Christ nous invite à passer du « je » au « nous » - Récollection au Prado avec des laïcs chrétiens au 19 novembre 2023

Publié le par Michel Durand

Jésus et abbé Ména, 6e s., art copte

Jésus et abbé Ména, 6e s., art copte

Voir le dépliant invitant à ce temps de prière

dépliant de la récollection du 19 novembre 2023

Ce que je pense dire à cette occasion

N. B. : Cette page est un support pour une présentation du thème : Christ nous invite à passer du "je" au "nous". Il n'est pas certain que je dise tout... On verra en fonction des personnes présentes à la récollection. Voir ici pour l'homélie.

Voir ci-dessous le fichier PDF donné aux participants. 

Nous avons choisi ce thème : passer du « je » au « nous » tout simplement parce que le monde dans lequel nous vivons est fortement marqué par l’individualisme. 
Dés les années 1930, jacques Ellul indiquait que la technique retire à l’homme ses valeurs, son pouvoir décisionnel, sa liberté : elle l’aliène. Je pense également à manuel Mounier et au personnalisme. L’humain n‘est pas un individu ; il est une personne. La personne se construit dans la mesure où elle est en relation avec une autre personne. La personne est le fondement de toute société. Ce n’est pas l’individu isolé qui compte mais la personne en relation avec les autres. Or le libéralisme économique mise sur l’individu pris dans on isolement car ce n’est que dans cette situation d’isoler qu’il est bon consommateur. 
François dans Fratelli Tutti, à sa façon, parle de cela, de cet économisme, de ce technicisme. Il ne nie pas les bienfaits que le progrès technique apporte mais il met en garde. Les progrès historiques en de nombreux domaines, science, technologie, o-industrie, médecine… peuvent apporter une détérioration de l’éthique, de l’agir envers autrui. L’individu et la nation se replie sur soi. Cela conduit à « un affaiblissement des valeurs spirituelles et du sens de la responsabilité. Tout cela contribue, écrit François au n° 29, à répandre un sentiment général de frustration, de solitude et de désespoir. […] Naissent des foyers de tension et s’accumulent des armes et des munitions, dans une situation mondiale dominée par l’incertitude, par la déception et par la peur de l’avenir et contrôlée par des intérêts économiques aveugles ».
Nous le voyons bien avec la difficulté pour les européens d’aujourd’hui à vivre l’accueil des migrants qui fuient la misère ou la guerre, la famine. Regardons les problèmes des frontières, notamment en Grèce où des forces de l’ordre repoussent au loin des embarcations au risque de les faire chavirer. La Méditerranée est devenu un grand cimetière.
François écrit n° 30 : « Nous voyons comment règne une indifférence commode, froide et globalisée, née d’une profonde déception qui se cache derrière le leurre d’une illusion : croire que nous pouvons être tout-puissants et oublier que nous sommes tous dans le même bateau. Cette désillusion qui fait tourner le dos aux grandes valeurs fraternelles conduit « à une sorte de cynisme »… « L’isolement et le repli sur soi ou sur ses propres intérêts ne sont jamais la voie à suivre pour redonner l’espérance et opérer un renouvellement, mais c’est la proximité, c’est la culture de la rencontre. Isolement non, proximité oui. Culture de l’affrontement non, culture de la rencontre, oui ». 
Sortons du « je » de son « moi » pour aller à la rencontre de l’autre, le « nous » de la communauté humaine non confinée à l’intérieur de frontières égoïstes. 
Dans la méditation, dans la réflexion, dans l’échange avec autrui nous pouvons nous inviter à rédiger un témoignage personnelle : ce que, au quotidien, dans la banalité de ma vie, je fais pour, sortant de mon « ego » aller à la rencontre du « nous », la communauté humaine déjà rencontrée dans la personne de mon voisin de palier. Le progrès que, chrétiens nous souhaitons pour tous, ne peut qu’être orienté par ce cap humain. 
N° 31 : « La technologie fait sans cesse des avancées, mais “comme ce serait merveilleux si la croissance de l’innovation scientifique et technologique créait plus d’égalité et de cohésion sociale ! Comme ce serait merveilleux, alors qu’on découvre de nouvelles planètes, de redécouvrir les besoins de nos frères et sœurs qui tournent en orbite autour de nous !” » Avec cette récollection, nous nous réunissons pour convertir notre existence afin de marcher dans le sens de l’ouverture à autrui. Il y a plus de bonheur à être dans le sens du « NOUS » que dans l’enfermement du « JE ».
Nous nous invitons à écrire des témoignages qui montrent le sens de notre marche dans le refus de toutes espèces « de repli sur soi et d’intolérance qui nous amènent à nous fermer aux autres ». N° 42.
Je pense à l’usage des téléphones, iPhone ou smartphone, dans les transports en commun, dans la maison où chacun est enfermé dans une communication virtuelle, lointaine, ignorant la personne toute proche. « les médias numériques peuvent exposer au risque de dépendance, d’isolement et de perte progressive de contact avec la réalité concrète, entravant ainsi le développement d’authentiques relations interpersonnelles » (N° 43).
François écrit : « Les relations virtuelles, qui dispensent de l’effort de cultiver une amitié, une réciprocité stable ou même un consensus se renforçant à la faveur du temps, ne sont sociales qu’en apparence. Elles ne construisent pas vraiment un ‘‘nous’’ mais d’ordinaire dissimulent et amplifient le même individualisme qui se manifeste dans la xénophobie et le mépris des faibles. La connexion numérique ne suffit pas pour construire des ponts, elle ne suffit pas pour unir l’humanité. »
Avec cette phrase du pape nous sommes invité à un examen de conscience. Comment nous comportons-nous vis-à-vis d’autrui ?
L’actualité nous invite à observer des comportements antisémites. La guerre inhumaine menée par Israël, les agissements inhumains des terroristes islamistes risquent de nous conduire à des regards de haine où sont confondus l’extrémisme politique avec l’engagement religieux. Anti sionisme et antisémitisme ne sont pas équivalents. Islam n’est pas islamisme. Et nous ne pouvons pas fermer les yeux devant les agissements de certains chrétiens. « Il faut reconnaître que les fanatismes qui conduisent à détruire les autres sont également le fait de personnes religieuses, sans exclure les chrétiens (n° 46).
François nous interroge : « Qu’apporte-t-on ainsi à la fraternité que le Père commun nous propose ? »
« À partir de l’intimité de chaque cœur, l’amour crée des liens et élargit l’existence s’il fait sortir la personne d’elle-même vers l’autre.[65] Faits pour l’amour, nous avons en chacun d’entre nous « une loi d’‘‘extase’’ : sortir de soi-même pour trouver en autrui un accroissement d’être ». Voilà pourquoi l’homme doit de toute manière mener à bien cette entreprise : sortir de lui-même. (N° 88)

François précise fortement que la carte de relation avec autrui ne peut se limiter aux cercle familiale auquel s’ajouterait quelques amis. Il écrit : N° 89. « Mais je ne peux pas réduire ma vie à la relation avec un petit groupe, pas même à ma propre famille, car il est impossible de me comprendre sans un réseau de relations plus large : non seulement mon réseau actuel mais aussi celui qui me précède et me façonne tout au long de ma vie. Ma relation avec une personne que j’apprécie ne peut pas méconnaître que cette personne ne vit pas seulement à cause de ses liens avec moi, ni que moi je ne vis pas uniquement en référence à elle. Notre relation, si elle est saine et vraie, nous ouvre à d’autres qui nous font grandir et nous enrichissent. Le sens social le plus noble est aujourd’hui facilement réduit à rien en faveur de liens égoïstes épousant l’apparence de relations intenses. En revanche, l’amour authentique, à même de faire grandir, et les formes les plus nobles d’amitié résident dans des cœurs qui se laissent compléter. Le fait de constituer un couple ou d’être des amis doit ouvrir nos cœurs à d’autres cercles pour nous rendre capables de sortir de nous-mêmes de sorte que nous accueillions tout le monde. Les groupes fermés et les couples autoréférentiels, qui constituent un ‘‘nous’’ contre tout le monde, sont souvent des formes idéalisées d’égoïsme et de pure auto-préservation ».
Pour illustrer du « je » au « nous », s’il n’y avait qu’un seul passage de Fratelli Tutti à prendre, c’est assurément celui-ci qu’il faut prendre. (N° 89)
Et je pense au rituel du mariage chrétien. Aux nouveaux époux le célébrant dit : « Soyez dans le monde des témoins de l’amour de Dieu : ouvrez votre porte aux malheureux et aux pauvres, qui vous recevront un jour avec reconnaissance dans la maison du Père. - Amen.
L’amour que les époux ont entre eux, est le signe, le sacrement, de l’amour de Dieu pour toute l’humanité. Dieu nous invite à promouvoir universellement le bien moral. 
Fratelli tutti n°112. « Nous n’aurons de cesse de le dire, le désir et la recherche du bien d’autrui et de l’humanité tout entière impliquent également la recherche d’une maturation des personnes et des sociétés dans les différentes valeurs morales qui conduisent à un développement humain intégral ».
La valeur de la solidarité se forge à l’intérieur de la famille comme l’indique également le rituel du sacrement de mariage. 
Fratelli tutti 114. « Je voudrais mettre en exergue la solidarité qui « comme vertu morale et attitude sociale, fruit de la conversion personnelle, exige un engagement d’une multiplicité de sujets qui ont une responsabilité de caractère éducatif et formateur. Ma première pensée va aux familles, appelées à une mission éducative première et incontournable. Elles constituent le premier lieu où se vivent et se transmettent les valeurs de l’amour et de la fraternité, de la convivialité et du partage, de l’attention et du soin de l’autre. Elles sont aussi le milieu privilégié pour la transmission de la foi, en commençant par ces simples gestes de dévotion que les mères enseignent à leurs enfants. »

Des passages de Laudate Deum montrent comment François reprend les mêmes thèmes : invitation à sortir de soi-même pour être à la rencontre d’autrui. Le « je » personnel est invité à tendre vers le « nous » de l’humanité, le réel des personnes et de la terre (Voir Laudato si’). « L’attention que nous portons les uns aux autres et l’attention que nous portons à la terre sont intimement liées ». Il est question de sortir de son moi, de son « je » ! Avoir le souci de ce qui se passe autour de nous, des évènements qui nous entourent. Le changement climatique, les inondations que cela provoquent plongent des gens dans la misère. Nous l’avons vu au Pakistan, Nous le voyons en France. (Laudate Deum, 5)
« Dans une tentative de simplifier la réalité, certains attribuent la responsabilité aux pauvres parce qu’ils ont beaucoup d’enfants, et ils cherchent même à résoudre le problème en mutilant les femmes des pays les moins développés. Comme toujours, il semblerait que ce soit la faute des pauvres. Mais la réalité est qu’un faible pourcentage des plus riches de la planète pollue plus que les 50% plus pauvres de la population mondiale, et que les émissions par habitant des pays les plus riches sont très supérieures à celles des pays les plus pauvres. Comment oublier que l’Afrique, qui abrite plus de la moitié des personnes les plus pauvres de la planète, n’est responsable que d’une infime partie des émissions historiques ? » (L.D. 9)
Des modes de vie sobres s’avèrent nécessaires pour que tous les humains soient respectés. En ce sens, il faut repenser nos usages du pouvoir, nos choix électoraux, nos désirs de progrès techniques. « l’immense progrès technologique n’a pas été accompagné d’un développement de l’être humain en responsabilité, en valeurs, en conscience […]. L’homme est nu, exposé à son propre pouvoir toujours grandissant, sans avoir les éléments pour le contrôler. Il peut disposer de mécanismes superficiels, mais nous pouvons affirmer qu’il lui manque aujourd’hui une éthique solide, une culture et une spiritualité qui le limitent réellement et le contiennent dans une abnégation lucide ». Un « je » qui pense au « nous » tient compte de l’ensemble de l’humanité. Dieu est Père de tous les humains. Nous sommes tous frères. En cela réside nos profondes motivations spirituelles : « Je ne veux pas manquer de rappeler aux fidèles catholiques, écrit François, les motivations qui naissent de leur foi. J’encourage les frères et sœurs des autres religions à faire de même, car nous savons que la foi authentique donne non seulement des forces au cœur humain, mais qu’elle transforme toute la vie, transfigure les objectifs personnels, éclaire la relation avec les autres et les liens avec toute la création »
Ce que dit François m’invite à durer avec les cercles de silence. Depuis plus de 14 ou 15 ans, nous montrons aux citoyens et aux élus qu’il est humainement urgent de modifier l’accueil des exilés par détresse. Or les lois vont dans le sens du rejet, de la mise à l’écart. Devant le refus de la majorité des Français et des gouvernements de respecter les droits humains fondamentaux dans un accueil digne, mon « je » sors de lui-même et se met publiquement en présence d’un « nous » (inconnu)afin de montrer l’urgence d’un vivre ensemble. Témoignage parmi d’autres que j’apporte pour alimenter notre échange. Il importe d’en appeler à la conscience de tous. Ne pas se laisser prendre par la désespérance d’une action non violente qui rencontre si peu d’écoute de la part des acteurs politiques. Souvent je me dis, qu’au nom de l’attachement à l’Évangile les chrétiens devraient immobiliser l’économie du capitalisme par des grèves générales susceptibles d’ouvrir la porte d’un accueil digne des très pauvres.

De Evangelium gaudi, N° 86, je retiens ces mots : « Même sa propre famille ou son propre milieu de travail peuvent être cet environnement aride où on doit conserver la foi et chercher à la répandre. Mais “c’est justement à partir de l’expérience de ce désert, de ce vide, que nous pouvons découvrir de nouveau la joie de croire, son importance vitale pour nous, les hommes et les femmes. Dans le désert, on redécouvre la valeur de ce qui est essentiel pour vivre ; ainsi dans le monde contemporain les signes de la soif de Dieu, du sens ultime de la vie, sont innombrables bien que souvent exprimés de façon implicite ou négative”… Dans tous les cas, en pareilles circonstances, nous sommes appelés à être des personnes-amphores pour donner à boire aux autres. Parfois, l’amphore se transforme en une lourde croix, mais c’est justement sur la Croix que le Seigneur, transpercé, s’est donné à nous comme source d’eau vive. Ne nous laissons pas voler l’espérance ! ».
Des relations nouvelles sont engendrées par Jésus Christ : «. De nos jours, alors que les réseaux et les instruments de la communication humaine ont atteint un niveau de développement inédit, nous ressentons la nécessité de découvrir et de transmettre la “mystique” de vivre ensemble, de se mélanger, de se rencontrer, de se prendre dans les bras, de se soutenir, de participer à cette marée un peu chaotique qui peut se transformer en une véritable expérience de fraternité, en une caravane solidaire, en un saint pèlerinage. Ainsi, les plus grandes possibilités de communication se transformeront en plus grandes possibilités de rencontre et de solidarité entre tous » (N° 87). Et aussi : « l’Évangile nous invite toujours à courir le risque de la rencontre avec le visage de l’autre, avec sa présence physique qui interpelle, avec sa souffrance et ses demandes, avec sa joie contagieuse dans un constant corps à corps. La foi authentique dans le Fils de Dieu fait chair est inséparable du don de soi, de l’appartenance à la communauté, du service, de la réconciliation avec la chair des autres. Dans son incarnation, le Fils de Dieu nous a invités à la révolution de la tendresse (N° 88).
Engagée dans une relation personnelle avec Dieu, nous sommes engagés en même temps envers les autres et avec les autres. « Il est nécessaire d’aider à reconnaître que l’unique voie consiste dans le fait d’apprendre à rencontrer les autres en adoptant le comportement juste, en les appréciant et en les acceptant comme des compagnons de route, sans résistances intérieures. Mieux encore, il s’agit d’apprendre à découvrir Jésus dans le visage des autres, dans leur voix, dans leurs demandes. C’est aussi apprendre à souffrir en embrassant Jésus crucifié quand nous subissons des agressions injustes ou des ingratitudes, sans jamais nous lasser de choisir la fraternité (91).

 

livret donné aux participants à la récollection

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