Arrive un moment où il devient inopportun, inhumain (donc non chrétien) de tout tenter pour sauver des vies

Publié le par Michel Durand

un repas avec Suzanne chez des amis

un repas avec Suzanne chez des amis

Respirer !

Suivre sa respiration.

Je pense n’avoir jamais autant expérimenté l’importance de la respiration que depuis un bref passage en Cardiologie. Je m’explique. Cet acte de respirer est entièrement naturel. On respire de fait sans y porter attention. On respire un point c’est tout. On ne réfléchit pas à l’importance de cette spontanée respiration. On ne réfléchit pas à son processus.

Je ne me rappelle plus qui a dit à propos du mille-pattes que, s’il se mettait à penser à la progression de ses pattes, il risquerait de toutes les embrouiller et, en conséquence, ne plus avancer. De même, si je me questionne sur la façon de respirer, par quel organe dois-je commencer ? Je risque bien de ne plus respirer.

Je continue donc ces jours, à cause d’une certaine et réelle fatigue corporelle, à penser aux divers actes que nous posons pour vivre. Dans ce contexte, je me demande ce qui pour le monde d’aujourd’hui est le plus important : sauver des vies ou sauver la vie. Se rendre à la page d’Olivier Rey. Certes, j’ai ma réponse ; mais je continue à réfléchir.

En fait, non, je ne réfléchis pas. J’expérimente.

J’expérimente que, suite à un événement clinique, la respiration s’arrête. Certes, elle ne s’arrête pas totalement. Mais manifeste un essoufflement qui fait que pour redémarrer en effort de respiration s’avère indispensable. Au quotidien ordinaire, inspirer, expirer se montre avec tellement de naturel que, pour respirer, nous n’y pensons même pas. Nous respirions.

Rien, à mon sens, n’avertit que l’acte de vivre est lié à cette possible et spontanée respiration. On le sait sans vraiment l‘expérimenter. Or présentement, j’expérimente l’angoisse d’un souffle qui ne  se veut plus spontané comme en son habitude. Deux petits pas et me voilà essoufflé au point de de plu savoir comment reprendre une bonne respiration.

Il a rendu son dernier souffle. Voilà une bien belle expression qui indique que la mort est là justement quand nous ne respirons plus. La vie est souffle.

Tous les jolis poèmes que nous pouvons lire (rédiger) à ce sujet me semblent aujourd’hui bien pauvre en comparaison de l’expérience vécue d’un souffle qui, sans s’arrêter totalement, n’est plus aussi vif, régulier qu’au paravent à cause d’une maladie. Et je conclus : c’est dans ce contexte expérimenté que je pose (repose) la question de l’idolâtrie de l’acte qui consiste à sauver des vies sans se dire que de toute façon la vie a des limites que, surtout nous les disciples du Christ, nous ne pouvons refuser. Sachons nous préparer à la mort afin de vivre le véritable sens de la vie.

Dimanche dernier, en l’église Saint-Polycarpe, nous nous sommes retrouvés pour une eucharistie à l’occasion de la sépulture de Suzanne, presque 100 ans, morte au moment où toutes rencontres de prières étaient impossibles (pandémie Covid 19). Suzanne se sentait faiblir. Une première semaine , elle range ses affaires. Une deuxième semaine, elle ne se dérobe pas à la médecine. Une troisième semaine, assise, elle explique à ses amis : le moment de partir est venu. Il me semble qu’elle a fait comprendre au monde médical que le souci de sauver des vies n’était pas adéquat.

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