Quand la tentation du néant se glisse dans les résolutions de rentrée académique, il importe de recourir à l’Esprit, regard de Jean-Marie Delthil

Publié le par Michel Durand

Gilles Chambon, Exorcisme (autoportrait), huile sur toile 75 x60 cm, 2015

Gilles Chambon, Exorcisme (autoportrait), huile sur toile 75 x60 cm, 2015

Exorcisme (autoportrait)
"Cela fait très longtemps que j’exorcise ma peur du néant par la pratique de l’art pictural. Il ne s’agit en aucun cas d’expulser des démons qui se seraient emparés de mon esprit ; bien au contraire, à l’inverse de Saint Antoine, je m’efforce d’aider toutes sortes de créatures imaginaires à venir vers moi, et à nicher dans ma tête… Opération douloureuse, fatigante, et parfois même assez angoissante. C’est ce qu’exprime cet autoportrait, qui révèle exactement ce qui me trotte dans la tête à l’instant T, juste après avoir perçu un éclair synchronistique entre une lithographie de Zao Wou-ki (Composition, planche d’illustration de l’Élégie pour Jean Marie, L. S. Senghor, éd. Regard, Genève, 1978) et une Tentation de Saint Antoine, de Joos van Craesbeeck (c. 1650, huile sur toile, 78 x 116cm, Staatliche Kunsthalle Karlsruhe)".

 

De ce néant.

 

De ce néant : qu'en dire ; qu'en faire ?…

Je m'explique… Je me suis souvent interrogé – finalement comme tout un chacun, en tout cas comme bon nombre d'entre nous – sur cette réalité du néant, sur la réalité du néant qui nous intéresse, nous, les êtres humains, et qui parfois vient nous habiter, nous visiter, parfois prendre racine, demeure…

Qu'en faire ?

Je n'ai pas de réponse absolue (et encore moins définitive) à formuler en la matière, loin s'en faut… ce ne seront donc ici que quelques pistes à explorer, à battre et à rebattre si notre esprit est encore un peu long au réveil et qu'il souhaite mieux comprendre.

Prenez les guerres et pour exemple, les conflits en tout genre : intra personnels, interpersonnels, de famille, de quartier, de villages et de villes, de pays… dans le monde… quels en sont les raisons, les sources, pourrait-on dire ?… Je pense que le néant, que le sentiment de vide, de mollesse spirituelle, d'absence de vie intérieure et véritable… doit bien y être pour quelque chose…

Suivez-moi… Il peut arriver – pour prendre le premier niveau : c'est à dire soi-même – que nous soyons en effet, dans le cours de nos vies, mis face à quelque chose qui nous dépasse, qui nous écrase… qui nous « possède », si vous me passez l’expression.

Soit ; c'est l'expérience de la vie humaine, la condition humaine, de l'homme, depuis toujours, depuis la nuit des temps ; son incomplétude, son aspect « non-fini » – son imperfection naturelle et profonde.

En faire le constat – et en premier lieu pour soi-même – est déjà un premier stade… c'est déjà un fameux coup de canif donné au néant, à ce qui tue ou peut tuer (spirituellement parlant dans la plupart des cas).

Bon.

Et que fait-on avec cela, avec ce vide inquiétant, avec ce néant, avec ce bébé manifestement encombrant, bien trop encombrant ?… Soit on lui ouvre la porte, lui donnant peu à peu l'occasion funeste de nous conseiller ainsi que de nous guider… Soit on l'étudie, calmement, posément, tout en maintenant une distance absolument salutaire et nécessaire avec lui, et qui sied aux invités indésirables…

On l'étudie, donc : comment en est-on venu à le connaître (et parfois à l'accueillir), sous quelles modalités, sur le fait de quel ou de quels événements, de quelles rencontres ?…

On est petit, on lui a donné prise, certes : c’est la condition humaine.

D'accord.

Ensuite ?…

Ensuite : on peut le choisir plus ou moins comme maître, comme habitude… on finit par se familiariser à sa présence... il prend alors plus ou moins corps, devient presque un « ami », un compagnon de voyage, un conseilleur ; il est vrai que ce néant a bien pu se transformer tout doucement en votre esprit, en nos esprits… d'invité indésiré (et naturellement indésirable), il s'est lentement transformé, devenant presque « vivant »… nous procurant de l'énergie, de la vitalité – et voilà bien le mensonge, son mensonge, sa première et profonde tromperie : vous êtes donc et en tout premier lieu accablé, en situation d'errance… vous rencontrez ce singulier « personnage », cet accompagnateur… vous lui donnez foi et confiance, lui ouvrez votre cœur… il vous enjôle alors, vous manipule, vous redresse et vous remet « debout »... puis il avance encore un peu, avec votre assentiment, avec votre accord et liberté (et finalement de moins en moins tant il devient maître chez vous)... vous donnant peu à peu ou bien même soudainement cette envie de combattre, d'aller attaquer chez l'autre ce qu'il a de beau, de plus beau, de meilleur, de plus vivant et de plus vrai !

Il s'est montré.

C'est la jalousie.

C'est le mensonge.

Le « père » du mensonge : c'est lui.

Encore vous (et nous) faut-il, et à ce stade, savoir le repérer, et le museler avec la meilleure des énergies.

Dieu…, la tendresse, la bonté, l'intelligence du cœur, le pardon, une certaine innocence… sont alors déjà loin, plus trop vivants, finalement… cet intrus s'est donc invité chez vous, chez nous… et nous cherchons alors querelle, allons fouiller chez l'autre et chez les autres ce que finalement nous ne supportons pas (plus) en nous-mêmes – ou bien nous allons encore tenter de dérober ces qualités vivantes en l'autre et que nous souhaitons nous accaparer, sans mérite, sans effort… et voilà donc une des origines des conflits et des guerres.

C'est tout un poème, ça...

Il y a toutefois un trait que ce néant actif et accueilli – parlons de l'Adversaire, finalement – ne supporte véritablement pas : c'est la vérité, la vie rayonnante et vivante, justement… qui ne passe pas par un coup de clairon mal sonné, mais qui passe et se trouve finalement mis à terre par l'humilité, la simple et commune humilité, toute belle et lumineuse… se recevoir de l'Autre, du meilleur qui vit en l'Autre, savoir s'en réjouir, et finalement s'en sentir profondément uni !… Se recevoir de l'Esprit-Saint, de l'Esprit de Dieu – de Dieu Lui-même.

L'Esprit-Saint n'a rien à voir avec l'Adversaire dans son comportement et sa constitution première ; ils sont diamétralement opposés pourrait on dire.

Et ce, de toujours à toujours.

In fine : il n'y aura plus que l'Esprit de Dieu… Dieu, en tous, et en tout...

Libre donc à nous de L'accueillir, cet Esprit de Dieu, dès à présent et sans tarder : Lui laissant la place avec Joie et très profond respect au plus creux et profond de nous-mêmes ; au plus vrai de nous-mêmes...

 

Jean-Marie Delthil. Bonny-sur-Loire, le 11 août 2019

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