L’officier n'aurait-il pas pu de sa propre initiative, de son propre consentement et de sa propre conscience lutter contre le régime criminel

Publié le par Michel Durand

 il y avait sur son bureau un presse-papier – vous savez, ces petites presses à papier [une presse à relier] dans le temps, un peu comme des petits pressoirs à raisins, avec une vis en métal et un plateau, comme un étau – il me met la main, le doigt dessous, et puis il serre !

il y avait sur son bureau un presse-papier – vous savez, ces petites presses à papier [une presse à relier] dans le temps, un peu comme des petits pressoirs à raisins, avec une vis en métal et un plateau, comme un étau – il me met la main, le doigt dessous, et puis il serre !

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Si la désobéissance civile est inévitable en certaines circonstances, l’appel à tuer le tyran peut devenir l’unique solution. Les tentatives d’attentants contre Hitler furent nombreux. L’histoire de la deuxième guerre mondiale aurait indubitablement été différente s’ils avaient réussis.

Il me semble que l’enseignement catholique dit que dans les cas extrêmes, tuer un tyran, un dictateur est l’unique solution. Hélas, je n’ai pas les outils nécessaires (ou le temps) pour confirmer ce que m’indique ma mémoire.

Si ce type de questionnement occupe mon esprit, c’est bien évidemment parce que, sans cesse, je pense à l’Ukraine. Et l’on songe immédiatement au tyran contemporain qui serait concerné. Que faire ? Pouvons-nous accepter d’être les tranquilles observateurs des destructions qui se vivent dans notre maison commune Terre ? François n’a pu retenir son émotion. Cela a coupé sa voix comme le montre la vidéo.

En cherchant des les écrits de Jean-Marie Delthil, j’ai trouvé cette page que je lis en pensant à la pression des armées Russes contre l’Ukraine.

 

Le presse-papier

 

C'était hier – je venais de pénétrer dans le Salon de coiffure de mon ami Christian, à Bonny.

Je reconnais instantanément l'homme qui se trouve être assis, en train de se faire couper les cheveux : c’est un homme à l'allure forte, puissante, déjà bien âgé, bâti d'un seul bloc ; comme ça…

Et puis nous entamons la discussion à trois sur toutes sortes de sujets : la jeunesse, le manque de travail en France, la politique parfois déplorable que nous subissons.

Un peu avant de nous quitter, l'homme, debout, s'adressa de nouveau à nous :

- « Il faut que je vous dises, les gars !... »

Nous l'écoutons attentivement.

- « Vous savez : j'ai 92 ans maintenant... J'ai connu la guerre ; je vais vous expliquer, quand j’avais 12 ans... »

Nous l'écoutons attentivement.

- « … Oui, quand j'avais 12 ans : on était sous l'occupation des Allemands.

Moi, j'étais môme… ils faisaient des rafles – et puis un jour, ils sont venus nous chopper, comme ça, dans la rue.

Il y avait de quoi pisser dans son froc – imaginez, un petit môme, comme j'étais, qui se fait prendre par la peau du cul et puis balancer dans un camion !

Enfin, bref, on arrive à la Kommandantur de Villeneuve-Saint-Georges… il y a avait tout un tas d'Allemands, là-dedans… et puis il y a un officier qui vient me voir, je ne comprenais pas ce qu'il me disait. Il parlait en allemand ; et puis je finis par piger : il y avait là des quantités de bottes rangées sur des étagères, jusqu'au plafond, et je comprends alors qu'il faut les nettoyer.

J'étais pas vraiment content, je faisais la gueule – et puis il se rapproche de moi, l'Allemand, et il me demande mon nom, et mon prénom : je lui donne – j'ai un nom d'origine Russe – alors il se met d'un seul coup à crier !… je comprends les mots 'terroriste'… il s'approche de moi ensuite, tout près, avec un gentil visage cette fois-ci, et puis il me dit tout doucement : « Papa », avec un joli sourire… « Papa ? »… « Papa ? » : « Terroriste !! » ; il hurle, il me choppe ; il y avait sur son bureau un presse-papier – vous savez, ces petites presses à papier [une presse à relier] dans le temps, un peu comme des petits pressoirs à raisins, avec une vis en métal et un plateau, comme un étau – il me met la main, le doigt dessous, et puis il serre !

- « Papa : terroriste ?… Papa : terroriste ?!… Papa ?... »

Et il serre de plus en plus.

J'ai eu le doigt cassé, depuis : tout abîmé – vous voyez, les gars ?!

Il nous montre le petit doigt de sa main droite tout plié et recourbé, qui ne fonctionne plus – tout amoché encore, 80 ans après.

- « C'était mal parti pour moi – et puis tout d'un coup : il y a une Estafette qui arrive, un motard Allemand, avec tout son bordel : « Heil Hitler ! … et tout », il venait d'y avoir un attentat pas loin – alors les mecs ils partent tous d'un seul coup ; et moi aussi : je rentre chez-moi !

 

Voilà, 80 ans après les faits : nous avions encore et face à nous presque un enfant, les yeux mouillés, à nous raconter ce que des hommes peuvent faire à un môme – à un simple innocent.

Et c'est bien là où je voulais en venir : à l’innocente, justement.

Et à la culpabilité, également.Et au courage, aussi !

Rentrant chez moi après cette intense et humaine rencontre, je me disais : bon sang, ces Allemands qui finalement maltraitaient des innocents, tant et tant d'innocents à l'époque, et faisaient payer les enfants, dans ce cas de figure – mais payer quoi, au juste ?!… le père était-il 'terroriste', en l’occurrence : Résistant ?… non pour ce qui nous intéresse…

Alors, et plus largement :

comment se fait-il que l'espèce humaine ait bien souvent et finalement si souvent cette vilaine tendance à faire payer les fautes graves en s'adressant aux innocent, ou tout du moins à des personnes plus faibles qu'elles, et qui sont par conséquent dans l'incapacité de leur 'répondre' efficacement, de venir à lutter contre elles, et à prendre éventuellement le dessus ?

Comment se fait-il que l'espèce humaine ait tant de difficultés à affronter directement et courageusement l’adversaire, l'adversité et finalement l'injustice – qu'elle ait tant de difficultés à affronter directement et nommément celui ou celle, en l'occurrence, qui frontalement vous a volontairement et sciemment fait du mal ?

C'est ce que l'on nomme communément le manque de courage, et finalement : la lâcheté.

La barbarie aussi, lorsque le 'jeu' des tortionnaires est poussé à son comble.

Cet officier Allemand et pour revenir à lui, alors que le régime hitlérien n'en était qu'à ses balbutiements Outre-Rhin – à ses premiers pas et ses premières idées funestes et monstrueuses – n'aurait-il pas pu, et de sa propre initiative, de son propre consentement et de sa propre conscience (et avec d'autres, éventuellement) : lutter contre ce régime criminel, férocement, becs et ongles ?!

C'eût été ici assurément le vrai et bon combat, plutôt que de voir et repérer des 'terroristes' partout, et de massacrer tant et tant de pauvres gens.

La responsabilité.

L'étique.

La justice.

À partir du moment où nous savons, où nous sommes informés – et que ces faits sont vrais, attestés, véridiques, vérifiés : nous sommes responsables d'une certaine manière, de faire ou de ne pas faire.

 

Jean-Marie Delthil. Bonny-sur-Loire, le 17 septembre 2021.

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