L’Église s’est laissée enfermer dans des petites choses, des lois. Le plus important est la première annonce : Jésus Christ t’a sauvé !
Le pape François, dans sa retentissante interview de 2013 aux revues jésuites, prend l’image suivante :
« Je vois avec clarté que la chose dont a le plus besoin l’Église aujourd’hui c’est la capacité de soigner les blessures et de réchauffer le cœur des fidèles, la proximité, la convivialité… Je vois l’Église comme un hôpital de campagne après une bataille » .
Cette comparaison est souvent employée par François. Je la trouve opportune car elle place l’Église hors des sanctuaires, des bâtiments églises où le peuple chrétien se réunit pour prier. Je vois en cette image la dimension missionnaire de l’Église. Et je me dis, je dis - ce qui, souvent, ne fait pas plaisir aux chrétiens - que la vie de la paroisse n’est pas du tout missionnaire. On me répond généralement que ce n’est pas vrai, que je me trompe car l’Eglise est essentiellement missionnaire. Les croyants actifs dans l’Église n’aiment pas que l’on mette le doigt sur l’entre-soi chrétien. Quand j’invite à sortir des murs du culte pour manifester l’Évangile là où l’on vit au quotidien, il me semble avoir peut d’écoute. Récemment, alors qu’à des paroissiens de mon quartier, j’indiquai l’importance de porter attention aux très pauvres, aux marginalisés qui s’approchaient de la paroisse, on m’a répondu que dans le quartier il n’y avait pas de pauvres ou alors très peu. N’est-ce pas plutôt qu’on ne les voit pas ?
Sur internet, je trouve ce commentaire dans une homélie : « Un hôpital de campagne en pleine guerre, ce n’est pas beau à voir. Visionnez les films sur la Grande Guerre ou la seconde, et vous verrez combien l’humanité est laide, affreuse, mutilée, repoussante lorsqu’elle est défigurée par la haine. « Les sentiers de la gloire » de Stanley Kubrick ou « Il faut sauver le soldat Ryan » de Steven Spielberg nous font deviner le dégoût et l’horreur que peut éprouver un infirmier qui ramasse les corps déchiquetés pour les apporter à l’hôpital de campagne.
Eh bien, en Jésus, Dieu en personne ne s’est pas bouché le nez, n’a pas détourné son regard, n’a pas eu peur d’accueillir cette misère humaine pour la soigner, la désinfecter, la panser, la guérir.
D’où la conséquence capitale que le pape François en déduit pour la mission des baptisés : « Il est inutile de demander à un blessé grave s’il a du cholestérol ou si son taux de sucre est trop haut ! Nous devons soigner les blessures. Ensuite nous pourrons aborder le reste. Soigner les blessures, soigner les blessures… Il faut commencer par le bas. »
Autrement dit : arrêtez de prononcer des jugements au nom de la morale sur vos contemporains. Arrêtez de leur poser des conditions a priori pour s’approcher de la Bible et des sacrements.
Arrêtez de leur demander d’être des chrétiens 100 % cohérents – ce que vous n’êtes pas vous-mêmes - pour pouvoir s’approcher de l’Église.
Vous devinez ce que cela devrait changer dans nos assemblées : accueillir et aller chercher les personnes telles qu’elles sont, sans leur poser de questions indiscrètes, sans mettre sur leurs épaules des fardeaux que nous-mêmes sommes incapables de porter. Que ce soient des personnes divorcées/remariées, homosexuelles, en complète contradiction ou non avec l’Évangile, chacune a le droit de s’entendre dire : « mon ami, descends au plus profond de toi ; aujourd’hui Dieu veut demeurer chez toi ».
Ce qui importe avant tout, c’est la rencontre. Une rencontre gratuite où le disciple du Christ écoute sans imposer de jugement. Pour qu’il en soit ainsi, il faut que le missionnaire vive en plein siècle, au milieu des gens et non dans un sanctuaire. Le temps de prière l’aura préparé, fortifié à cette immersion dans la vie de ses voisins.
Je reprends la page trouvée sur la toile informatique.
« Une morale de réponse et non de préalable
L’appel à la conversion fera son chemin après. Le choc de la rencontre produira son fruit ensuite. La fréquentation de l’Écriture des sacrements donnera faim et soif de cohérence après : ayons confiance en la puissance du renouveau apporté par l’Esprit du Christ.
Mais c’est une conséquence et non pas un préalable.
La morale n’a jamais été une condition d’accès au salut, sinon le bon larron n’aurait jamais entendu le Christ lui ouvrir le Paradis.
Notre morale est une morale de réponse et non de préalable.
Le cœur du message chrétien n’est pas la morale, mais la foi, l’abandon confiant au Dieu qui nous aime infiniment. Nietzsche avait pressenti que le salut se situe “au-delà du bien et du mal”. Mais pour les chrétiens, ce n’est pas un idéal volontariste de l’homme se surpassant lui-même. C’est plutôt la devise de St Augustin : “aime, et fais ce que tu veux ”…
“Soigner les blessures… Soigner les blessures. Il faut commencer par le bas” nous répète inlassablement le pape François.
Le “bas” de notre société française, quel est-il ? Écoutez le Secours Catholique, les communautés Emmaüs ou ATD Quart-Monde nous parler de ceux et celles qu’ils rencontrent. Ouvrez les yeux sur vos voisins, vos familles mêmes, traversées par le chômage, l’handicap, la violence. L’Église reconstruit une société nouvelle en commençant par le bas.
Ni rigoristes, ni laxistes.
Laissons le dernier mot au Pape François qui invite l’Église à se convertir, à revenir à sa mission essentielle : “L’Église s’est parfois laissée enfermer dans des petites choses, de petits préceptes. Le plus important est la première annonce : Jésus Christ t’a sauvé ! Les ministres de l’Église doivent être avant tout des ministres de miséricorde. Le confesseur, par exemple, court toujours le risque d’être soit trop rigide, soit trop laxiste. Aucune des deux attitudes n’est miséricordieuse parce qu’aucune ne fait vraiment cas de la personne. Le rigoureux s’en lave les mains parce qu’il s’en remet aux commandements. Le laxiste s’en lave les mains en disant simplement : ‘cela n’est pas un péché’ ou d’autres choses du même genre. Les personnes doivent être accompagnées et les blessures soignées”. »
Le Pape appelle l'Église en Syrie à être « un hôpital de campagne ». N’est-ce pas une invitation à voir quel type d’hôpital serait à mettre en place dans notre ville ou village ou quartier ? Je place cette interrogation dans le chapitre des œuvres qui accompagnent nécessairement l’annonce première de l’Évangile.