Je n’aurais jamais pu supporter son artificiel maintien dans un coma profond sans issue, le voyant maintenu prisonnier en son être profond
En accueillant la Résurrection en nous, nous laissons le Christ « faire toutes choses nouvelles » en recréant en nous son image.
Vincent Lambert ! Voilà plus de 10 années.
La réalité n’est évidemment pas facile. On dit complexe la situation. Et, c’est évidemment vrai.
En ce qui me concerne, j’ai signifié, en le mettant par écrit pour le remettre à qui de droit, qu’atteint d’une maladie grave, ou ayant subi un accident conséquent, ou ayant atteint un âge remarquable, je ne voulais recevoir de nourritures que par le biais d’une cuillère. Une alimentation forcée par des systèmes techniques sort du naturel et se rapproche de l’acharnement à vouloir rester en vie.
Selon notre foi chrétienne, ne parle-t-on pas de Résurrection ? Alors, pourquoi vouloir éloigner artificiellement le moment de la rencontre du Père éternel, de son Fils et de leur Esprit dans la gloire indéfinissable ? Il me semble au contraire que les chrétiens devraient donner le témoignage de la joie de la résurrection. S’ouvrir à la mort.
L’Évangile de ce jour : « Je m’en vais, et je reviens vers vous. Si vous m’aimiez, vous seriez dans la joie puisque je pars vers le Père, car le Père est plus grand que moi. »
En notre époque, manque la sagesse du XIXe siècle vue dans le désir de vivre une « bonne mort » et de se préparer à cet inévitable événement. Au contraire, on croit en une technique qui va nous rendre éternels. Ineptie de l’homme augmenté ! Cyborg.
Les évêques parlent de décisions prises dans la précipitation. Après 10 ans quelle précipitation ? Je vois plutôt dans le camp qui s’exprime via les médias de l’acharnement presque politique. Une conception morale terrestre fermée à la réalité de la résurrection dans l’éternité.
Certes, m’exprimant sur la Paradis, je ne nie pas mon ignorance. Le mystère de la vie éternelle en Dieu n’est que mystère. L’acte de foi l’emporte indéfiniment sur la certitude. Je crois ! Je ne sais pas. Je ne connais pas. J’espère. Et dans le matérialisme de notre temps, j’estime, comme tous chrétiens, que je me dois de témoigner de cette foi en la résurrection. Dans mes homélies, je tâche souvent de l’exprimer. Aujourd’hui, le plus témoignage que les chrétiens peuvent donner, c’est celui de ne pas craindre les derniers instants de vie. Non qu’il s’agisse de se précipiter dans la mort, mais de pas empêcher artificiellement la venue de la dernière heure. Pourquoi retarder indéfiniment ce qui doit de toute façon advenir ?
Alors, je me retrouve totalement dans l’expression de Christian Delvallez, Courrier des lecteurs de La Croix au 20mai 2019.
Voici : Vincent Lambert. Son âme doit pouvoir s’élever dans le royaume des Cieux
Je n’arrive pas à comprendre l’acharnement de parents qui refusent que leur enfant connaisse enfin la paix de Dieu. Son âme doit pouvoir s’élever dans le royaume des Cieux comme cela est pleinement écrit dans les Évangiles. Est-ce que son âme reste prisonnière dans ce corps meurtri et à tout jamais sans vie ? J’espère bien que non ! Et je dis cela sincèrement au nom de mon engagement chrétien.
En mai 2018, notre fils âgé de 45 ans est décédé à la suite d’une embolie pulmonaire suivie d’un arrêt cardiaque. Il est resté deux jours dans le coma, après relance du cœur en hôpital toulousain, mais c’était trop tard, le cerveau était atrophié et les principaux organes ne fonctionnaient plus. Je suis resté auprès de lui, lui tenant la main chaude, le voyant respirer grâce à un appareillage dans une salle de réanimation, en sachant qu’il ne pourrait plus revenir à la vie terrestre. J’ai prié et je lui ai beaucoup parlé pour que son âme puisse quitter ce corps inerte et s’engager dans une autre dimension. Après deux jours, son cœur s’est arrêté et il a enfin pu partir vers une autre vie. Profondément triste, mais heureux de le savoir en route vers une vie céleste… Je n’aurais jamais pu supporter son maintien dans un coma profond sans issue en maintenant son être profond prisonnier.