Algériens. Le Prado et la Mission de France étaient de nouveau ensemble du côté de ceux qu'une société bien pensante cloue si facilement au pilori

Publié le par Michel Durand

Algériens. Le Prado et la Mission de France étaient de nouveau ensemble du côté de ceux qu'une société bien pensante cloue si facilement au pilori

Comme indiqué le 3 mai 2022 en ce lieumon regard se tourne en cette période vers le Père Alfred Ancel. Alors, je relis l’ouvrage rédigé par Oliver de Berranger, Alfred Ancel, un homme pour l’Évangile, 1898-1984).

Dans quelques jours Christian Delorme tiendra au Prado, une conférence intitulée : Des chrétiens dans la guerre d’Algérie (vendredi 13 mai 2022).

 

Et, ce jour je découvre la vidéo de KTO : PRÊTRES EN ALGÉRIE LORS DE LA GUERRE D'INDÉPENDANCE 1954-1962.

 

En 1954, lorsque la guerre d’indépendance algérienne éclate, quelques prêtres, qui dénonçaient déjà depuis longtemps des injustices dont ils avaient été témoins, vont réagir. Bousculant leur hiérarchie, désobéissant au pouvoir politique, expulsés d'Algérie ou arrêtés en France, jugée, emprisonnée, quelquefois, ils tiendront leur engagement auprès du peuple algérien. Ni porteur de valises ni hommes de révolte, rangés fidèlement aux côtés de l'Évangile, très injustement ne méconnurent de la grande Histoire, ces hommes ont fait avancer le sens de l'histoire, inéluctablement, vers la liberté d'un peuple. Un film en forme d'hommage pour la réalisatrice Caroline Puig-Grenetier, fille de pieds-noirs qui prête sa voix.

UNE COPRODUCTION KTO/NOMADE PRODUCTIONS 2022 - Réalisée par Caroline Puig-Grenetier.

Parmi eux des prêtres de la Mission de France - dont l'équipe de Hussein Dey expulsée d’Algérie.

 

 

Afin de compléter ce que je découvrais dans la vidéo réalisée par Caroline Puig-Grenetier, je ré-ouvris le Livre d’Olivier pour me rendre au chapitre 14 où il est question de cette guerre d’Algérie et du comportement des chrétiens. Voir ci-dessus l’extrait que j’en fais.

 

 

L'affaire du Prado

 

... ou ce que la presse, toujours en mal de nouvelles à sensation, crut bon d'appeler telle. Rappelons-en brièvement le contexte. Jacques Soustelle, ancien représentant du gouvernement à Alger, venait d'être nommé ministre de l'Information. Il était alors fort mécontent de la ligne adoptée par le général de Gaulle. Il lui reprochait en particulier d'avoir dissout les « Comités de Salut public », qui défendaient l'Algérie française avec des moyens que l'Église avait plusieurs fois dénoncée. Dès lors, Soustelle cherchait en sous-main à opposer les chrétiens à l'œuvre gouvernementale en métropole, pour gêner de Gaulle dans sa politique algérienne. Du moins est-ce l'analyse que l'on fit dans les milieux proches du Vatican, quand une affaire d'importance mineure, survenue à Lyon, fut épinglée par la presse française, comme s'il se fût agi d'un cas où la sécurité nationale était mise en danger par des ecclésiastiques. D’ailleurs, au même moment, Bernard Boudouresque, prêtre de la Mission de France attaché au C.N.R.S., était arrêté en région parisienne pour avoir « hébergé des terroristes algériens ». En quoi le Prado, à Lyon, était-il impliqué dans « l'affaire » ?

Un prêtre du diocèse de Lyon, Albert Carteron, avait reçu du cardinal Gerlier, mission d'assurer une présence auprès des Algériens. Ce prêtre n'était pas du Prado bien qu'il y comptât, outre l'un de ses frères, de nombreux amis. Le 15 septembre 1958, il avait envoyé un Algérien à Louis Magnin, coresponsable avec Joseph Chaize de la formation des pradosiens au Noviciat « des Clochettes », à Saint-Fons. Cet Algérien, membre du F.L.N., avait demandé au Père Magnin de mettre à la disposition de son organisation d'aide sociale aux familles de détenus une chambre du Noviciat où l'on puisse éventuellement entreposer de l'argent. Les Pères du Noviciat avaient accepté de rendre ce service. Or, le 14 octobre, les responsables algériens de l'entraide sociale étaient arrêtés à Lyon ; et le lendemain les Pères Chaize et Magnin étaient déférés au Parquet pour un long interrogatoire. Le 18, Louis Magnin était inculpé d'« atteinte à l'intégrité du territoire ». Motif : apprenant l’arrestation des membres de l’organisation F.L.N., il avait détruit les listes que ceux-ci avaient laissées, avec de l’argent, dans la chambre qu’ils utilisaient au Noviciat de Saint-Fons.

Les faits s'arrêtaient là. Ce fut aussitôt une bourrasque dans l’opinion publique. Les cardinaux se trouvant justement à Rome à ce moment-là, réunis en conclave pour élire un successeur à Pie XII décédé le10 octobre, Mgr Ancel était temporairement responsable du diocèse de Lyon. Les cardinaux Gerlier et Liénart firent à Rome le 22 octobre une déclaration commune pour défendre leurs prêtres : le Prado et la Mission de France étaient de nouveau ensemble du côté de ceux qu'une société bien pensante cloue si facilement au pilori. Tous les journaux, quotidiens et hebdomadaires, y allèrent de leur article ou de leur enquête. Les communiqués, favorables ou hostiles aux prêtres, fusaient de partout. Joseph Folliet fit plusieurs mises au point savoureuses dans La Croix

ou Témoignage chrétien. Mgr Ancel, se désignant lui-même à la vindicte judiciaire, déclara que « ces prêtres ayant toujours obéi à leurs supérieurs et à l'autorité épiscopale, c'est donc vers ces mêmes autorités que la justice devait désormais se tourner ».

 

Déclaration reproduite dans Le Figaro du 21 octobre 1958. Le journal de Pierre Brisson souhaitait que la justice trouve auprès de la hiérarchie ecclésiastique « les apaisements nécessaires ».

Parmi les hebdomadaires, Jour de France fit un reportage particulièrement hostile et mal informé. À l'inverse, les deux journalistes venus enquêter pour Paris-Match, François Gragnan et Dominique Lapierre, s'en revinrent ébranlés ; le magazine publia la mise au point suivante : « Nos reporters étaient allés à Lyon pour une affaire de justice : celle des deux abbés accusés d'aide au F.L.N. Ils pensaient trouver un fait divers. Ils ont rencontré une œuvre admirable qui, née à Lyon, a déjà essaimé dans 70 diocèses. Les prêtres du Prado, qui ne demandaient que le silence et dont le cardinal Gerlier a pris la défense dans une déclaration sensationnelle, donnent l'exemple de la pauvreté à ceux qui la subissent et sont là au nom de la seule charité chrétienne, pour aider ceux qui souffrent, quelque soient leur race ou leur religion » (Paris-Match, 1er novembre 1958).

 

Enfin, le 30 octobre, le Père Ancel envoyait une lettre confidentielle à tous les prêtres du Prado pour les informer des faits exacts. Il donnait en outre le commentaire suivant : « Il est rare que l'on ait le grand honneur de souffrir pour l’Évangile : raison de plus pour éviter avec soin tout ce qui pourrait ternir cet honneur (…). En ces jours douloureux, nous devons nous sentir encore plus liés à nos frères de la Mission de France. Il me semble que la déclaration commune des cardinaux Liénart et Gerlier nous aura encore davantage unis dans le même amour du Christ et des pauvres (…). Quand il s'agit de rendre service à des pauvres, on ne cherche pas à savoir si on a affaire à des amis ou à des ennemis. On ne s'occupe pas non plus des opinions politiques des uns ou des autres (...). Nous devons donc remercier le Seigneur de ce qu'il a bien voulu (nous) juger digne de souffrir quelque chose pour le Nom du Christ et nous devons trouver, en tout cela, une occasion de nous renouveler dans l’amour des pauvres (.). J'insisterai simplement sur un point qui me parait extrêmement important : il faut que notre témoignage soit pur. Ce doit être un témoignage de prêtres et de disciples du Christ (…). Le Père Chevrier, en nous demandant d'agir uniquement comme prêtres, nous permet de rendre témoignage d'une façon totalement pure. »

L'affaire du Prado, comme toutes les autres, céda bientôt la place à des événements nouveaux, et on l'oublia. Près de deux ans plus tard, peu avant d'avoir à quitter Gerland, le Père Ancel, qui remontait en vélo l'avenue Jean-Jaurès à Lyon, fut happé par une voiture. Projeté en arrière, le Père Ancel fut atteint d'une fracture au péroné et dut être soigné quelques jours à l'hôpital Saint-Joseph. Son premier visiteur fur un membre du F.L.N... qui était persuadé qu'il s'agissait là (selon le témoignage d’Henri Le Masne) d’un attentat imaginé par le M.N.A. (Mouvement Nationaliste Algérien) » !

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