Nous n’avons pas nécessairement besoin d’un prêtre pour nous rassembler ; la vie de l’Église ne se résume pas à la messe
Espérons des fraternités locales qui permettent de prendre conscience que nous n’avons pas nécessairement besoin d’un prêtre pour nous rassembler, que la vie de l’Église ne se résume pas à la messe.
Relisant avec la famille du Prado l’appel de François à vivre la fraternité *, je repense à de nombreuses homélies où j’ai dit combien la réunion de prière d’une communauté chrétienne était importante et qu’elle devait se vivre, quelle que soit la présence ou l’absence d’un prêtre.
Ce n’est pas le prêtre qui, à la racine, fait l’Église, mais les fidèles du Christ qui se rassemblent autour de l’Évangile quoiqu’il arrive.
Prêtre auxiliaire.
Avant je l’entendais ; en retraite de la fonction de curé, maintenant, je le vis. Quand on prend souci de l’équilibre de vie d’un prêtre retraité en bonne santé, on observe quel service il pourrait rendre. Cela se conclut par : « tu pourrais aller dire la messe là où l’on manque de prêtres ».
Il me semble qu’il faille aborder autrement la question de l’occupation d’un prêtre retraité. À savoir : quelle communauté, animée par la lecture, méditation et prière avec l’Évangile aimerait recevoir dans son assemblée priante, un prêtre retraité ? Les baptisés, « comme des grands », se réunissent pour prier ensemble. Si dans l’assemblée se trouve un prêtre, alors pourquoi ne pas vivre la prière eucharistique. S’il n’y a pas de prêtre apte à célébrer (le prêtre présent, très âgé, peut ne pas pouvoir célébrer le repas du Seigneur), pas de problème, l’assemblée prie quand même, selon ses habitudes en absence de prêtre, même si l’un est présent.
Il me semble que c’est ce qui signifie l’évêque de Grenoble dans sa lettre pastorale du 19 mai 2013 :
"Pour une mise en place des fraternités locales"
"Dans la lettre pastorale que j’adressais aux chrétiens du diocèse à la Pentecôte, j’invitais à la création des « fraternités locales » qui rassemblent une dizaine de chrétiens au maximum autour de la Parole de Dieu.
Le temps est venu de mettre en œuvre ce projet. Pourquoi ? Parce qu’il devient urgent, dans la société sécularisée au milieu de laquelle nous vivons, de prendre les moyens de nous fortifier dans la foi et de renouveler nos communautés à partir du Christ ; il nous faut resserrer et rénover le tissu ecclésial très distendu et fatigué du fait de la baisse du nombre de pratiquants et du nombre des prêtres."...
Mgr de Kerimel
Le journal la Croix a rédigé un article que je trouve très intéressant pour alimenter la réflexion sur ce sujet. Je vous invite à le lire. Voir ci-dessous. Il explicite ce que je pense avoir dit aux chrétiens des Pentes de la Croix rousse quand on leur signifiait, vu leur petit nombre et le coût financier énorme qu’occasionne la taille du bâtiment, la fermeture des locaux et de l’église St-Polycarpe. « Une paroisse se doit d’être financièrement autonome ! » Non, ce n’est pas le prêtre qui fait la paroisse, mais les fidèles du Christ. L’Église locale existe même en absence de prêtre. L’Église locale accueille le prêtre qui éventuellement se présente.
Le journaliste de la Croix, Bénévent Tosseri, relève cette phrase entendue d’un curé : « En zone rurale, « lorsque je parle fraternités locales, l’on me répond planning des messes ». « Ailleurs, poursuit-il, c’est le rythme de vie trépidant des jeunes ménages qui entrave les meilleures volontés. Quand on ne comprend pas tout de suite l’intérêt de ces fraternités ».
Dans le diocèse isérois, les chrétiens sont appelés à se retrouver régulièrement autour de la parole de Dieu.
Dans le diocèse isérois, les chrétiens sont appelés à se retrouver régulièrement autour de la parole de Dieu.
Jusqu’à ce qu’elle aborde deux femmes d’origine africaine à la messe, Françoise Magnat éprouvait quelques difficultés. Dans les premiers temps, la fraternité locale qu’elle voulait monter dans le quartier populaire de Champfleuri, dans le nord de Bourgoin-Jallieu, se résumait à elle seule. « Autant dire à personne », sourit cette retraitée.
Là comme ailleurs, il faut une certaine dose de volontarisme pour créer ces cellules d’Église autour de la parole de Dieu, souhaitées dans chaque quartier et chaque village par l’évêque de Grenoble, Mgr Guy de Kerimel.
Dix-huit mois plus tard, elles se mettent « lentement en place, dit-il. Je n’en suis pas surpris ! Il s’agit d’un vrai changement de mentalité. » L’ambition n’est rien moins que de recomposer le tissu ecclésial, « très distendu et fatigué du fait de la baisse du nombre de pratiquants et du nombre de prêtres », écrivait-il dans sa lettre pastorale.
« CERTAINS D’ENTRE NOUS N’AURAIENT PAS OSÉ EN PRÉSENCE D’UN PRÊTRE »
Le nouvel équilibre repose sur un centre paroissial où est célébrée une messe chaque dimanche, porteur de toutes les propositions, d’une part ; et par des fraternités locales, constituées autour de chaque clocher, d’autre part.
« Nous n’avons presque plus de messes, les églises sont fermées à clé, déplore ainsi François Guignot, référent d’un relais paroissial rural du Nord-Isère. Et moins nous nous voyons, moins nous avons de choses à nous dire », confie ce retraité de la métallurgie.
Les habitants de Saint-Alban-de-Roche et de Domarin ont aussitôt répondu favorablement à l’appel de l’évêque. « Dès la première réunion, après avoir lu les Évangiles, chacun a pris la parole à tour de rôle, sans s’interrompre, rapporte-t-il. C’était extraordinaire. Certains d’entre nous n’auraient pas osé en présence d’un prêtre. »
« LA VISIBILITÉ DE L’ÉGLISE NE PASSERA PLUS PAR SES BÂTIMENTS »
Cela ferait sourire le P. Christophe Delaigue. Le curé trentenaire de la paroisse Saint-François-d’Assise rayonnant autour de Bourgoin-Jallieu espère justement des fraternités locales qu’elles permettent aux paroissiens de « prendre conscience qu’ils n’ont pas nécessairement besoin d’un prêtre pour se rassembler, que la vie de l’Église ne se résume pas à la messe ».
C’est l’une des raisons de la mise en place des fraternités dans ce diocèse dont un tiers des quarante-six paroisses dépassant parfois les 50 000 habitants doivent se partager un curé.
Même dans la paroisse Saint-François-d’Assise, pourtant bien lotie, avec quatre jeunes prêtres, certains clochers n’ont une messe que tous les quatre mois. Pour le P. Delaigue, « la visibilité de l’Église ne passera plus par ses bâtiments, où l’on ne montre que le vide à voir, mais par les chrétiens qui se rassemblent. »
« LORSQUE JE PARLE FRATERNITÉS LOCALES, L’ON ME RÉPOND PLANNING DES MESSES »
Une douzaine de fraternités ont ainsi été créées, pour moitié en ville, pour moitié en zone rurale. Un chiffre encourageant, mais pas encore à la hauteur des ambitions dans cette grande paroisse de 56 000 habitants comptant 27 clochers.
C’est que les freins à lever sont nombreux. En zone rurale, « lorsque je parle fraternités locales, l’on me répond planning des messes », résume le curé. Ailleurs, c’est le rythme de vie trépidant des jeunes ménages qui entrave les meilleures volontés. Quand on ne comprend pas tout de suite l’intérêt de ces fraternités.
Comme à Succieu, village de 700 habitants près de Bourgoin-Jallieu, où l’on s’est d’abord exécuté par obéissance. Avant que la fraternité ne trouve son rythme. D’abord centrée sur les paroissiens actifs, elle s’est progressivement élargie aux amis, puis aux connaissances.
CELLULES MISSIONNAIRES
Depuis le Carême, une dizaine de personnes se réunissent ainsi mensuellement dans une salle paroissiale. Avantage, « il n’y a rien à préparer », souligne Valérie Pagès, paroissienne impliquée. Il leur suffit d’imprimer les fiches mises en ligne par le service de formation diocésain, reprenant l’Évangile dominical à venir et proposant quelques pistes de réflexion. « Ce sont des moments très riches, dit-elle. Des personnes peu ou pas impliquées dans l’Église nous ont rejoints. Pour moitié, elles ne sont pas pratiquantes, mais acceptent volontiers ce partage. D’autres ne venaient plus à la messe qu’au village. »
À Bourgoin-Jallieu, « certains paroissiens qui se croisaient à la messe ont découvert qu’ils habitaient le même quartier », relève le P. Delaigue, rappelant aux fraternités la nécessité d’inviter largement autour d’elles. C’est l’ADN de ces cellules missionnaires, qui dépériraient si elles demeuraient repliées sur elles-mêmes.
Il en fut ainsi à Saint-Alban-de-Roche et Domarin, où la fraternité rassemblant au départ les membres de l’équipe du relais paroissial s’est subdivisée après avoir bien grandi. Une première équipe rassemble les seniors, l’après-midi. Une autre les jeunes couples, en soirée. Les participants viennent « avec plaisir, souligne François Guignot. Nous commençons toujours par nous donner des nouvelles, ce que nous ne faisions plus auparavant, lorsque nous nous croisions trop rapidement en sortant de la messe, à Bourgoin-Jallieu. »
Bénévent Tosseri, à Bourgoin-Jallieu (Isère)
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PORTRAIT-ROBOT DE CES « CELLULES D’ÉGLISE »
Les fraternités locales répondent à plusieurs critères décrits par Mgr de Kerimel dans une lettre pastorale dévoilée à la Pentecôte 2013.
Constituée sur initiative personnelle ou à l’appel du curé, chacune de ces « cellules d’Église » doit rassembler au moins « deux ou trois » personnes, et inviter largement. Elles doivent se subdiviser dès qu’elles dépassent les dix participants.
Dans l’idéal, les rencontres doivent durer « entre 1 heure et 1 heure 30, toutes les semaines ou tous les quinze jours », autour de l’évangile dominical à venir. Dans les faits, les fraternités se rassemblent moins fréquemment.
« Mais l’essentiel, pour l’heure, est d’en donner le goût », estime le P. Christophe Delaigue, prêtre modérateur de la paroisse Saint-François-d’Assise de Bourgoin-Jallieu.
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* La fidélité à être disciple passe enfin, et elle y est éprouvée, par l’expérience de la fraternité, lieu théologique, dans lequel nous sommes appelés à nous soutenir dans le oui joyeux à l’Évangile: « C’est la Parole de Dieu qui suscite la foi, la nourrit, la régénère. C’est la Parole de Dieu qui touche les cœurs, les convertis à Dieu et à sa logique qui est si différente de la nôtre; c’est la Parole de Dieu qui renouvelle constamment nos communautés »