Tout en refusant de céder au désespoir suicidaire qui exposerait l'humanité, les très pauvres, aux pires impacts du changement climatique
Je suis dans la rue, manifestant en cercle de silence pour soutenir tous les exilés dont les réfugiés climatiques .
Je suis dans la rue pour soutenir les Palestiniens qui ne sont pas tous terroristes.
Je suis dans la rue pour sensibiliser les citoyens et pousser les dirigeants des États à faire les bons choix de gestion politique, économique et sociétale.
Voilà que je cite les Cercles de silence, les soutiens à la Palestine, Lutte et Contemplation.
Nous manifestons pour informer sensibiliser les citoyens et inviter les décideurs à faire les bons choix, ceux qui respectent les droits fondamentaux des « plus pauvres ».
Mais j’entends dire : vous paroles, vos silences ne sont que des vœux pieux. « Depuis combien d’années manifestez-vous ? Quel résultat obtenez-vous ? La réalité politique, économique, sociale est bien plus complexe. Vous rêvez ! » Et encore : « Il faut tenir compte de toutes les réalités et pas seulement de la défense d’un seul point ce vue. Si nous ne défendons pas, en Europe, la politique qui nous maintient en vie, nous serons envahis par les étrangers ».
Mais, ceci, dit, je ne peux oublier les gens qui passent devant la manifestation en disant : « Merci, vous avez du courage, je suis avec vous ».
J’a toutes ces reflétions dans ma tête quand je reçois un courriel d’un ami décroissant, c’est-à-dire partisan de l’objection de croissance matérielle, qui vient de lire avec une grande attention le texte de François de Rome, Laudate Deum. Il me communique un article de la revue belge Kairos, journal antiproductiviste pour une société décente
Il me semble que cette lecture des écrits de François de Rome, devrait être lue par tous les chrétiens catholiques et surtout par les décideurs pour que, fidèles à notre baptême, nous prenions, gardions le juste chemin de l’Évangile du Christ. Je le donne à lire tout en invitant à connaître cette vision antiproductiviste qui me semble être le chemin d’accompagnement des très pauvres dans notre « Maison Commune ». Il faudrait que les décideurs réunis à la Cop 28 aient le courage d’une prise de conscience dégagée des intérêts égoïstes, obtus, aveugles devant un monde qui s’enferment contre lui-même, sans avenir.
Le pape remet les couverts écologistes
Cher lecteur, rassure-toi, Kairos ne s'est pas subitement transformé en bulletin paroissial. Nous tenons toutefois à attirer ton attention sur l’exhortation apostolique à l'approche de la prochaine COP 28, à Dubaï en décembre prochain. D'emblée, François précise que son appel, Laudate Deum, ne s'adresse pas seulement aux catholiques, mais « à toutes les personnes de bonne volonté sur la crise climatique ». Rappelant que « le monde qui nous accueille s'effrite et s'approche peut-être d'un point de rupture », le pape insiste sur la dimension sociale d'une crise qui menace la dignité humaine. Il incrimine en premier lieu le paradigme technocratique, qui consiste à penser « comme si la réalité, le bien et la vérité surgissaient spontanément du pouvoir technologique et économique lui-même ». Ayant déjà établi ce constat en 2015 avec son encyclique Laudato si’, il voit que ledit paradigme s'est « alimenté lui-même de façon monstrueuse », notamment au travers de l'intelligence artificielle, qui postule un être humain « sans aucune limite, dont les capacités et les possibilités pourraient être étendues à l'infini grâce à la technologie ».
Par ailleurs, il dénonce « la logique du profit maximum déguisée en rationalité, en progrès et promesses illusoires », qui rend impossible tout souci sincère de la Maison commune - c'est ainsi qu'il nomme notre planète - et toute préoccupation pour les laissés pour compte de la société. Spécifiquement François regrette que, loin d'apporter des changements salutaires, les stratégies déployées lors de la crise financière de 2007-2008 puis de celle du Covia-19 « semblent avoir visé plus d'individualisme, plus de désintégration, plus de liberté pour les vrais puissants qui trouvent toujours la manière de s'en sortir indemnes ». Il dénonce ainsi la mondialisation menée par des élites qui « préservent les droits des plus forts sans se préoccuper des droits pour tous ». Déplorant que les engagements pris lors de la COP 21 de Paris n'aient pas été respectés et que les COP suivantes se soient réduites à un chapelet de vœux pieux, il appelle à un sursaut lors de la COP 28. Tout en refusant de céder au désespoir - ce qui serait « suicidaire car cela exposerait toute l'humanité, en particulier les plus pauvres, aux pires impacts du changement climatique » -, il ne semble pas trop y croire lui-même. Par ce qui ne peut apparaître que comme une dénonciation radicale du paradigme technocratique et transhumaniste, il termine son exhortation en explicitant son titre : « Louez Dieu parce qu'un être humain qui prétend prendre la place de Dieu devient le pire danger pour lui-même ».
Cette courte exhortation apparaît surtout comme une piqûre de rappel du message énoncé dans Laudato si'. Il nous semble urgent de lire ou relire cette encyclique qui constitue l'un des textes politiques majeurs de notre XXIe siècle, qui n'a pas eu l'impact qu'il mérite. Mis sous le tapis par la bourgeoisie catholique bien-pensante, il a aussi été largement ignoré par la gauche radicale aveuglée par ses œillères laïcardes, alors même que, déjà, le pape insistait sur le fait que son appel n'était pas réservé aux seuls croyants, mais qu'il s'adressait à tous ses frères et sœurs en humanité. Dans l'esprit de François d'Assise qui insistait sur la dignité égale, non seulement de tous les êtres humains, mais aussi de toutes les créatures vivantes, le pape s'y livre en effet à une dénonciation radicale du système techno-capitaliste, qu'il qualifie de « civilisation du déchet ». Avec des mots simples, mais directs et puissants, il montre comment celle-ci exploite, dévaste et dévore tant la nature que les hommes, à commencer par les plus pauvres, tous traités comme des « ressources » et considérés comme des déchets. Son appel à habiter et construire ensemble une Maison qui soit enfin commune, guidée par le respect du bien commun et du vivant, est plus que jamais d'actualité.
S. Kimo
Laudate Deum, exhortation apostolique du pape François (4 octobre 2023)
Laudato si’, lettre encyclique donnée à Rome, près de Saint-Pierre, le 24 mai 2015, solennité de Pentecôte, en la troisième année de mon Pontificat.