Ce n'est qu'en se rendant proche d’autrui à la manière de Jésus de Nazareth et de ses “envoyés” que la Parole s’ajustera aux destinataires
Je regarde mon vécu depuis les années 50 - vaste révision de vie - et je me dis qu’il y a réellement une constante : le désir de vivre foncièrement dans le siècle avec l’objectif de rendre l’Église, l’Évangile aimable. Digne d’intérêt, universellement.
En ces temps, tout en reconnaissant les réussites missionnaires, je suis plutôt sensible aux erreurs que j’ai pu commettre. Dans cette ligne, l’homélie de Saint Grégoire à l’office des lectures de ce matin, me parle bien : « en parlant, je me frappe moi-même : je ne pratique pas la prédication comme je le devrais ; et lorsque cette prédication est suffisante, ma vie ne concorde pas avec ma parole. Je ne nie pas ma culpabilité, je vois ma torpeur et ma négligence. Peut-être que de reconnaître ma faute m'obtiendra le pardon auprès du juge miséricordieux ? »
Être dans le monde pour ouvrir devant tous la Parole de Dieu, la Bonne Nouvelle du Christ, est bien ce qui fut toujours mon désir. Mais, ai-je vraiment réussi ? La méditation de ce mois d’août à Limonest-Saint-André, me rappela souvent qu’en fait, il n’est pas question de faire ce que nous voulons (réaliser nos projets) mais d’agir selon la volonté de Dieu. « Père, si tu le veux, éloigne de moi cette coupe ; cependant, que soit faite non pas ma volonté, mais la tienne » (Lc 22,42).
« En nous faisant connaître la grandeur de Dieu, exprime Antoine Chevrier, l’Esprit saint nous fait voir par là notre petitesse, notre néant, ces deux extrêmes : l’être et le néant, la grandeur et la petitesse, le Créateur et la créature ». Vivants parmi d’autres êtres vivants, animaux, végétaux, nous les humains, tous créés, « nous vivons (aussi) sous le regard de Dieu ; en sa présence, explique Yves Musset, on évite le péché qui lui déplait ; on cherche au contraire à lui plaire et à faire sa volonté en toutes choses. Telle est la « crainte de Dieu au sens où en parle le Père Chevrier… celle dont il est dit qu’elle est le commencement de la sagesse ». « Le savoir commence avec la crainte du Seigneur ! » (Pr 1,7).
« Le Créateur ne nous abandonne pas, jamais il ne fait marche arrière dans son projet d’amour, il ne se repent pas de nous avoir créés » (Laudato si’ 13).
Christoph Theobald, dans le Courage de penser l’avenir, à mon avis, développe en ce sens sa pensée. Voir ici.
Je souhaite, en cette période de regard sur la création, en recopier diverses pages. Certes, je dois l’avouer, je ne comprends pas toujours ce qu’écrit Christoph Theobald. Il m’arrive de perdre le fil de ses idées ; mais, dans l’ensemble, cela ne va pas trop mal, alors je continue à lire, relire. Et des clartés s’éveillent.
(1er septembre - 4 octobre : La Saison de la Création, un temps de jubilé pour la Terre !)
Vivre dans le siècle, se rendre proche des humains, porter avec tous le souci de la terre.
p. 436-437 : Dans un discernement plus affiné de la situation diasporique de l'Église, on a donc intérêt à s'inspirer non seulement de la concentration christologique de l'apôtre Paul, mais aussi de la pédagogie initiatique des évangiles et de leur manière de faire valoir une pluralité de figures de « foi », de « peu de foi » et de « non foi » : à côté des adversaires de Jésus, on trouve une multitude de sympathisants, crédités par lui d'une « foi qui sauve », sans qu'ils se mettent à sa suite, mais aussi, dans leur étonnante diversité, ses disciples et « apôtres », d'ailleurs plus ou moins critiqués (selon les évangiles) pour leurs incompréhensions, leurs abandons et leurs trahisons. Dans une perspective théologique, cette cartographie néotestamentaire de la « foi » permet d’éclairer celles de nos sociologues, de distinguer par exemple à côté d’une multitude d'adversaires ou d'autrement-croyants, religieux ou non, différents types de « chrétiens », adhérents d'un christianisme de valeurs ou d'un christianisme esthétique attaché à son patrimoine, pratiquants de toutes sortes.
L'interrogation théologique que soulève cette situation de plus en plus complexe doit recourir aux forces du mal et à la capacité de refus des hommes pour faire comprendre la situation diasporique. Mais si elle y recourt trop rapidement, allant jusqu'à justifier ainsi - au moins tacitement - l'exculturation du christianisme comme étant constitutive de sa théologie de la justification, il faut alors rappeler que le mal et le refus se déclarent - d'abord - parmi les disciples eux-mêmes et au sein de l'Église (voir LG, 8 § 3), que « l'incorporation à l'Église n'assure pas le salut pour celui qui, faute de persévérer dans la charité reste bien “de corps” dans l'Église, mais non “de coeur” (saint Augustin) » et que « la grandeur de la condition (des chrétiens) doit être rapportée […] » non à une grâce supérieure mais « à une grâce particulière du Christ [particulari gratiae Christi].» (LG, 14 § 2) impliquant le devoir de mission (LG, 17) et la tentative de rendre l'Evangile du Règne de Dieu effectivement « recevable ». L'interprétation théologique de la situation actuelle de l'Église peut aussi débuter par un examen honnête de « l'adaptation de l'Évangile à la compréhension de tous et aux exigences des sages » et de la capacité d'apprentissage de l'Église que cet ajustement continuel nécessite (GS, 44 § 2), considérant l'exculturation de la foi et de l’Église comme un handicap missionnaire de premier plan. Il ne faut pas oublier que le nécessaire travail en faveur de la « recevabilité» de l'Évangile du Règne de Dieu dans tel ou tel contexte, voire de celle du Christ Jésus en personne, ne garantit nullement sa réception effective qui, comme le refus ou la tiédeur, relève du mystère du « cœur » humain, de ses résistances et de ses disponibilités, toujours socialement et culturellement marquées, à « sortir » de lui-même (voir EG, 1).
Un discernement théologique affiné de la situation diasporique du christianisme et de l'Église au sein de nos sociétés européennes ne peut donc se contenter d'une approche trop globale ou de déclarations de principes. Ce n'est qu'en se rendant effectivement proche d'autrui, de tel groupe humain, des différentes élites d’une société, de tel courant de pensée, etc. - et cela à la manière de Jésus de Nazareth et de ses « envoyés » qui se perçoivent comme déjà précédés par ce qu'ils annoncent (voir Le 10, 1-24) - que le diagnostic peut s'ajuster aux destinataires et simultanément introduire celui qui l'élabore dans un processus d'apprentissage et de conversion.