UN PHARE DANS LA NUIT
Samedi dernier, huit heures trente du matin, il fait encore froid. J’attends le bus pour me rendre en direction de Pont-de-Claix ; sur ma droite : une personne sans domicile, elle a passé la nuit dehors, vaguement abritée par le petit espace qui constitue l’entrée d’une boutique du Cours Jean Jaurès. Elle est recroquevillée, cette personne, assise ou accroupie, le visage tourné vers la porte vitrée. Je n’ose pas aller la voir, lui parler, l’écouter – finalement, elle dort peut-être encore ?... Alors je fait la photo, je la prends en photo, cette personne – je me dis que j’aurai bien encore quelques chose à écrire et à dire au sujet de ce cliché, au sujet de cette misère, de toute cette pauvreté, et puis je prends le bus pour me rendre à mon rendez-vous. Une fois revenu chez-moi, plus tard, j’examine la scène un peu plus en détail : le duvet, léger… le tout petit espace disponible devant la porte d’entrée avec un paillasson au sol…, et puis un gobelet sur ce paillasson, avec un pain au chocolat posé dessus. Là ! bon sang ! quelqu’un avait pensé à cette personne – à cet homme, à cette femme – et il avait agi, agi généreusement. Il n’avait vraisemblablement été vu par personne, et il avait agi : oui. J’ai bien vite pensé et je ne sais pas pourquoi, en voyant ce gobelet et cette pâtisserie qui le coiffait, à un phare, à un phare dans la nuit, dans la nuit de celui qui reçoit et peut-être également de celui qui donne, qui offre, … Le phare de nos nuits et de nos espérances…
Jean-Marie Delthil. Homme plus ou moins éclairé… 1er mars 2010.