La laïcité, ce n'est pas une opinion parmi d'autres, mais la liberté d’en avoir une. Elle est également l’invitation à l’exprimer en public

Publié le par Michel Durand

Cercle de silence à Lyon

Cercle de silence à Lyon

Un lecteur d’En manque d’Église, militant actif dans les Cercles de silence m’a adressé un courriel qui a suscité toute mon attention. J’ai pris le temps de la réflexion, car le sujet est très important. Il est question du sens que l’on donne au mot laïc.

C’est quoi une école laïque ? C’est quoi un État laïc ? Une association laïque, loi 1901 ? C’est quoi un cercle de silence laïc ?

Mon blogue (blog), En manque d’Église est clairement identifié comme étant celui d’un prêtre catholique. Je regarde ce qui se vit et j’y apporte mon regard. En ce sens, il n'est pas surprenant que j’y exprime mes convictions religieuses selon l’Évangile, et que je parle de ma foi en Christ qui donne sens à mon existence. En effet, la caractéristique d'un blogue personnel c’est d’être, principalement, l'espace d’une expression très personnelle. Par ailleurs, son titre : « En manque d’Église » dit clairement qu'il s'agit d'un blogue marqué par des préoccupations d'Église. 

Mon correspondant en a pris note alors qu’il en recopie l’en tête : « Un échange pour une quête de sens. Que devons-nous communiquer d'essentiel ? L'Amour universel de Dieu réalisé en Christ montre le chemin devant se traduire en gestes quotidiens. Spirituel et politique sont liés ».

Suit le titre de la page concernée. C’était le 11 janvier.

Nos modes de vie dépendent des politiques mises en place. Quelle gouvernance se donner pour que nos convictions de base soient respectées ?

Voici la suite du courriel :

Cher camarade.   Je te donne ce titre, car nous sommes dans le même combat : l'accueil des migrants,

Nous avons lancé notre Cercle de Silence à Rodez. Nous avons précisé dès le départ que notre cercle serait « laïque ». La proposition n’est pas venue de moi, mais d'une catholique. Et nous en sommes bien contents.

Pour ma part je suis athée, mais nous ne parlons pas de nos convictions dans notre cercle, nous ne les connaissons pas toujours et nous travaillons ensemble.

Plusieurs fois je me suis trouvé gêné par quelques mots de tes lettres, que je lis avec attention.

Mais aujourd'hui les trois premières lignes me paraissent excessives, car elles ne concernent pas tout le monde. Je n'en dis pas plus…

Loin d’être anonyme, ce courriel est signé, avec toutes les indications nécessaires pour un contact direct. Cela me motive pour approfondir cette question de la laïcité.

 

Cercle de silence

Avant d’aborder le principal de cette question sur, c’est quoi être laïc ? Il est bon de situer les Cercles de silence.

Les Cercles de Silence, dès leur départ en 2007, ont voulu rassembler, dans une forme d'expression non violente, des personnes appartenant à des courants de pensée très divers, aussi bien des « non-croyants » que des « croyants ». Voir ici pour plus d’informations.

Ceci, même si les initiateurs étaient des frères franciscains, dont le frère Alain Richard.

« Dès lors, exprime Christian Delorme (membre de mon équipe Prado) avec qui je partage cette réflexion, il ne serait pas conforme au projet initial qui reste en vigueur, d'imposer à tous un discours chrétien (ou musulman, ou bouddhiste, ou clairement athée...) ».

Je dois alors préciser à mon correspondant que, dans cette page de mon blogue, je ne me situe pas comme développant, ou exposant, la philosophie des Cercles de Silence. Je ne parle qu’à titre personnel. Donc, cette page qui m’est propre, fut-elle adressée, par courriel, aux adresses d’une liste « Cercle de silence » ? Dans ce cas, effectivement, cela porte à confusion et je le regretterais.

Christian Delorme invite à poursuivre la réflexion.. « Dans nos engagements, est-il possible et souhaitable de « faire le chrétien » ou de « faire le prêtre » à certaines heures du jour ou de la semaine, et de « faire le citoyen » observant une totale neutralité à d'autres moments ? Cela peut être exigé des fonctionnaires du Service public, mais cela s'impose-t-il dans le cadre d'actions de solidarité où il est naturel qu'il y ait, chez les uns et chez les autres, des motivations profondes qui ne sont pas forcément celles de tous ? Il ne me paraît pas du tout choquant que chacun puisse, à certains moments, en certains lieux, partager avec les autres ce qui l'anime profondément, dès lors qu'il ne prétend pas imposer ses convictions à tous ». 

 

J’aborde maintenant le sens du mot « laïc / laïque ».

Je lis sur le site du gouvernement : « La laïcité garantit la liberté de conscience. De celle-ci découle la liberté de manifester ses croyances ou convictions dans les limites du respect de l'ordre public. La laïcité implique la neutralité de l'État et impose l'égalité de tous devant la loi sans distinction de religion ou conviction ». Et encore, la laïcité, ce n'est pas une opinion parmi d'autres, mais la liberté d’en avoir une. Elle n'est pas une conviction, mais le principe qui les autorise toutes, sous réserve du respect de l’ordre public ».

N’est-ce pas dans ce sens que chaque mois, pendant une heure, la préfecture étant informée, nous crions, par un cercle silencieux, l’importance d’un accueil digne de tous migrants, avec le respect des droits humains fondamentaux ? Les convictions profondes de tous les participants ne sont pas identiques, mais elles se rejoignent ce qui justifie l’appellation de « Camarade ». « Cher camarade. Je te donne ce titre, car nous sommes dans le même combat : l'accueil des migrants. »

Dans le courriel qui m’est adressé, le Cercle de Silence de Rodez se définit clairement « laïque ». Il est indiqué que celles et ceux qui y participent ne parlent pas de leurs convictions personnelles. Je partage l’avis de Christian Delorme : « Une fois de plus, on constate la difficulté qui existe à se mettre d'accord sur le sens à donner à ce vocable "laïc". C'est d'abord un principe juridique de neutralité convictionnelle qui s'impose à l'État, aux diverses collectivités qui organisent la République, aux agents de cet État et de ces collectivités. Cette neutralité, en revanche, ne s'impose pas aux citoyens dans l'essentiel de ce qui fait leur vie ».

Il importe de le redire. « Les Cercles de Silence sont ouverts à tous ceux qui partagent la solidarité avec les migrants. De ce fait, explique Christian Delorme, plus que l'adjectif "laïque", celui qui conviendrait le mieux pour les définir me semblerait plutôt être "pluriconvictionnel". Et si l'on garde l'adjectif "laïque", ce sera alors davantage au sens de "ouvert à des opinions philosophiques ou religieuses différentes" ».

Il m’arrive souvent de dire, et je terminerai ainsi cette page, que le mot « laïc » est trop souvent compris dans le sens d’un enfermement des pensées fondamentales, essentielles dans le secret de la vie privée. Les pensées religieuses, évangéliques, coraniques, bouddhistes, bibliques appartenant à la sphère du privé ne peuvent se communiquer. Dans le domaine du culte chrétien, je dirai, avec la caricature du bâtiment église, que, pour certains, la conviction laïque invite à cantonner son expression à l’intérieur du placard d’une sacristie. J’ai plusieurs témoignages de ce type notamment à propos de l’ouverture cultuelle et culturelle  de l’église du Bon Pasteur (toujours à l’abandon) sur les pentes de la Croix-Rousse à Lyon.

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