Que faire pour que les hommes, les femmes, les enfants qui sont arrivés sur notre sol soient simplement traités humainement ?
« Écoute, Israël : Tu aimeras le Seigneur de tout ton cœur » (Dt 6, 2-6)
Je t’aime, Seigneur, ma force. (Ps 17)
« Jésus, parce qu’il demeure pour l’éternité, possède un sacerdoce qui ne passe pas » (He 7, 23-28)
« Tu aimeras le Seigneur ton Dieu. Tu aimeras ton prochain » (Mc 12, 28b-34)
Quel est mon prochain ?
Pour répondre à cette question, je citerai le deuxième chapitre de Fratelli tutti intitulé : « un étranger sur le chemin ». Si vous en avions le temps, et si le cadre liturgique pouvait le permettre, pensant aux exilés (ou migrants) je lirais les numéros 56 à 62 et 80 à 86 de cette lettre encyclique.
Peut-être existe-t-il dans cette Église Saint-Maurice/Saint-Alban, un groupe d’étude sur l’accueil du prochain selon l’Évangile ; un groupe susceptible de témoigner de la manière de se rendre proche de ceux qui se trouvent en détresse, proche des migrants comme le montre la parabole du bon Samaritain ? Il apporterait ce genre de témoignage : « Un homme descendait de Jérusalem à Jéricho, et il tomba au milieu de brigands qui, après l’avoir dépouillé et roué de coups, s’en allèrent, le laissant à demi mort. Un prêtre vint à descendre par ce chemin-là ; il le vit et passa outre. Pareillement un lévite… La parabole est connue » (Luc 10,30-37).
Dominique Greiner, conclut ainsi l’éditorial de La Croix du 27 octobre : « La société civile a un grand rôle à jouer là où affluent les migrants et les réfugiés. À Calais et à Briançon, les portes des églises se sont ouvertes pour réclamer qu’un dialogue s’engage entre les autorités et le monde associatif. Pour que les hommes, les femmes, les enfants qui sont arrivés sur notre sol soient simplement traités humainement ».
Quel est mon prochain ? Comment me rendre proche de lui ? L’actualité nous invite à entendre la Parole de Dieu en tenant compte de cette évidence : l’opinion publique actuelle n’aide pas les États d’Europe à résoudre durablement et humainement les problèmes rencontrés. Je n’en dis pas plus. Nous connaissons les drames qui se vivent à nos frontières européennes.
Que faire pour que les hommes, les femmes, les enfants qui sont arrivés sur notre sol soient simplement traités humainement ?
Après avoir entendu Jésus remettre en place Jacques et Jean qui voulaient « siéger dans sa gloire l’un à droite, l’autre à gauche » (c’était le dimanche 17 octobre), nous savons que celui qui souhaite être le premier se voit invité à être le serviteur de tous (cf Mc 10,35 - 45).
« Et voici le second commandement : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. »
Aimer son prochain, se mettre à son service, soulager les souffrances d’autrui, vivre en frères avec tous. Comment cela ?
Je pense qu’il convient d’écarter promptement l’idée de servilité. L’abaissement de l’esclave n’est pas ce que souhaite pour nous Jésus-Christ. Surtout, l’attitude servile peut devenir une volonté de puissance. Est servile sous certains aspects, celui qui veut dominer en toute chose (Tacite). Agir ainsi n’est pas dans la franchise, la clarté des rapports. Je pense que le mot « veule » explique sans ambiguïté la servitude indésirable : être sans force morale, apathique, mou, faible. C’est ce qui faisait dire à Nietzsche que le christianisme est, avec l’alcool, un des deux grands narcotiques européens.
Je pense encore à l’expression « Être une bonne poire ». C’est être trop bon, un peu naïf, se laisser mener par le bout du nez. Depuis la fin du XIXe siècle, on désigne par le mot « poire », celui qui se laisse aisément duper ; métaphore de la poire bien mûre qui tombe toute seule de l'arbre, comme la dupe tombe facilement dans l'attrape-nigaud qui lui est tendu.
Rien de tout cela dans le service qui nous est demandé par Jésus. Je reprends l’Évangile :
Un scribe s'avança vers Jésus pour lui demander : « Quel est le premier de tous les commandements ? »
Réponse :
Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout cœur… Tu aimeras ton prochain comme toi-même.
Le service rendu à autrui n’est rien d’autre que l’amour. Notons qu’il ne s’agit pas d’aimer en suivant les élans du cœur qui ne peuvent être que passager. L’amour dont on parle ici n’est pas le sentiment d’un moment, un ressenti ; même, convenons-en, si ce ressenti est bien nécessaire au moins dans un premier temps. Non, l’amour n’est pas seulement un élan passager. Il est une Loi qui requiert la fidélité. Le commandement d’aimer son prochain comme soi-même s’entoure de mesures qui vont garantir la durée de l’amour. L’attitude servile se contentera d’une B.A. (bonne action) pour faire plaisir à autrui, voire se donner la possibilité de le soumettre par la suite. En effet, celui qui a reçu se sentira redevable et aura tendance à se soumettre. L’amour de Dieu et du prochain est un état de vie, une permanence, un devoir constant. Le commandement de l’amour est l’unique et le plus grand :
aimer son prochain comme soi-même vaut mieux que toutes les offrandes et tous les sacrifices.
Le scribe a bien compris les paroles de Jésus. Mais, était-ce vraiment ce qu’il voulait entendre ? Il semble que non, car il se range du côté de ceux qui « n’osent plus l’interroger ».
Aimer dans la fidélité, avec l’épreuve du temps, voilà le mode de vie en ce monde qui nous donnera le bonheur de partager l’éternité du Père.
« Tu n'es pas loin du Royaume de Dieu. »