Le mystère ne signifie pas que la foi et les vérités de foi soient contraires à l’intelligence, mais qu’elles en dépassent les limites
1ère lecture : « La gloire du Seigneur s’est levée sur toi » (Is 60, 1-6)
Psaume : Ps 71 (72), 1-2, 7-8, 10-11, 12-13
2ème lecture : « Il est maintenant révélé que les nations sont associées au même héritage, au partage de la même promesse » (Ep 3, 2-3a.5-6)
Évangile : Nous sommes venus d’Orient adorer le roi (Mt 2, 1-12)
Homélie 8 janvier 2017
Il ne m’est pas possible de parler des textes de ce dimanche de l’épiphanie sans évoquer le travail accompli à Lyon par les membres de la Coordination Urgence migrants rassemblés en colloque ce samedi 7 janvier. Et, si cela vous dérange que je parle à partir d’un vécu immédiat, je vous en demande pardon, invitant alors à n’entendre que la parole d’Évangile.
Il y eut ce samedi, plus de 200 personnes, réunies pour que soient mises en place d’une façon permanente les bonnes conditions d’accueils des migrants.
Ouvrons l’Évangile.
Qui sont ces traditionnels trois mages, sinon des migrants ? Ils sont sortis de chez eux poussés par le désir de voir la manifestation de Dieu.
Épiphanie, fresque du XII°, Cappadoce. Wikimedia CC public domain. Source.
Je rappelle le sens du mot épiphanie.
L'Épiphanie : c'est la présentation de Jésus aux mages, des prêtres perses originaires de Babylone, réputés pour leur connaissance des astres. Le mot Épiphanie vient du grec Ἐπιφάνια ; ce terme a été traduit en latin par apparitio (apparition). Jésus apparaît dans sa divinité à ses hommes venus d’ailleurs.
« ils virent l’enfant avec Marie sa mère ; et, tombant à ses pieds, ils se prosternèrent devant lui. »
Nous connaissons bien les récits qui relatent l’histoire des rois-mages. Aussi, je me permets de ne pas insister sur eux afin d’atteindre le sommet de la liturgie de ce dimanche. Effectivement, l’eucharistie, de ce dimanche de la manifestation de Dieu (épiphanie), nous invite à contempler le mystère de Dieu qui devient homme pour parler de lui, avec nos propres mots humains, à tous les hommes de toute la Terre. Contemplons, communions, adhérons au mystère du Verbe fait chair afin de parler à toutes les nations. Entrons dans l’incompréhensible. Ouvrons-nous à l’universel. C’est par la foi que la connaissance et la compréhension viendront. C’est la foi au Père qui pousse à tout faire pour qu’aucun étranger ne soit méprisé et rejeté à la rue comme un animal.
Pour cela, reprenons la deuxième lecture.
« Vous avez appris (écrit Paul) en quoi consiste la grâce que Dieu m’a donnée… il m’a fait connaître le mystère… Ce mystère, c’est que toutes les nations sont associées au même héritage, au même corps, au partage de la même promesse, dans le Christ Jésus, par l’annonce de l’Évangile. »
Qui est Paul ?
Paul et né loin de Jérusalem, à Tarse en Cilicie (actuelle Turquie). C’est un membre de la diaspora juive informé des coutumes païennes romaines et grecques, c’est-à-dire païennes, non juives. Ses parents l’ont formé à une vie pluriculturelle ouverte à tous les courants de pensée. Réussir dans les affaires devait être leur premier souci.
Paul avait certainement une ferveur religieuse qui dépassait, voir inquiétait son entourage. Il souhaite mieux connaître la Loi d’Israël et pour cela il se rend à Jérusalem dans une école supérieure d’enseignement de la Thora (La Bible, la Loi juive). Certains historiens le décrivent comme un jeune fou, surexcité, fanatique, prêt à tous les coups pour que triomphe la cause pharisienne à laquelle il croit fermement. Je me l’imagine avec des vêtements qui signalent son intégrisme religieux. Il est dangereux de le rencontrer, car il peut tuer. C’était son but quand il se rendit à Damas avec des lettres accréditant son pouvoir d’arrêter des fidèles du Christ Jésus. Il me semble qu’il n’est pas illusoire de comparer le Paul de cette époque avec les intégristes sectaires de toutes les religions.
Qui sont les Mages ?
Ces savants viennent de très loin se prosterner devant un bébé. Ils suivent une conviction interne qui les a propulsées en dehors de leur pays, au risque de leur vie. Ils sont quand même prudents comme on le voit avec leur démarche auprès d’Hérode. C’est là que nous entrons dans le Mystère.
Paul, après avoir été bouleversé par le Christ lui-même qui s’est montré à lui dans son corps de ressuscité, appartient désormais à la tendance de ceux et celles qui acceptent de quitter le ronronnement de la vie quotidienne légalisée. Il est, dans les pas des « mages-savants », aptes à reconnaître la grandeur de Dieu dans le fils d’une femme.
« Par révélation, il m’a fait connaître le mystère du Christ ».
« Ce mystère, c’est que les païens sont associés au même héritage, au même corps, au partage de la même promesse, dans le Christ Jésus, par l’annonce de l’Évangile.
Que veut dire mystère ?
Le mot mystère s’emploie couramment pour parler de ce qui est secret, ou caché. Dans l’Église on définit le mystère comme une vérité inaccessible à la raison, mais que Dieu donne à connaître en se révélant. Le mystère ne signifie pas que la foi et les vérités de foi soient contraires à l’intelligence et à la raison, mais qu’elles en dépassent les limites. La démarche de la raison ne suffit pas pour introduire dans la plénitude de sens des mystères, il faut une disposition intérieure d’accueil au don gratuit de Dieu.
Les mages ont rendu visite à la famille de Jésus et nous, aujourd’hui, nous accueillons le don que Dieu nous accorde en essayant de le comprendre tout en acceptant de ne pas tout comprendre.
D’Abraham à aujourd’hui, Dieu veut un peuple de frère et de sœurs, reconnaissant que l’ultime Absolu possible est Dieu Amour, hors toutes tendances sectaires.
Voilà, le mystère ce n’est pas un secret que Dieu garderait jalousement pour lui ; au contraire, c’est son intimité dans laquelle il nous fait pénétrer. Dieu miséricorde. N’est-il pas étrange que l’on soit conduit au tribunal pour avoir aidé des étrangers en danger, errant près de chez soi ?
« Les rois de Tarsis et des Îles apporteront des présents.
Dieu délivrera le pauvre qui appelle et le malheureux sans recours.
Il aura souci du faible et du pauvre, du pauvre dont il sauve la vie. »
Toutes les nations se prosterneront devant toi.
Prenons les moyens pour que, au quotidien, il en soit ainsi.
Enregistrement de l'homélie :