Que peut la non-violence des cercles de silence ? Témoigner, sans doute. Cela est juste. Ce que fit Alain Richard, jusqu'au terme de sa vie

Publié le par Michel Durand

Frère Alain Richard

Frère Alain Richard

Source de la photo

 

De nombreux participants aux cercles de silence se sont exprimés suite à l’annonce de la mort du frère Alain Richard. Je cite quelques phrases de divers courriels :

« Les frères franciscains viennent d'annoncer le décès du frère Alain Richard, fondateur des cercles de silences à Toulouse. Je retransmets l'information.« Merci de m' informer de cette  nouvelle qui attriste tous ceux qui l'ont côtoyé ne serait-ce qu'un instant. » 

À DIEU - Fr. Alain Richard est entré dans la Paix de Dieu, ce jeudi 24 juin 2021, à Avignon (84) dans sa 97e année, après 74 ans de vie religieuse et 68 ans de presbytérat. Fr. Alain Richard a notamment participé à plusieurs équipes des Brigades de paix internationales et est l'initiateur des Cercles de silence. Nous confions, son âme et ses combats pour plus de justice, à votre prière. La messe des funérailles sera célébrée lundi 28 juin 2021, à 10h 00, dans la chapelle du couvent des frères d’Avignon. »

« Nous  serons dans la pensée avec vous ».

« Je garde un souvenir merveilleux de son passage à Villefranche, dans cette soirée ACAT qui a été, grâce à lui, tout à la fois un moment de sérénité, un hymne de foi sans faille et un appel vibrant à l'action non violente pour les droits des oubliés de notre temps. Certains des présents ce soir-là ont eu le courage d'oser lancer un cercle de silence. ce cercle est toujours actif aujourd'hui. Merci les amis… »

« Qu'il vive la PAIX en Dieu comme il a été semeur de paix parmi les hommes !

Avec toute ma reconnaissance ! »

« Oui, il a aussi (ma reconnaissance). Il m’a mené sur le chemin des cercles de silence et de la non-violence. Je lui dois beaucoup.

Repose en paix Frère Alain !

«  Les frères franciscains de la communauté d’Avignon nous font part ce matin du décès du frère Alain Richard. Il était résident depuis quelques mois à la villa Béthanie à Avignon. » Une sœur Franciscaine.

Je suis émerveillé de voir comment le souvenir de ce frère demeurait présent. Il a marqué les membres fidèles aux Cercles de silence. Il a orienté et soutien cet engagement militant.

 

Voici la page du blogue de Patrick Rodelle (Mediapart) au 25 juin 2021. Une juste analyse de l’homme et de l’action.

« Alain Richard est ce prêtre franciscain qui a fondé, en 2007, les Cercles de silence.

J’avais eu la chance de l'accueillir, il y a une dizaine d'années. Impressionnant bonhomme. Il devait avoir dans les 85 ans. Tard couché, tôt levé. L'esprit vif toujours en éveil. Les conditions réservées aux sans-papiers dans les centres de rétention administrative le révoltaient. Il avait commencé,à Toulouse, sur la place du Capitole, ces manifestations silencieuses qui avaient rapidement essaimé dans le reste de la France. Alain Richard était un non-violent. Depuis ses années américaines а Chicago, oщ il travaillait dans les usines d'automobiles. D'abord comme militant déterminé contre les armes nucléaires ; puis comme membre des Brigades de Paix internationales au Guatemala, en 1985 ; après son expulsion du Guatemala, il était retourné aux EU où on le retrouve parmi ceux qui jeûnent devant l'ONU pour protester contre l'intervention américaine en Irak.

Quand on voit ce que sont devenues les conditions de vie dans les centres de rétention administrative de Bordeaux et d'ailleurs - elles se sont dégradées de manière inadmissible - on ne peut que s'interroger sur l'efficacité de manifestations comme celles des Cercles de silence. Le découragement a lentement réduit le nombre des participants, malgré l'obstination de certains qui ont continué à se réunir, une fois par mois, au chevet de la Cathédrale Saint-André, à Bordeaux. Mais c'est toujours le même mur auquel on se heurte (c’est moi qui souligne) : l'indifférence de la majorité des citoyens а l'image de ceux et celles qui traversaient le cercle le portable rivé а l'oreille sans s'étonner de ce rassemblement inhabituel, la surdité des autorités préfectorales et policières qui n'appliquaient même pas les quelques consignes d'humanité qui pouvaient leur avoir été données, après des grèves de la faim ou des suicides qui chagrinaient momentanément l'opinion publique ; la complaisance des forces de l'ordre devant l'hostilité des groupuscules fascistes qui venaient troubler le silence recueilli de ces hommes et de ces femmes, divers dans leurs engagements politiques et religieux, mais unis par un même souci de réclamer le respect de la dignité de tout être humain.

Oui, la question se pose. Que peut la non-violence devant ceux qui prétendent détenir le monopole de l'usage légitime de la violence - et savent si bien alterner la stratégie de l'usure et celle de la répression ?

Témoignez, sans doute, et cela n'est pas rien. Ce que fit Alain Richard, jusqu'au terme de sa vie.»  

 

Tous, parmi celles et ceux qui œuvrent au bénéfice des migrants ne suivent pas le mode d’action de la non-violence des cercles de silence et cela se comprend vu le peu d’efficacité politique auprès des décideurs. Deux courriels peuvent donner à penser qu’Alain leur a rendu visite la veille de sa mort. Je les cite en soulignant le trait d’humour que cela peut comporter. Je compte sur la compréhension des personnes concernées.

« Troublant. Cette nuit j’ai pensé au franciscain Alain Richard, fondateur des cercles de silence, ce qui ne m’était jamais arrivé. Et ce matin, je lis sur le site de la Croix qu’il est mort. Plus incroyable encore : une amie médecin qui reçoit beaucoup de migrants et à qui je partageais comme à toi cette troublante coïncidence, m’écrit : ”jeudi j’ai pensé à Alain Richard et j’ai cherché son livre dans la bibliothèque. Et le lendemain, j’apprends qu’il est mort…” »

Que peut la non-violence devant ceux qui prétendent détenir le monopole de l'usage légitime de la violence… ? Témoigner, sans doute, et cela n'est pas rien. Ce que fit Alain Richard, jusqu'au terme de sa vie.

Je donne à lire l’article du quotidien La Croix.

Que peut la non-violence des cercles de silence ? Témoigner, sans doute. Cela est juste. Ce que fit Alain Richard, jusqu'au terme de sa vie
Mort du franciscain Alain Richard, fondateur des Cercles de silence

 

Source la page 

 

Ardent promoteur de la non-violence, le frère franciscain Alain Richard est décédé, jeudi 24 juin, à 96 ans. En 2007, il avait fondé les Cercles de silence pour dénoncer les conditions indignes des sans-papiers dans les centres de rétention administrative.

 

Christophe Henning, le 24/06/2021

 

Il avait le verbe haut, l’esprit rebelle et la barbe blanche du prophète. Le frère Alain Richard est décédé à l’âge de 96 ans dans la nuit de mercredi 23 au jeudi 24 juin, à Avignon (Vaucluse). Mais c’est à Toulouse que le franciscain s’était fait connaître en créant les Cercles de silence, porté par l’une des saintes colères qui ponctuèrent sa longue vie. Révolté par les conditions « indignes » réservées aux sans-papiers placés dans le centre de rétention administrative de Cornebarrieu (Haute-Garonne), il lança dès octobre 2007 cette manifestation non-violente et silencieuse sur la place du Capitole, chaque dernier mardi du mois.

 

Pendant plusieurs années, ce mouvement fut suivi dans plus de 150 villes par des milliers de personnes, et perdure encore dans bien des régions. Bravant le froid ou la canicule, le frère Alain Richard rappelait à chaque fois l’objectif : « Nous voulons clamer notre indignation de façon non-violente contre les conditions d’enfermement inhumaines imposées aux parents et enfants étrangers sans papiers de séjour. »

Engagement non-violent

Cet ultime engagement venait couronner tout une vie à la recherche de la paix. Ingénieur agronome de formation, il abandonne à 23 ans son laboratoire de recherche pour faire le choix franciscain d’une vie pauvre et évangélique. Il fut tout d’abord aumônier à la faculté des sciences d’Orsay dans les années 1960, faisant l’expérience de la non-violence au sein du groupe de l’Arche de Lanza del Vasto. En 1973, il part aux États-Unis, prêtre au travail dans les usines automobiles de Chicago dans lesquelles il côtoie les ouvriers, avant de vivre aux côtés des gens de la rue à Las Vegas.

Parallèlement à ce compagnonnage avec les plus pauvres, Alain Richard était très investi dans la dénonciation des armes nucléaires : « J’ai expérimenté les cercles de silence à Oakland, aux États-Unis, pour sensibiliser les gens contre le nucléaire. Cela m’a valu d’être arrêté une trentaine de fois », avait confié ce religieux animé d’une énergie puisée dans la prière et le silence, dont il avait témoigné dans un livre d’entretiens (Une vie dans le refus de la violence, Albin Michel, 2010, 266 p., 18,25 €).

Militant pour la non-violence, il fut dès 1985 au Guatemala avec les Brigades internationales pour la paix, avant d’être expulsé et de revenir aux États-Unis. En 2003, il fait partie des militants qui jeûnent devant l’ONU pour que le Conseil de sécurité se prononce contre l’intervention armée en Irak.

 

Vie fraternelle

Portant la parole de la non-violence à chaque occasion, frère Alain Richard était un habitué du train de nuit Toulouse-Paris. Exigeant avec lui-même, il ne l’était pas moins avec ses frères, à la fois bienveillant et un peu rude. « Il était attaché à la vérité des relations, confie frère Frédéric-Marie, franciscain à Paris. Conscient de la violence qui pouvait l’habiter, il a toujours cherché la paix. » Apprivoisant cette violence, le vieux sage sur les traces de François d’Assise aura sans doute trouvé au fil de toutes ces années, une forme d’unité à force de prière, de lectures. Et de silence.

 

Christophe Henning

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