À la suite de frère Jésus-Christ, je dois être pauvre moi-même. Pour être avec les pauvres, je dois devenir un autre Christ pour mes frères

Publié le par Michel Durand

À la suite de frère Jésus-Christ, je dois être pauvre moi-même. Pour être avec les pauvres, je dois devenir un autre Christ pour mes frères
Photo de hyggesalpaka sur Unsplash

Geneviève Glaisner, dont j’ai déjà parlé, a rédigé cette page que je ne résiste pas à déposer en ce lieu. Elle m’a demandé de l’aider à publier ses nombreux écrits qui sont tous d’émouvants témoignages.

Voici ce qu’elle écrivait un jour de février 2019

 

Nous avons appris à mieux connaître le Prado il y a 20 ans, à partir de la préparation au diaconat de Michel. Bien avant, le Prado ne nous était pas inconnu ; Bernard, le frère de Michel est prêtre au Prado et deux prêtres de notre paroisse en Région Parisienne étaient aussi pradosiens. Mais à cette époque, les prêtres en parlaient peu, ils vivaient surtout le charisme d'Antoine Chevrier dans la discrétion. La béatification d'Antoine Chevrier par Jean-Paul II a favorisé une ouverture.

Nous avons donc commencé à connaître davantage Antoine Chevrier avec la famille des diacres en lien avec le Prado. Retraites, formations, récollections nous ont permis de prendre conscience davantage que, par nos choix de vie et nos racines ouvrières, nous étions proches du message d'Antoine Chevrier.

« À la suite de notre Maître Jésus-Christ, je dois être pauvre moi-même ; pour être avec les pauvres, je dois devenir un autre Christ pour mes frères ». Non pas en l'annonçant seulement, mais en le vivant au quotidien et il y a là de quoi remplir toute une vie ! J'aime aussi cette parole de Geneviève Anthonioz de Gaulle : « Regarder l'autre, l'écouter, ce n'est pas assumer sa peine, c'est de changer sa peine en joie. Ce n'est pas de devenir désespérés avec les désespérés, c'est de faire vivre l'Espérance de ceux qui sont désespérés ».

Je crois que la mission de tout baptisé - et la mission du diacre - est ceci : « être avec » ceux qui souffrent, ceux qui sont mis de côté, ceux qui sont malades, avec toutes les pauvretés morales, spirituelles... Avec Michel nous avons partagé et vécu tant de rencontres.

Être avec, c'est se faire proche de ceux qui sont loin de l'Église, être proche de ceux qui n'ont pas la connaissance de l'Évangile. Depuis longtemps et encore maintenant, à l'occasion d'une demande de sacrement, ou d'obsèques ou rencontre, j'ai toujours eu soif de réchauffer les cœurs, d'éveiller à la foi, d'aider les personnes à découvrir que Dieu est bien plus proche de leur vie qu'elles ne le pensent. Souvent j'ai été témoin d'une grande pauvreté spirituelle mais aussi témoin de grandes choses, de solidarité, de partages. Je dirai comme Saint Augustin : « Il y en a beaucoup qui ont l'air d'être dans l'Église et n'y sont pas, et beaucoup qui ont l'air d'y être et qui y sont ».

Depuis la mort de Michel, il y aura 3 ans, je ne suis plus la même. Tout en restant profondément meurtrie, j'ai avancé malgré tout ; mais cela reste un combat chaque jour, tant le manque, la douleur de l'absence m'épuisent.

Ma vie est autre, mais j'essaye de continuer à vivre les valeurs qui ont été les nôtres pendant 45 ans. Ces valeurs puisées dans le Christ et son Évangile et confortées par le Prado et Antoine Chevrier. C'est une aide et un soutien pour ma vie aujourd'hui encore. Antoine Chevrier est un guide spirituel qui me montre le chemin, l'attention aux plus petits en particulier. Il me stimule pour « connaître Jésus-Christ de plus près ». Une grâce et un appel à « connaître, aimer, suivre Jésus-Christ ».

J'ai encore beaucoup de chemin à accomplir, mais je ne perds pas de vue ce phare qui m'éclaire en la personne de Jésus et d'Antoine, son disciple. Comme François d'Assise, Antoine sait nous communiquer son sens de l'attachement au Christ en lien direct avec notre vie et notre mission auprès des plus petits et ceux qui souffrent.

« Pour nous, notre vie c'est Jésus Christ. Si Jésus est notre trésor, notre cœur et notre pensée seront toujours avec lui ». VD 117-118.

Je reste passionnée par les rencontres, les vies de chacun. Cela m'enrichit, me nourrit parce que je crois que c'est l'occasion d'y découvrir quelque chose de Dieu.

Ma vie spirituelle n'est pas un long fleuve tranquille. Il y a des avancées, des « certitudes » mais aussi, et aujourd'hui surtout, des pas en arrière, des questionnements, voir une certaine lassitude. Mais malgré tout, j'essaye de rester « en tenue de service » parce que Dieu m'envoye pour partager aux autres ce que j'ai reçu.

Au quotidien cela se traduit dans les engagements envers les personnes, auprès des malades, des familles en deuil. Vivant personnellement cela, je me sens davantage en compassion, dans l'écoute profonde et l'accompagnement. Un service qui prend davantage corps aujourd'hui, comme un ministère renouvelé. Aussi, sans cesse, je suis appelé à me convertir au Christ pauvre et serviteur et c'est bien le témoignage d'Antoine Chevrier. Il me booste pour m'abreuver à la Parole de Dieu afin d'aller mieux vers mes frères et pour m'émerveiller de ce que fait l'Esprit Saint dans le cœur de chacun, particulièrement chez les petits comme d'ailleurs notre Pape François nous y engage.

J'aime aussi cet appel d'Antoine Chevrier et du Prado qui nous dit que « ouvrir l'Évangile c'est se mettre devant le Christ et le laisser nous enseigner » et aussi : « À quoi sert l’Évangile si on ne l'étudie pas ? » Question de bon sens, mais plus encore.

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