La pensée, pure activité, alliée à l'immobilité du corps est le propre de l’homme. Je ne suis jamais plus actif que quand je ne fais rien
Mercredi des cendres. Nous entrons en carême et il est, au moins en ce qui me concerne corps et âme, totalement nécessaire de vivre cette journée d’introduction dans un jeune authentique. Pour que l’esprit ne se laisse pas envahir par le matériel, des gestes concrets importent. Ils peuvent n’être que symboles ; ils marquent malgré tout, la pensée. Comme je le laissais entendre dans ma prédication dimanche dernier, la pensée domine l’esprit qui ne s’emploie qu’à raisonner les possessions et passions sans s’apercevoir que l’être humain en son essentiel est dominé.
Antoine Chevrier très souvent explique que seul l’Évangile importe. « Connaître Jésus Christ, c’est tout !... Le reste n’est rien ! Cette connaissance seule peut faire les prêtres »
Je suis désolé de ne pas m’en tenir à cette conviction. Toujours, la lecture des philosophes m’a grandement apporté. Je l’ai déjà dit, me semble-t-il, la découverte des textes de Hannah Arendt actuellement m’apporte beaucoup. Ce qui me semblant incompréhensible jadis, se montre à moi désormais avec beaucoup plus de clarté, de joie, de sérénité. N’est-ce pas tout simplement parce que le temps de retraite offre plus l’occasion de vivre dans l’être au lieu de se trouver coincer dans le faire ?
Je viens de mettre à jour le site de Résurgences, nouveau nom de Confluences. Pour cela il m’a fallu relire les grandes lignes des orientations de cette Association culturelle et chrétienne. J’ai de nouveau découvert que pour grandir, il convient d’avoir le temps de contempler les subjectives beautés des créations artistiques. Vivre le silence, entrer dans la nuit pour percevoir la lumière, se laisser prendre par l’éveil, la prière, la contemplation comme le montrent les subtiles photographies d’Éric Bennetto. Avec la modernité technique, le monde s’est laissé emporté par les flots du productivisme et du consumérisme. Mercredi des Cendres. Carême. Le temps est venu de subvertir l’action par la contemplation. La vie ne peut qu’être active, elle se doit, en tout premier lieu d’être contemplative.
« Puisque la pensée, dialogue silencieux du moi avec moi-même, est pure activité de l'esprit alliée à l'immobilité complète du corps - « Je ne suis jamais plus actif que quand je ne fais rien » (Caton) - les difficultés soulevées par les métaphores venues de l'audition seraient aussi considérables que celles que crée la métaphore visuelle. (Bergson, encore très attaché à la métaphore d'intuition pour l'idéal de vérité, parle du "caractère essentiellement actif de l'intuition en métaphysique” sans s'apercevoir de la contradiction entre le calme de la contemplation et une activité quelconque, pour ne pas dire violente.) Aristote, lui, décrit « l'activité philosophique, energeia », comme « l'activité parfaite et sans entraves qui (pour cette raison même) abrite en elle-même le plus doux des délices » (La vie de l’esprit, p. 165).
C’est dans le repos qui laisse place à l’épanouissement de l’âme que de réalise l’existence. Le loisir (otium) surpasse le commerce (negotium).
J’ai découvert un site internet qui mérite d’être fréquenté. J’en extrais cette phrase : « Parmi les conséquences spirituelles des découvertes de l'époque moderne, la plus grave peut-être et, en même temps, la seule qui fût inévitable puisqu'elle suivit de près la découverte du point d'Archimède et l'apparition connexe du doute cartésien, a été l'inversion de hiérarchie entre la contemplation et la vie active. L'expérience fondamentale à l'origine de cette inversion fut que l'homme ne put apaiser sa soif de connaître qu'après avoir mis sa confiance dans l'ingéniosité de ses mains. Ce n'est pas que la vérité et la connaissance perdissent leur importance, c'est que l'on ne pouvait les atteindre que par « l’action » et non plus par la contemplation. »
Entré en carême, le disciple du Christ se doit de montrer le chemin de la vie sobre, simple, libéré des contraintes du productivisme afin de donner tout le champ à la pensée, le siège de l’âme en quête de l’amoureuse-vérité de son Créateur.