'est le pouvoir de dire non.
2° Liberté politique ou civique : ensemble des droits dont jouit un citoyen ; ce qu'il a légalement le droit de faire ; ce qui n'est pas interdit (liberté de pensée, liberté d'association, liberté de réunion, liberté d'entreprendre, bref tout ce qu'on appelle les libertés de l'individu).
3° Liberté psychologique ou morale : capacité d'agir consciemment, en échappant aux déterminismes par la connaissance et la volonté ; capacité de choisir entre diverses possibilités, d'opposer des refus à ce qui semble fatal, d'exercer son libre arbitre. Ce troisième sens du mot liberté pose de nombreux problèmes sur lesquels les hommes, penseurs professionnels ou non, n'ont cessé de philosopher : qu'est-ce qu'être vraiment libre ? Ne confond-on pas l'illusion d'être libre avec la liberté effective (en étant inconscient de certains déterminismes) ? La vraie liberté est-elle de suivre ses désirs, ses volontés spontanées, ou de leur résister au nom d'une morale supérieure, d'un idéal du moi ? La liberté est-elle une donnée de la condition humaine, ou un état que la conscience doit conquérir pour se choisir un sens, en luttant contre les déterminations naturelles ou socio-idéologiques qui conditionnent l'être humain ? « La liberté n'est pas un droit, mais un devoir » écrit le philosophe Berdiaev (1874-1948). Et E. Renan : « La liberté est en apparence un allègement ; en réalité, c'est un fardeau. Voici justement sa noblesse: elle engage et elle oblige.» Voir Déterminisme.
LIBERTIN. adj. et n. 1° Au sens intellectuel : se dit au XVIIe siècle des esprits libres ou « esprits forts » qui refusaient de se soumettre aux croyances et aux règles de la religion établie (l'Église catholique). Les libertins, forts de leur raison critique, étaient incrédules ou impies, ou du moins sceptiques à l'égard de l'institution religieuse et de ses dogmes. Cela ne signifiait nullement qu'ils menaient une vie dissolue.
2° Au sens moral : se dit de personnes qui mènent une vie déréglée, s'adonnant aux plaisirs sans respecter la morale. Débauché. À ce sens correspond le mot libertinage (liberté de mœurs). C'est le sens actuel du mot.
N.B. Il y a bien entendu un lien entre le rejet des croyances religieuses, d'une part, et le refus de la morale chrétienne, d'autre part. Mais il faut se garder de confondre les libertins de pensée (sens n°1) et les libertins de mœurs (sens n°2) : les autorités religieuses ont souvent voulu discréditer les arguments des premiers en les accusant de mener la vie des seconds.