Pour que l’Évangile soit connu et accepté, il convient qu’il soit vécu au milieu des gens avant d’être proclamé et (ou) expliqué
sources des photos ina et Pentecôte 2001
Ma position de retraité de la tâche de curé me donne la possibilité de regarder et d’observer la vie des Églises locales, des paroisses. Par ailleurs, mon travail à l’équipe de rédaction de la revue du Prado Quelqu’un parmi nous, confirme le sentiment que j’éprouve souvent quant à la place, aujourd’hui, du prêtre dans la société. Il est de plus en plus loin des gens, du peuple.
Nous en parlions donc au dernier comité de rédaction de Quelqu’un parmi nous. Le sujet du prochain numéro est la multiplicité des langues, des habitudes, des religions dans un même quartier* : « Dans les lieux où nous vivons, comment est ressenti le brassage des cultures ? » À la question posée à un curé : « que disent les gens, de toutes ces nations différentes qui se côtoient sur ta paroisse ? » il me fut répondu : « Je ne rencontre pas vraiment les familles dans leur milieu de vie ; donc, je ne sais pas quoi dire ».
Analysant cela, une fois de plus, nous avons constaté qu’absorbés par toutes les taches religieuses, les prêtres n’avaient pas vraiment le temps de rencontrer les personnes dans leur milieu de vie. De plus, les chrétiens viennent les rencontrer, non pour pour parler de ce qu’ils vivent, mais pour recevoir un sacrement : baptême du nouveau né, communion eucharistique, messes pour des défunts ; sans oublier les cérémonies de sépulture. Et il y a aussi le catéchisme des enfants. Tout cela prends beaucoup de temps et demande aux curés une organisation d’autant plus précise que la taille de la population vivant sur la paroisse est grande. En ville, un arrondissement de plus de 40 000 habitants occasionnent beaucoup de demandes auxquelles il faut répondre.
Certes, beaucoup de taches religieuses pourraient accomplies par des baptisés ayant reçus la formation adéquate. Mais la tendance reste forte que cela doit venir exclusivement du prêtre. Je peux apporter un exemple récent. Sur la paroisse où je vis, les familles qui demandent le baptême de leur enfant sont réunies pour une première présentation et explication du sens du sacrement. Suite à ce premier contact, une fois le dimanche choisi pour la célébration du baptême, les familles qui se trouvent le même jour attendent que le prêtre donnant le sacrement les réunissent. Pour cela, ice prêtre doit prendre le temps de leur téléphoner, de leur écrire (via internet) afin de fixer un rendez-vous qui convienne à tous. Ne serait-il pas plus juste que la prise de contact soit réalisée par les familles elle-mêmes ? Cela les mettrait davantage dans le coup d’une action où les parents doivent être acteurs du suivi attaché à la demande du baptême pour les bébés.
C’est ainsi que je pratique. Il y a d’emblée un grand dynamisme occasionné par le fait, qu’au lieu d’attendre une convocation du « curé », les personnes directement concernées se sont organisées. Le prêtre se rendant auprès des familles dans le lieu choisi par celles-ci n‘est plus l’organisateur, mais l’invité. Il me semble que cela change fortement les rapports et qu’ainsi une plus grande connaissance de ce que vivent les gens est davantage possible.
En fait, parlant ainsi, je parle -me dit-on- comme une vieux. En effet, les jeunes prêtres se sentent très à l’aise dans le rôle de l’animateur. Vue l’actuelle taille des communautés paroissiales à gérer, il faut avoir le sens de l’organisation. Du reste, ces jeunes prêtres très branchés sur le managment des entreprises en retiennent le vocabulaire opérationnel. Le pasteur se doit d’être un bon chef d’entreprise.
Or, c’est cette conception qui m’interroge. Ce mode d’être « curé » n’éloigne-t-il pas des gens ? Il ne baigne plus volontairement dans l’antique pastorale de l’immersion des années 50 - 70 du XXe siècle à l’école de Madeleine Delbrêl et des prêtres-ouvriers. Nous autres, gens des rues.
Certes, on va me dire que nous ne sommes plus dans les années 70 ; que le monde ouvrier, la classe ouvrière n’est plus. Je concède. Mais j’insiste. Informé par l’observation de la société actuelle de ce qui a changé, il importe, dans le présent, de voir comment convertir l’Église pour qu’elle enrichisse sa connaissance des personnes en étant proche de tous. Donc des plus pauvres. Le débat, prévu dans la salle du Prado le mardi 11 avril à 18 h 30, abordera cette question missionnaire en évoquant le souvenir des prêtres ouvriers.
Pour me préparer à cette rencontre et conférence-débat, je suis heureux d’avoir découvert deux films que je propose à votre vision. Ils s’inscrivent dans ma méditation engagée suite à l’échange concernant l‘engagement des chrétiens qui se situent à gauche.
Le premier film, dans les années 70, est un reportage à Colombes où des prêtres de gauche vivent au milieu des ouvriers. Le père Louis Recif, prêtre ouvrier, Gilbert, ouvrier à Paris et Huguette, mère de famille, de gauche et militante dans des organisations familiale donnent leur témoignage.
Le deuxième film, un téléfilm d’1 h 40, est réalisé dans le style « réalité-fiction ». Il montre, datée en 1974, la démarche du père Georges Gauthier qui assiste impuissant à l'exode rural. Sa paroisse se vide. Afin de retrouver le sens de sa vocation première, de redonner sens à sa vie, il suit les jeunes de son pays jusqu'à la ville, jusqu'à l’usine. Il s’inscrit alors dans la ligne missionnaires des prêtres-ouvriers.
À mon avis, il ne faut pas dire trop vite que les prêtres-ouvriers appartiennent au passé. La nécessité missionnaire d’une vie proche des gens se fait toujours sentir. La présence de prêtres proches des personnes et de leur vie ne peut que de nouveau se concrétiser sous une forme qui sera pas celle d’un curé « patron » d’une méga-paroisse. Je peux en témoigner, tant par mes heures passées dans le travail en tant que serveur de restaurant ou barman, et de commissaire d’exposition en art plastique.
* L’appel à écriture pour la revue Quelqu’un parmi nous :
Que l’on reste chez soi ou que l’on sorte dehors, sans cesse on s’aperçoit que le monde entier se trouve à sa porte. La télévision informe sur le monde entier. La rue donne à entendre, sinon toutes les langues, du moins un grand nombre. Dans le métro, par exemple, on peut percevoir des gens originaires de Russie, de l’Europe de l’Est, d’Asie, d’Amérique du Nord et du Sud. La langue arabe côtoie des dialectes de l’Afrique subsaharienne. Les migrants transforment le quartier en une place de village où tous les peuples se rassemblent.
Il est possible de faire un autre constat. Les vêtements achetés viennent d’Asie parce que moins chers. Et l’on constate qu’ils correspondent à nos habitudes. Effectivement, la façon de s’habiller est imposée par les riches pays industriels. Voilà la mondialisation. Elle est une uniformisation des loisirs, des modes de vie et des habitudes. C’est une perte de la richesse des diversités culturelles. Un appauvrissement.
Dans les lieux où nous vivons, comment est ressenti ce brassage des cultures ?
Est-ce que je rencontre mon voisin portugais, péruvien, algérien, indien, congolais, albanais, roumain… au point d’être enrichi par son mode de vie, la connaissance qu’il m’apporte de son pays, du pays de ses parents ? Ou est-ce que, soumis à la production internationale, j’accepte les influences des États-Unis : musique, langage, alimentation… Telle est l’occidentalisation du monde ?
Alors, à vos plumes d’oie ou clavier d’ordinateur. Nous vous invitons à nous dire comment vous vivez au quotidien le croisement des habitudes, des modes, des façons de s’habiller, de manger. Quelles musiques écoutez-vous ? Rencontre des cultures ou uniformisation ?
Vous avez envie d’un texte ? Pas de problème ! Je serai heureux de le recevoir.