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Publié le par Michel Durand

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Jeudi 6 avril 1961

Non, le résumé de mes vacances n'est pas terminé, il faut rajouter une festivité : la surprise partie chez Marie-France Butavant. Il n'y a rien à dire de spécial car cette soirée ressemble à toutes les soirées de ce genre. Si j'en parle, c'est autour du verbe danser, s’amuser en dansant.

Le contact féminin, la danse n'est pas recommandée pour une vie religieuse. De plus je n'aime plus les sauteries. C'est pourquoi cette soirée ne me plaisait guère. Mais il m'était nécessaire d'y aller par simple politesse : je ne pouvais pas refuser une quatrième fois. Ai-je fais un simple acte de présence ? Eh bien non, j'ai dansé ; je me suis amusé comme tout le monde. J'ai partagé les plaisirs de cette nuit avec les élégantes de la région et d'ailleurs. La soirée était en effet très élégante tout court, comme, du reste le cadre : un château. Je me suis amusé, j'ai profité de ce moment de plaisir. Et, je dois dire que si, au début je ne me plaisais guerre, j'étais plus intéressé vers la fin.

Notons que pour me préparer à cette soirée, où pour une fois je crois avoir rempli mon devoir d’état, de vie sociale aimable, j'ai prié quelques temps (un temps très court) dans l'église de La Motte. Cette préparation peut paraître stupide ; elle est vraiment stupide, humainement parlant, car il n’y a absolument pas de rapport en la parole de Dieu et l'amusement en surpat. Mais, si ridicule que cela soit, j'étais après cette visite au Saint-Sacrement en une meilleure disposition. Il ne me semblait plus faire une incartade à la loi d'Amour. En un mot, ma conscience était tranquille et c'est peut-être pour cela que je n'ai pas craint de m'amuser. Mon jeu était, il faut le dire, correct et moral. Aussi je me demande si tous ces scrupules, ce peu de goût aux plaisirs, aux jeux ne sont pas de faible importance. En quoi danser peut-il m'écarter de Dieu ?

Réponse : en elle-même la danse de m’écarte pas de Dieu. Mais la danse existe pas pour elle-même, elle est la cause des rencontres amoureuses, de flirt et voilà, en ce qui me concerne, l’attachement à une fille qui écarte de Dieu, de son amour.

 

Dimanche 9 avril 1961

j'ai rendu visite à un ancien de Limonest Monsieur Belly. Il m'a renseigné sur la vie au séminaire qui est sous la direction du Prado. Et je dois dire que la description qu'il m'en a faite, bien qu'elle soit rapide, et sans enthousiasme délirant (il n'a pas cherché à me faire aimer cet établissement), m'a fortement plu.

Le cadre de vie semble être celui qui me convient pour un amour total et pour le souci d'autrui. Je dis autrui car je n'ai pas une affinité vraiment spéciale pour les déshérités. Le cadre : bâtiment austère, confort minimum. Cellule étroite dont le lit est une planche couverte d'un matelas. Tout ceci est la marque d'une pauvreté effective et je crois en la nécessité de cette pauvreté plus encore qu'à la pauvreté en esprit.

L’ambiance ? Liberté totale, franchise, ouverture. Le séminaire est presque international ; il est tout au moins interdépartemental ce qui supprime dans les faits même les conversations mesquines sur le chanoine du coin. Personne, en effet ne connaît les curés de la région. Donc par les conversations on est dans des vues plus larges.

Liberté de choisir son directeur de conscience. Ce qui généralement ne se fait pas.

On renvoie moins facilement. Ce qui permet au jeune séminariste de contrôler son engagement plus longtemps et Monsieur Belly fit remarquer que cette méthode a permis de faire sortir de chez certains individus des capacités insoupçonnées.

 

On passe deux ans à Limonest ; les deux premières années. On peut, si on le désire, se grouper en une sorte de communauté de six qui logent dans le même couloir et se réunit suivant leurs besoins ou leurs désirs une fois par quinzaine ou par semaine.

D'autres détails pourrait être cités mais il ne montre que peu d'intérêt. Ce qui a de l’intérêt, ce sont ces mots ! Religieux dans le civil. La prière, la vie de communauté je pense la trouver ici. La liberté, l’initiative je peux la trouver ici. La pauvreté nécessaire pour moi, mais que je ne souhaite guerre, je peux la trouver ici. L'esprit franc, ouvert je peux le trouver ici. Et beaucoup d'autres choses encore semblent coordonner admirablement avec ce que je désire, avec ce qui est mon caractère.

Être dominicain me conviendrait moins, je pense qu’être pradosien. Il me semble que, par mon éducation, j'ai plus l'esprit pradosien que l’esprit dominicain.

Mais Limonet est un grand séminaire, et pour y rentrer il me faudrait connaître le latin (C’est ce qu’on me dit à Autun). Je ne peux donc pas me rendre l'an prochain chez les pradosiens. Cependant j'espère que cet empêchement ne sera pas un obstacle à mon désir de m'intégrer à l'œuvre du Prado, si ma place est vraiment ici. Cette idée est une pure supposition.

Je n'irai donc pas à Limonet mais peut-être à Notre-Dame de Chessy près de Lyon. C’est, paraît-il, un établissement pour les aspirant n’ayant pas fait d'études de classiques. J'y recevrai donc une éducation conforme à ce qu'il me faut. De plus j’espère, et c'est encore une supposition, que l'atmosphère générale, l'état d'esprit ne sera pas celui d'un petit séminaire. Disons que je considère les petits séminaires comme des serres chaudes, où l'on apprend à aimer Dieu mais sans beaucoup d'ouverture sur le monde. Comment un enfant qui rentre à 11 (ou 12) ans - ou pus jeune - peut avoir un minimum d'expérience sociale ? D'autre part Rimont, ce petit séminaire qui pourrait m'accueillir m'a été décrit peu avantageusement part des élèves sortant.

 

Mardi 12 avril

Crise. Des doutes. Suis-je vraiment appeler ?

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