Je remercie de tout mon cœur celui qui m’a apporté le nécessaire pour devenir un homme, un chrétien. Celui qui m’a appris à ne pas douter de soi

Publié le par Michel Durand

Je remercie de tout mon cœur celui qui m’a apporté le nécessaire pour devenir un homme, un chrétien. Celui qui m’a appris à ne pas douter de soi

Les pages du journal ci-dessous datent de 1958. Voir ici, ce qui précède.

 

D’une grande banalité, elles montrent ce qui peut habiter l’esprit d’un jeune et soulignent la constance d’une pensée. C’est pour cela que je me suis décidé à les donner à lire. Montrer que chaque humain à un sillon qu’il trace toute sa vie. Et, s’il y a appel à conversion, le changement ne se fera pas sans que les traces du passé n’impriment leur marque.

 

Mardi 4 février

Cette semaine commence avec le froid et peu de courage au travail. Cela vient, je pense, d’un dérangement physique. J’ai aussi un peu le cafard, en un mot tout ce qu’il y a contre une bonne condition de labeur.

Le professeur de Math (celui de religion également) veut faire un disque de la classe. Il enregistre pour cela sa voix et celle de chaque élève. Aujourd’hui, nous avons fait un essai. Ayant descendu un magnétophone, il a fait entendre son « speech », puis deux élèves se sont fait enregistrer. Nous avons écouté par la suite. Le tout était assez bien. Les paroles du prof étaient prenantes.

J’ai reçu au courrier de midi une lettre des parents qui montrent ouvertement leur mécontentement pour mon travail. Il me reproche d’abord ma place de onzième en me disant que je ne dois pas descendre en dessous de huitième. Et ensuite, ils ne veulent pas que je sorte le dimanche avec Pierre. « Ton père ne sortait pas, je ne sortais pas, tes oncles, tes tantes ne sortaient pas quand ils étaient en pension », m’écrit maman.

Ennuyé par la lettre sévère des parents, je décide de me justifier un peu. Je leur explique donc pourquoi les notes en maths et en techno sont mauvaises. Je leur dis aussi, pour rattraper mes idées de liberté que je n’insisterai plus pour sortir dans Clermont. J’envoie la lettre immédiatement après l’avoir écrite.

À 1 heure 30, j’assiste à une réunion ayant pour but le patronage à laquelle j’apprends des choses très utiles. On me remet un livre de jeu.

 

Jeudi 6 février

Le soir, au patronage, j’essaie de mettre en pratique ce qu’on m’a dit l’avant-veille. Peut-être coïncidence, enfin toujours est-il que le patro d’aujourd’hui s’est bien passé. Il fut un des meilleurs  jusqu’à maintenant. J’avais la charge de ceux qui n’aiment pas le football et je pense m’en être assez bien tiré. Il faut cependant faire encore mieux. Un des meilleurs moyens pour ceci est de préparer à l’avance les jeux.

Un vent formidable souffla sur le plateau de la Bade, ce qui me remplit de joie. Ici, j’ai pensé que tout était normal ces jours, mais que je peinais au travail.

Vendredi 7 février

Le devoir de Math fut moyen ; je peux faire mieux.

Au cours de religion, le frère German enregistra nos voix. Il enverra la bande magnétique dans un studio parisien qui transmettra les sons sur un disque 33 tours1/3. Nous passons les uns derrière les autres devant le micro. Voilà ce que j’ai dit, non sans émotion :

« Joie et bonheur dans le devoir, c’est ce que j’ai trouvé en écoutant les cours de religion.

Volonté et foi furent accentuées ici et le seront encore plus à l’Hermitage, lieu de retraite mainte fois vanté par mes camarades.

Je remercie de tout mon cœur celui qui m’a apporté le nécessaire pour devenir un homme, un chrétien. Je remercie aussi celui qui par une parole calculée m’a appris qu’il ne fallait pas douter de soi ».

J’ai dit ceci sincèrement et je mens en disant aux autres que ces paroles ne sont que des façades. Je pense également que les autres mentent quand ils racontent qu’ils n’ont pas pensé à leur speech. Ceci au général.

Malgré cet enregistrement qui pouvait être une distraction,  je me sens déprimé et déçu. État d’âme qui s’accentue en apprenant mes notes dérisoires de math et de Français. Je voulais avoir plus que les autres et je suis jaloux des autres. Quelles choses horribles ! Être jaloux et je le suis. Je suis même méchant envers le prochain et je ne peux « sentir » personne, sauf Charles Sardou. Pourquoi ne pas aimer que les autres aient plus, réussissent mieux ? Il faut que je me corrige de ce défaut.

 

Dimanche 9 février

Journée fort intéressante par les distractions extérieures, ce qui m’empêche d’avoir un moral bas. Le film vu le soir, « Maria Chapdelaine » ne le remonte pas, au contraire. Si le film fut déprimant, la promenade fut bonne est utile, car une fois de plus,  j’ai entrevu (perçu) ma jalousie qui s’est montrée malheureusement grande. Je suis maintenant sûr d’être jaloux, le souvenir de certains actes le prouve et surtout je l’ai vu.

 

Lundi 10 février 1958

Toujours cet orgueil, toujours ce besoin d’être plus important, de surpasser les autres. Mon moi résonne autour de ma personne. Ce soir, je vais me confesser pour la fête de demain. À l’église , je m’efforce dans la prière et essaie de faire une bonne confession. Je crois qu’elle sera bonne.

À neuf heures, avant l’étude du soir, j’éprouve le besoin de dire ma peine à mon ami Charles Sardou. Mais je n’ose pas. Car, est-ce un vrai ami ?Je ne sais pas pourquoi, mais j’aimerais avoir un grand ami qui me dit tout et à qui je dis tout. Cet ami, je ne le trouverai surement pas. J’aimerais que cela soit Charles, mais il n’est pas de mon rang social (Plus élevé).

 

Mardi 11 février

Journée de prière (mêlée de cours) à l’occasion du centenaire des apparitions à Lourdes. Le matin, avant la messe, je me suis trouvé déçu ; mais cela ne m’a pas empêché de prier durant l’office. À mon avis, j’ai bien et beaucoup prié. SI j’étais déçu, c’est parce que je croyais en une journée plus importante qu’elle ne l’était. À l’Angelus de midi, nous avons aussi prié. Toute la classe, accompagnée du frère German. J’ai adressé mes paroles à Dieu, à la Vierge pour mes parents, Claude, Catherine. C’est le soir dans mon lit que j’ai le mieux prié. Mon cœur s’est senti transporté vers Dieu. Mon corps aussi, mais il  ne pouvait pas rejoindre mon cœur.

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