Lancée par le collectif politique chrétien Anastasis et Le Dorothy, l’interpellation a trouvé un écho au sein de l’institution ecclésiale

Publié le par Michel Durand

Photo Des militants de Greenfaith et du mouvement Laudato si’ marchent pour le climat et la justice sociale, à Paris, le 12 mars 2022. - Corinne Simon/Hans Lucas

Photo Des militants de Greenfaith et du mouvement Laudato si’ marchent pour le climat et la justice sociale, à Paris, le 12 mars 2022. - Corinne Simon/Hans Lucas

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Comme indiqué le 30 maije donne à lire cette page de La Croix qui, à mon avis, indique des pistes pour enfin, en tant que chrétiens, disciples du Christ, individuellement et collectivement, en Église, prendre les moyens de convertir nos modes de vie. La Terre étant limitée, une croissance productiviste sans limite est largement impossible. Je suis content de voir que le langage officiel de l’Institution Église, parle désormais de décroissance. Sobriété et pauvreté selon l’Évangile entrent dans le profil christique. En passant j’indique que Pierre-Louis Choquet est intervenu en visioconférence un mardi au Prado de Lyon

 

 

L’Église de France partagée sur son rôle dans les conflits écologiques

Malo Tresca - 25 mai 2023

  • Depuis l’automne, des militants chrétiens exhortent la Conférence des évêques de France à prendre clairement position contre la construction d’un oléoduc de TotalEnergies en Ouganda.
  • Des évêques se sont publiquement exprimés, sans engager la parole d’une institution divisée sur la manière d’agir sur ces sujets complexes.

Ils sont une vingtaine à avoir bravé, ce 16 mai, le vent frais qui slalome entre les gratte-ciel du quartier d’affaires de la Défense (Hauts-de-Seine). Debout, le regard fixé sur les flammes vacillantes de bougies allumées au pied de la tour TotalEnergies, le groupe d’activistes chrétiens participe, ce matin-là, à un cercle de silence pour protester contre son projet d’oléoduc géant en Afrique de l’Est : Eacop (East African Crude Oil Pipeline).

« Il y a une forme d’inutilité dans notre démarche, mais c’est cela qui peut interpeller les salariés », assure l’une des militantes, ­Marielle, le dos barré d’une pancarte de carton « Notre silence est un cri. »

Autour d’elle, la plupart des participants – très majoritairement catholiques – n’en sont pas à leur première action de mobilisation dans le dossier ; beaucoup comptaient déjà parmi les 400 jeunes signataires de la tribune, publiée en octobre 2022 par La Croix, appelant à une « prise de position claire des évêques contre ce méga-projet pétrolier », contesté par des ONG écologistes et au niveau du ­Vatican. « Nous voulons croire que la parole de l’Église peut encore porter, en se joignant aux clameurs de notre temps », y lançaient ces catholiques, désireux de promouvoir « une fraternité universelle fondée sur la justice et le respect de la Création ».

Lancée à l’époque sous l’impulsion du collectif politique chrétien Anastasis et du café associatif Le Dorothy, l’interpellation a trouvé un écho au sein de l’institution ecclésiale, ouvrant la voie à une rencontre entre les initiateurs du texte et des responsables du Conseil famille et société de la Conférence des évêques de France (CEF). Dans la foulée, Mgr Matthieu Rougé, évêque de Nanterre – diocèse abritant le siège de l’entreprise –, recevait les militants et organisait un échange avec des dirigeants de TotalEnergies. Las, le rendez-vous s’est mué en « dialogue de sourds », selon plusieurs participants : deux visions antagonistes se sont affrontées entre les tenants des énergies fossiles et les défenseurs de l’encyclique Laudato si’du pape.

« On n’a fait que nous asséner des éléments de langage », regrette Pierre-Louis Choquet, enseignant-chercheur à Sciences Po. De son côté, ­TotalEnergies loue la tentative de médiation amorcée par l’évêque mais regrette la « posture de radicalité » des activistes. En filigrane, le feuilleton « Eacop » soulève des questionnements sur le rôle que peut jouer l’Église dans de tels conflits écologiques. Jusqu’à quel point s’impliquer ? Comment porter une parole ajustée sur des sujets si complexes ? « La mission des évêques et des clercs est d’éclairer et d’interpeller les consciences, avec vigueur quand il le faut, mais pas de se substituer à la responsabilité temporelle des laïcs, ni de s’en prendre aux personnes ou aux entreprises. Agir autrement serait faire preuve d’un cléricalisme de mauvais aloi », défend Mgr Rougé.

Mi-avril, ce dernier s’était déjà publiquement exprimé en ce sens dans une tribune publiée par La Croix. Cosigné avec Mgr Bruno Feillet, président du Conseil famille et société, le texte exhortait les parties du dossier Eacop à poursuivre « un dialogue libre, tonique mais respectueux, pour préciser encore les points de désaccord et les travailler ». Deux semaines plus tard, une trentaine de militants catholiques leur répondaient dans une lettre ouverte – via le même canal – regrettant là une « position de neutralité prudente » et exhortant une nouvelle fois l’épiscopat à « émettre une parole précise ».

Au sein de l’institution, le dossier exacerbe des dissensions. « Comme ailleurs, il y a une fracture entre les partisans d’un modèle de transition et ceux d’un modèle de rupture. Indéniablement, l’immense majorité des évêques va encourager le dialogue partout où elle le peut. Mais c’est sur la manière d’apprécier celui-ci que les choses varient », décrypte un proche du dossier. Selon lui, ceux qui veulent « privilégier de grandes orientations sur les enjeux socio-économiques » sont largement majoritaires, devant ceux qui estiment « qu’il faut parfois prendre plus particulièrement parti ».

Mgr Marc Stenger, évêque émérite de Troyes (Aube), a participé fin novembre 2022 à une marche interreligieuse contre Eacop. Marqué par les violences survenues fin mars lors des manifestations anti-bassines de Sainte-Soline (Deux-Sèvres), Mgr Pascal Wintzer, archevêque de Poitiers, a plaidé début avril dans La Croixpour un autre modèle agricole, en critiquant le système des bassines dont le « dérèglement climatique met en cause la viabilité ».

« Ma tribune a suscité des réactions divergentes dans le diocèse, certains m’exprimant leur gratitude, d’autres me reprochant de sortir de mon rôle », confie-t-il, convaincu que les divergences travaillant aujourd’hui l’épiscopat sont une « bonne chose » dans une institution souffrant par ailleurs « trop d’unanimisme ».

Professeure à l’Institut catholique de Paris, Elena Lasida estime aussi qu’il faut jouer sur différents niveaux de dialogue au sein des communautés catholiques : « Certaines paroles sont mieux entendues quand elles sont prononcées par des autorités – si celles-ci ne se limitent pas à des déclarations de bonnes intentions –, là où d’autres sont plus tranchantes quand elles émanent de la société civile. » Sur l’affaire Eacop, la CEF dit continuer à suivre le dossier sans envisager à ce stade une nouvelle prise de position. Les militants de terrain entendent, eux, maintenir leur pression.

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